jeudi 15 novembre 2012

Corse, les racines du mal



PARIS (Sipa)

La mort du président de la Chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud, Jacques Nacer, dans sa boutique de vêtements à Ajaccio porte désormais à 17 le nombre d'homicides commis cette année en Corse. "Ces dernières années, ces règlements de comptes ont représenté environ 20% des règlements de comptes commis sur le territoire français métropolitain", a noté le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, une proportion "tout à fait exceptionnelle au regard de la population". Plusieurs experts interrogés par Sipa, ont décrypté les racines de cette violence.

Des gangs qui s'entre-déchirent

Gabriel-Xavier Culioli, journaliste et écrivain corse, compare l'Ile de Beauté à "une grande cité" où des bandes règlent leurs comptes pour des histoires d'argent et d'honneur. "On a affaire à une forme de délinquance comme la vendetta autrefois", a-t-il expliqué a Sipa, où la vengeance et la haine régissent l'action de jeunes désoeuvrés. "La Corse a l'un des plus fort taux de pauvreté, les taux d'échec scolaire et de chômage chez les jeunes sont également très élevés". Cette violence a toujours existé, a-t-il ajouté. "Ça fait partie de l'histoire de l'île. Il y a une tradition très forte de ressentiments".
Pour Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des Art et métiers, on assiste aujourd'hui à une "guerre de succession" suite à la disparition de bandes qui faisaient régner la pluie et le beau temps dans les années 1980, comme la bande du "Petit Bar" à Ajaccio, ou celle de la "Brise de mer", implantée dans le nord de l'île.

Frontière poreuse entre grand banditisme et nationalisme

Là-dessus, s'ajoute un conflit armé entre nationalistes qui dure depuis plusieurs décennies. "La Corse a une histoire qui n'a pas commencé hier. Il est impossible de savoir pour l'heure si cet assassinat relève du grand banditisme. Plusieurs situations sont imbriquées", a affirmé Alain Bauer. "Il y a une situation de conflit armé entre nationalistes qui pèse sur le débat. Des vengeances et des règlements de comptes sont arrivés là-dessus".
Aujourd'hui, la police doit faire face à la violence des voyous et des nationalistes quand elle s'en mêle. "Il y a des passerelles. Les gens du milieu ont besoin d'appuis auprès des gens de pouvoir. On ne comprend pas bien qui fait quoi", confie à Sipa le journaliste Sampiero Sanguinetti, auteur de "La violence en Corse".

Une réponse inappropriée des pouvoir publics

Face à cette situation, les pouvoirs publics et la Justice sont désemparés. "C'est affligeant. Les gouvernements successifs n'y comprennent rien! C'est un peu comme au XIXe siècle: la justice t'acquitte, moi je te condamne. Les problèmes en Corse ne seront réglés que par des Corses", analyse Gabriel-Xavier Culioli, estimant que "cet assassinat ne restera pas sans réponse". Il observe par ailleurs un phénomène nouveau et plus inquiétant. "Avant on avait affaire à des bandes de voyous, étiquetés voyous qui se rendaient coup pour coup. Ce n'est plus uniquement le cas aujourd'hui. Désormais cette violence atteint aussi la société civile". Il préconise "plus de policiers et magistrats locaux qui connaissent le terrain".
Depuis 30 ans, l'action des pouvoirs judiciaires et policiers est un échec, affirme Sampiero Sanguinetti. Les pouvoirs se heurtent à une défiance généralisée de la part de la population, explique-t-il. "La justice d'exception antiterroriste choque la population corse et rend suspectes les méthodes des autorités qui utilisent des témoignages anonymes. Il y a une opacité sur les méthodes employées, dénonce-t-il, qui est "préjudiciable et qui fait que la population ne veut pas parler". Pour enrayer cette violence en Corse, il préconise "d'assainir la situation économique de la part de l'Assemblée nationale corse", d'une part, et de que "l'Etat clarifie la lutte contre le banditisme et le nationalisme pour redonner confiance aux gens".

La mafia à l'œuvre?

Derrière cet assassinat, c'est "la mafia" qui serait "à l'oeuvre en Corse", a estimé jeudi le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Or, pour Gabriel-Xavier Culioli, journaliste et écrivain corse, qui connaissait Jacques Nacer, l'ancien président de la CCI "n'a jamais été un nationaliste. C'était un brave type qui tenait un magasin, mais pas un voyou", assure-t-il. Selon lui, son assassinat, c'est une réponse à d'autres assassinats. M. Nacer était par ailleurs secrétaire général de l'AC Ajaccio, un club dirigé par l'ancien nationaliste Alain Orsoni. Ancien fondateur du Mouvement pour l'autodétermination (MPA), surnommé "Mouvement pour les affaires" par ses détracteurs, M. Orsoni a échappé à plusieurs tentatives d'assassinat par le passé.
La Mafia en Corse? "L'île est bien trop désordonnée pour ça. Or la mafia pré-suppose un système organisé. C'est simplement une suite de règlements de comptes qui dure depuis des années", a estimé Gabriel-Xavier Culioli. "Le Premier ministre se trompe. Il n'y a pas de mafia en Corse. La violence en Corse, c'est une question complexe. Face aux difficultés de ce qui se passe, on a tendance à utiliser le mot mafia. Or, on est dans l'erreur totale. Le problème corse n'est pas celui de la Sicile. On est davantage dans le grand banditisme", a ajouté Sampiero Sanguinetti.
Mais pour Fabrice Rizzoli, universitaire et auteur du "Petit dictionnaire énervé de la mafia", au contraire, en Corse, tout ressemble à une organisation mafieuse comme en Italie. "Ils font appliquer la loi du silence, ils agissent en association, ils utilisent la violence systémique pour entrer dans le business. Il ne manque plus que ce soit qualifié en droit et que l'on crée en France un 'délit d'association mafieuse' comme en Italie".
cm/mw

Une interview du sénateur Alfonsi et des remarques


"Il faut appliquer implacablement la loi de la République en Corse"

Créé le 15-11-2012 à 15h49 - Mis à jour à 16h59

Le sénateur radical de Corse-du-Sud Nicolas Alfonsi applaudit le discours de Valls, après l'assassinat du président de la Chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio.

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Jacques Nacer a été assassiné dans son magasin rue Fesch a Ajaccio de plusieurs balles de gros calibres. (NICE MATIN/MAXPPP)
Jacques Nacer a été assassiné dans son magasin rue Fesch a Ajaccio de plusieurs balles de gros calibres. (NICE MATIN/MAXPPP)
SUR LE MÊME SUJET
Le Nouvel Observateur : que pensez-vous du discours tenu par le ministre de l'Intérieur et de la Garde des Sceaux, aujourd'hui en Corse ?
Nicolas Alfonsi  :  J'approuve l'intervention de Manuel Valls et de Christiane Taubira à 300%. C'est un compliment assez rare venant de moi. Il faut remonter très loin dans le temps  et dieu sait si je suis un peu la mémoire de la Corse – pour entendre un discours d'une telle fermeté et surtout d'une telle clarté. Ils rejoignent ce que je n'ai cessé de répéter : tant qu'il n'y aura pas un réinvestissement total de l'Etat, nous n'aboutirons à rien. On y est enfin. Il est juste regrettable qu'il ait fallu attendre que ça soit deux personnalités importantes de Corse qui soient assassinées pour que ce réinvestissement intervienne.
La situation actuelle est donc due à une disparition de l'Etat ?
- J'ai toujours défendu la thèse qu'il fallait mieux un Etat défaillant que pas d'Etat du tout. Je vous laisse le soin de deviner ce qui se passerait si demain nous allions encore vers des réformes institutionnelles surréalistes qui verrait petit à petit l'Etat s'effacer.
Seriez-vous favorable à la création d'une zone de sécurité prioritaire (ZSP) en Corse ?
- A priori, je n'y vois pas d'inconvénient. Je ne peux pas mesurer encore quel est l'impact de ces ZSP. Mais la Corse est tellement spéciale en matière de sécurité que le simple concept de ZSP n'est pas suffisant. En revanche, ce qui est capital selon moi, c'est le soutien aux Juridiction inter-régionales spécialisées, les fameuses "JIRS". Beaucoup font la fine bouche quand on en parle, ils prennent des pincettes, émettent des restrictions. Ils font mine de penser que le "juge naturel", le juge d'instruction corse, serait beaucoup plus à même de régler les problèmes. C'est une véritable fumisterie. Si on n'a pas des gens compétents qui recentralisent toute une série d'information, on ne s'en sortira pas.
Le député radical Paul Giacobbi pointe du doigt la guerre entre gendarmerie et police sur l'île, serpent de mer de la politique de sécurité. Est-ce le principal problème ?
- Je ne pense pas. Prenons le problème à l'envers. Police et gendarmerie ont été fusionnées par Nicolas Sarkozy. Il n'y avait pas de rivalité entre eux avant cet acte. Ou de prétendue rivalité. Est-ce que le taux d'élucidation des crimes du milieu a augmenté? Non, le vrai problème c'est que dans l'escalade mortifère qu'on connait, on s'attaque désormais, compte tenu des intérêts en jeu à des personnalités. Si, ces gens là n'avaient pas été assassinés, on n'en parlerait pas.
La violence à l'origine politique a-t-elle évoluée devenant l'apanage du milieu ?
- La porosité existe depuis 20 ans entre affairisme et nationalisme. Je suis dans une situation très originale. J'ai dit non à Joxe quand j'étais au PS (qui a institué le statut particulier de l'île au sein de la République avec la collectivité territoriale de Corse, ndlr). J'ai aussi dit non à Jospin pour les accords de Matignon (déléguant un pouvoir d'adaptation des lois à la Corse, ndlr) et non à Sarkozy. Je considère que tout ça ne sert à rien. La seule chose qui compte c'est l'inscription dans la durée. Il faut une continuité de l'Etat pendant cinq ou dix ans. Il faut remettre la Corse en possession d'elle-même avec des comportements normaux. Et il faut appliquer implacablement la loi de la République.
La violence s'est-elle banalisée ces dernières années dans la vie quotidienne des corses ?
- Pardonnez-moi cette expression douloureuse pour les victimes, mais en ce moment un meurtre chasse l'autre. On peut le regretter. Le mot de banalisation correspond à une réalité du vécu quotidien en Corse. Dans trois semaines, Paris va reprendre son ronron. Encore une fois c'est dommage qu'il faille attendre des drames de ce genre pour que tout le monde prenne conscience de la dérive à la fois institutionnelle et psychologique alors que les gens en Corse ne demande qu'à travailler. Ce qui est désastreux, c'est l'image qu'on donne à la communauté nationale, de ce pays souffrant d'une pathologie criminelle invraisemblable. On n'est pas le Honduras, mais on va y arriver.
Interview de Nicolas Alfonsi, sénateur radical de Corse-du-Sud, réalisée par Nicolas Chapuis, le 15 novembre 2012.

Mon commentaire : Nicolas Alfonsi a le charme de persistance. Il salut le discours de Valls le considérant comme novateur. Le sénateur a la mémoire courte même s'il estime être la mémoire de notre île. Tous les ministres de l'intérieur, tous les présidents sans exception ont tenu les mêmes discours qui ne sont pas faux en soi mais tellement inopérants que c'en est lassant. Nicolas Alfonsi devrait se rappeler "il faut terroriser les terroristes" de Charles Pasqua, de "L'état ne cédera pas" de Chirac, de l'appel au sursaut du rapport Glavany. Bref toujours les paroles rassurantes. On voit d'ailleurs mal ce qu'un ministre de l'intérieur pourrait dire d'autre. On comprendrait mal qu'il proclame lâcher prise.

Le problème avec la position de M. Alfonsi c'est qu'elle a déjà été expérimenté avec le commissaire Broussard, avec Pasqua, avec Debré, etc. etc. sans que cela quoique ce soit au problème corse. Car si l'une des réponses est répressive l'autre tient à la prise de position citoyenne des Corses. Nous devons craindre un délitement de la société qui favoriserait l'emprise du grand banditisme mais aussi un trop plein répressif qui, in fine, ferait le jeu de la voyoucratie.

Nicolas Alfonsi n'est pas un perdreau de l'année et il y a des chances qu'au jour de son grand départ, la question n'aura pas changé si nous sommes toujours dirigé par une classe politique qui d'une certaine façon profite de la violence. Que seraient-ils sans cette violence qui leur donne une place. Car on ne peut pas dire qu'en matière de gestion ce soit des aigles. Le PEI soit 1,5 milliards d'euros est en train d'être dépensé en pure perte parce qu'au lieu de projets structurants on a semé l'argent en fonction des intérêts clientélaires. Et le grand banditisme a pris sa part. 

dimanche 4 novembre 2012

Il faut abolir le mandat d'arrêt européen


Le vrai visage du mandat d’arrêt européen


Par Jean-Claude Paye, sociologue 
Le rejet par la Cour de cassation du pourvoi déposé par Aurore Martin rend ainsi possible sa remise aux autorités judiciaires espagnoles pour « participation à une organisation terroriste ». Cette décision montre la nature directement politique du mandat d'arrêt européen. Aurore Martin est poursuivie pour appartenance à Batasuna, une organisation politique interdite en Espagne, mais légale en France. Cette double décision judiciaire : la validation du mandat espagnol par la cour d'appel de Pau et le rejet du pourvoi par la Cour de cassation, constitue une première en France. Cette affaire dévoile ce que permet le mandat d'arrêt européen et que n'autorisait pas l’ancienne procédure d'extradition. Pour bien comprendre 
la dimension du changement, un petit retour aux sources s’impose.
Profitant des attentats du 11 septembre 2001, la Commission de l’Union européenne avait ressorti de ses cartons un double projet de décision-cadre, l’un relatif à l’incrimination du terrorisme, l'autre à l’installation d’un mandat d'arrêt européen devant se substituer à la procédure d'extradition.
Adoptées toutes deux le 6 décembre 2001 et ensuite intégrées dans les codes pénaux des États membres, ces deux décisions-cadres sont intimement liées. Le mandat d'arrêt prend toute sa dimension liberticide dans le cadre de « la lutte contre le terrorisme ». Rappelons que l'incrimination du terrorisme est immédiatement d’ordre politique. Ce qui spécifie un acte comme tel est l’intention attribuée à l’inculpé de faire pression sur un gouvernement. Ainsi, c’est le pouvoir lui-même qui détermine le type d’opposition qu'il accepte ou celle qu’il criminalise.
Le mandat d’arrêt met en place un mécanisme de solidarité entre gouvernements européens vis-à-vis des oppositions qu'ils désignent comme criminelles. Cependant, au contraire de l’ancienne procédure d'extradition, la décision de remettre la personne demandée échappe formellement au gouvernement du pays qui reçoit la demande. Dans la procédure d’extradition, le contrôle judiciaire portait sur la matérialité des faits et la légalité de la demande. En ce qui concerne le mandat d’arrêt, le contrôle judiciaire ne porte plus que sur la régularité formelle du document. L’abandon des procédures de vérification fait que la remise a un caractère quasiment automatique. Ce mode opératoire renverse celui de l'extradition dans lequel la décision revenait in fine au pouvoir politique.
La procédure d’extradition reposait également sur l’exigence d’une double incrimination : l’extradition n’était possible que si le fait poursuivi constituait un délit tant dans le pays demandeur de la personne incriminée que dans le pays sollicité. Le mandat européen abandonne cette condition : il suffit que le comportement mis en cause constitue une infraction dans l’État demandeur. Ceci explique pourquoi Aurore Martin est remise à l’Espagne pour appartenance à une organisation politique illégale en Espagne, mais légale en France. Cette possibilité découle du mécanisme psychotique du mandat d’arrêt européen. À la réalité des actes du pays demandeur est substituée la légalité présupposée de ceux-ci. Il s’agit là d'une conséquence du principe de confiance mutuelle. Il est posé, a priori, que les systèmes pénaux des pays de l’Union respectent la démocratie et l’État de droit. La mise en œuvre du mandat ne peut être suspendue « qu’en cas de violation grave et répétée par les États membres des droits fondamentaux ». L'autorisation du transfert d’Aurore Martin nous montre que l’existence de juridictions d'exception ainsi que l’utilisation systématique de la torture vis-à-vis des militants basques ne constituent plus, pour la France, « une violation grave » remettant en cause l’extradition d’un ressortissant français.
La revendication d’une « utilisation non politique » du mandat d’arrêt européen, par nature politique, est en soi un non-sens. On ne peut faire face à l’ampleur du déni de démocratie que constitue cette réforme qu'en réclamant sa suppression et le retour à l'ancienne procédure d’extradition.

(*) Auteur de la fin de l’État de droit. 
Éditions La Dispute. Cet article a été publié par L'Humanité

samedi 3 novembre 2012

Hollande et Valls doivent s'expliquer et Aurore Martin doit revenir en France


Des représentants de partis politiques, syndicats, associations et membres de la société civile, réunis samedi à Bayonne, ont demandé au président des explications sur l'arrestation de la militante basque d'autant que François Hollande, alors candidat, avait pris position pour Aurore Martin.
Après Manuel Valls, le Max Dormoy moderne, c'est au tour de François Hollande de devoir répondre aux questions posées à gauche. Les condamnations se multiplient à l'égard du président et de son ministre de l'Intérieur depuis l'interpellation, jeudi, de la militante de Batasuna la première Française remise à un pays étranger.
Samedi, des représentants de partis politiques, syndicats, associations et membres de la société civile, réunis lors d'une conférence de presse à Bayonne, ont demandé des explications au chef de l'État sur les conditions de l'arrestation et de la remise à l'Espagne d'Aurore Martin. «En juillet 2011, François Hollande en vacances au Pays basque avait demandé la clémence à Claude Guéant concernant Aurore Marin. Que pense-t-il aujourd'hui de son ministre de l'Intérieur Manuel Valls?», s'est interrogé Laurence Hardouin, de la Cimade.
«On nous dit que cette arrestation est fortuite. Je demande au gouvernement de procéder à une enquête», a renchéri le sénateur MoDem des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Jacques Lasserre.
L'écologiste Martine Bisauta, adjointe au maire de Bayonne, a quant à elle demandé à «François Hollande, président normal de répondre normalement à notre question: qui est à l'origine de cette arrestation et pourquoi la France a fait droit à la demande de l'Espagne?» Selon la sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, «il est nécessaire que le gouvernement réponde, pour le bon-vivre en Pays basque». «Nous allons solliciter le gouvernement, intervenir auprès des autorités espagnoles par l'intermédiaire de notre ambassadeur et saisir le Conseil constitutionnel», a-t-elle prévenu.
Vendredi, seize élus «socialistes et républicains» du Pays basque s'étaient déjà dits «consternés» par cette affaire. Dans un texte commun, cosigné notamment par trois parlementaires PS, ils condamnaient l'application du mandat d'arrêt européen (MAE) dont Aurore Martin faisait l'objet depuis 2010 et réclamaient son «retour immédiat (...) sur le territoire français». Ils rappellaient leur opposition constante à ce mandat qui, dans son cas, vise des faits interdits en Espagne, mais autorisés en France. Madrid reproche à Aurore Martin d'avoir participé en Espagne à des réunions publiques comme membre de Batasuna. Or, ce parti, interdit par les autorités espagnoles qui le considèrent comme le bras politique de l'organisation séparatiste basque ETA, est légal en France.
Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF et conseiller municipal de Pau, avait qualifié cette interpellation de «honte», ciblant directement Manuel Valls. «Ce que Claude Guéant n'avait pas osé faire, le ministre Valls vient de le commettre», avait-il dénoncé. Avant de prévenir: «Les parlementaires communistes interpelleront le gouvernement» la semaine prochaine à ce sujet.
Le Parti de gauche avait également filé la comparaison avec l'ancien ministre, en observant que «là où en 2011, Guéant et Sarkozy avaient reculé, Valls et Hollande n'ont pas hésité une seconde à livrer, sous couvert d'un mandat d'arrêt européen, une citoyenne française poursuivie pour des faits légaux dans notre pays».
«Choquées» également, les antennes Europe Écologie-Les Verts EELV Aquitaine et Pays basque s'étaient inquiétées de voir «pratiquer une répression que rien ne justifie dans le climat actuel». Le député maire de Bègles (Gironde), Noël Mamère, avait estimé pour sa part que le locataire de la Place Beauvau jouait «un jeu extrêmement dangereux dans le but de soigner son image de ministre de l'Intérieur intransigeant». Manuel Valls «semble vouloir créer la discorde en entretenant sciemment l'amalgame et la confusion», avait renchéri EELV.
À l'UMP, les critiques étaient plus rares vendredi. Le conseiller Max Brisson a vu dans cette affaire «un nouveau signal préoccupant pour tous ceux qui œuvrent pour un Pays basque apaisé et le vivre ensemble».
De son côté, la présidente du FN, Marine Le Pen, a regretté la décision de Manuel Valls, jugeant qu'«un gouvernement français n'a pas à extrader ses nationaux».
Parmi les rares défenseurs de Manuel Valls à gauche, Jean-Jacques Urvoas, le président PS de la commission des lois de l'Assemblée nationale a déclaré «Dans cette affaire, Manuel Valls n'a pris aucune décision. Il n'y a donc nulle raison de le mêler à cette polémique». Samedi, Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a également fait part de son soutien au gouvernement, estimant de manière laconique et peu convaincante que la polémique à ce sujet «n'a pas lieu d'être». «L'Etat a respecté l'indépendance de la justice qui a pris cette décision après que toutes les voies de recours ont été épuisées», a-t-il déclaré.
François Hollande va devoir se prononcer sur cette nouvelle "erreur" qui rappelera aux plus anciens l'attitude des ministres de Front populaire qui en 1937 firent tirer sur des anti-fascistes, refusèrent toute aide aux Républicains espagnols. 

vendredi 2 novembre 2012

Il y a un an une tribune du syndicat de la magistrature en faveur d'Aurore Martin


Aurore Martin sera-t-elle livrée pour ses idées ?


parue dans Le Monde du 


Pour des faits que la loi française ne punit pas, une citoyenne française est sous le coup, depuis plus de six mois, d'une arrestation, d'une incarcération et d'une remise par la France aux autorités judiciaires d'un pays où elle encourt douze ans d'emprisonnement. Elle a déjà été détenue pendant huit jours à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses, avant d'être placée sous contrôle judiciaire. Judiciairement, son sort paraît scellé : la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau puis la Cour de cassation ont validé le mandat d'arrêt européen dont elle fait l'objet...

Aurore Martin a décidé de "se cacher". Qu'a-t-elle fait au juste ? Dans le mandat qu'il a délivré à son encontre le 13 octobre 2010, un magistrat espagnol vise sa participation, en 2006 et 2007, à six réunions publiques – quatre en Espagne, deux en France – et la rédaction d'un article dans le journal Gara en tant que membre du parti indépendantiste basque Batasuna. S'y ajoutent ses relations avec le Parti communiste des terres basques (Ehak).
Ce juge a retenu la qualification de "participation à une organisation terroriste", car Batasuna est illégal en Espagne depuis 2003 et Ehak depuis 2008 (soit postérieurement aux "faits"...) et ce, en raison de leurs liens supposés avec ETA. En France, une telle activité, qui relève du militantisme politique, est bien entendu parfaitement licite ; Batasuna présente d'ailleurs des candidats aux élections locales.
Et il n'y a strictement rien d'autre dans le dossier : ni arme, ni contact avec ETA, ni appel à la violence, ni quoi que ce soit pouvant entrer dans la définition française – pourtant très large – du terrorisme. Uniquement ces réunions, cet article, cet engagement, au grand jour. Pourtant, la justice hexagonale a entériné la demande espagnole au titre des quatre réunions publiques auxquelles Aurore Martin a participé de l'autre côté des Pyrénées... Comment cette situation, aussi absurde qu'inique, a-t-elle été rendue possible ?
Il ne nous appartient pas de porter un jugement sur la cause indépendantiste, ni de comparer les justices espagnole et française, aucune n'ayant de leçons à donner à l'autre. Ce qui est ici en jeu, c'est l'abandon par un Etat de ses principes les plus essentiels – et accessoirement de ses citoyens – au nom des nécessités de la coopération avec d'autres Etats.
L'idée générale ayant présidé à la création, en 2002, du mandat d'arrêt européen (MAE) était de mieux lutter contre la criminalité transfrontalière en supprimant les procédures d'extradition entre Etats membres de l'Union européenne (UE), au profit d'un contrôle exclusivement juridictionnel de la validité des mandats. La logique de confiance mutuelle qui devait prévaloir allait jusqu'à permettre la "remise" par un Etat de ses propres nationaux.
A priori, rien de scandaleux. On pouvait même y voir un moyen efficace de contrer le crime organisé, la corruption, le blanchiment... Dans la droite ligne de l'Appel de Genève et du Manifeste de Strasbourg signés en 1996 et 2000 par des magistrats de plusieurs pays. Autre avantage apparent : alors que l'extradition était soumise à l'arbitraire de l'exécutif, le MAE devait être examiné par des juges indépendants.
Très vite cependant, la manière dont les gouvernements de l'UE ont conçu le MAE s'est révélée totalement biaisée, dans la mesure où l'invention de ce nouvel outil coercitif ne s'est pas accompagnée de ce qui en était le corollaire indispensable : la constitution d'un véritable espace judiciaire européen, impliquant un corpus jurisd'incriminations communes, un parquet européen, des garanties élevées et partagées de protection des droits et libertés. Pire, une longue liste d'infractions a été d'emblée exclue du principe de "la double incrimination des faits reprochés", selon lequel les faits visés dans le mandat doivent être sanctionnés tant dans le pays requis que dans le pays d'émission.
Comme par hasard, il en va notamment ainsi du terrorisme, qualification pourtant éminemment politique et variable. Cette dérogation, qui figure à l'article 695-23 du Code de procédure pénale, recèle un grave abandon de souveraineté et transforme le juge en alibi : dès lors que l'Etat d'émission du MAE a qualifié tel ou tel acte (n'importe lequel !) de "terroriste", les magistrats de l'Etat d'exécution ne peuvent pas vérifier s'il s'agit bien de terrorisme au regard de leur propre loi.
Ils peuvent donc être conduits à autoriser cet Etat à livrer une personne, y compris l'un de ses ressortissants, pour des faits qu'il ne saurait lui-même réprimer dès lors qu'ils relèvent, par exemple, de la liberté d'opinion et d'expression. A charge de revanche bien sûr ! Ou comment les Etats de l'UE ont érigé le reniement de leurs lois en échange de mauvais procédés...
Ainsi conçu, le mandat d'arrêt européen devient une dangereuse hérésie. Il est d'autant plus urgent de le dénoncer que la jurisprudence s'est soudainement durcie : la Cour de cassation considère désormais que la possibilité prévue par la loi de s'opposer à l'exécution d'un MAE "si les faits pour lesquels il a été émis ont été commis, en tout ou partie, sur le territoire français" doit être écartée lorsque les faits n'ont pas tous été commis en France...
Aurore Martin devrait jouir partout, en France ou ailleurs, de la liberté d'opinion et d'expression, qui constitue l'un des biens les plus précieux des démocraties. Si, en l'occurrence, l'Etat espagnol a choisi d'en restreindre l'usage bien davantage que l'Etat français, il n'en demeure pas moins qu'Aurore Martin n'a pas enfreint la loi française : elle devrait donc pouvoir vivre et s'exprimer librement en France.

Aurore Martin expulsée : honte aux gouvernants de gauche


Aurore Martin, militante indépendantiste basque, n'avait commis aucun crime sinon celui de participer à un meeting du mouvement Batasuna interdit en Espagne mais légal en France. La France, dirigée par des personnes qui se réclament de la gauche, ont livré une citoyenne française d'opinion à un pays étranger. C'est une première. Voici un article signé Clément Mathieu paru dans Paris Match

Depuis son arrestation qui ne cesse de provoquer des réactions indignées, Aurore Martin est devenue la figure d’une question basque en plein flou. La militante a été interpellée jeudi par la gendarmerie lors d'un contrôle routier fortuit à Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées-Atlantiques. En vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne en novembre 2010 - validé deux mois plus tard par la justice française – la jeune femme de 33 ans a été remise à Madrid, qui lui reproche ses liens avec Batasuna. Si le parti indépendantiste est légal en France, il ne l’est pas au-delà des Pyrénées où il est considéré comme lié à l'organisation politico-militaire Eta. Outre cette dimension légale, ses soutiens mettent aussi en avant le risque que la décision fait encourir à la paix, un an après l’annonce de la fin définitive de la lutte armée par l'Eta.
Le député écologiste européen José Bové s'est dit opposé «à l'application du mandat d'arrêt, un danger pour le processus de paix», alors que le conseiller général UMP Max Brisson a y vu «un nouveau signal préoccupant pour tous ceux qui œuvrent pour un Pays basque apaisé». Le sénateur MoDem Jean-Jacques Lasserre s'est dit «choqué» par «des méthodes extrêmement brutales» du gouvernement, et le porte-parole du PCF des Pyrénées-Atlantiques Olivier Dartigolles a jugé «insupportable et indigne qu’une personne de nationalité française, militante d’un parti autorisé en France, soit extradée pour des faits eux-mêmes non punissables dans notre pays». Un reproche également adressé à la France par la Ligue des droits de l'Homme, lors de la validation du mandat espagnol par la cour d'appel de Pau.
Aurore Martin risque jusqu'à 12 ans de réclusion pour «participation à une organisation terroriste», alors qu’elle n’a jamais participé à une quelconque activité armée. Native d’Oloron-Sainte-Marie, très tôt sensibilisée à l’identité basque puisqu’elle a fait sa scolarité et notamment obtenu son BEPC dans la langue de son «pays», Aurore Martin a commencé son militantisme par de petites actions locales. «J’ai commencé à batailler dans des associations, à monter des maisons de jeunes, où on faisait du théâtre, de la musique… je crois que tout ça est venu de fil en aiguille», avait-elle expliqué dans une interview au site d’information Mediapart. Une première arrestation au début des années 2000 a par la suite politisé son engagement. Aurore Martin a été interpelée seule, un mois après un coup de filet de la police contre ses amis indépendantistes et notamment sa sœur. «Je suis montée à Paris, j’ai vu la juge antiterroriste et j’ai fait un mois de prison».

SIX MOIS DE CLANDESTINITÉ

«J’ai eu un non-lieu, puisque mon dossier était archi-vide. On m’a fait comprendre que c’était un peu pour me mâter (…) et je suis sorti de ça en me disant ‘plus jamais’. Un an après j’intégrais Batasuna en tant que militant vraiment actif», a-t-elle dit à Mediapart. «Comme je savais que je n’avais rien fait, je me suis dit que c’était politiquement une volonté de casser du jeune pour ne pas aller de l’avant, et que je devais me charger de politique». Au cours des années 2000, la jeune femme prend de plus en plus de responsabilités et une place au bureau national du parti. Son projet ? «Un état souverain», qu'elle pense pouvoir obtenir «par la voie des urnes», et «un projet social, de gauche», voire «d’extrême gauche», a-t-elle expliqué à Mediapart. Début novembre 2010, elle est de nouveau arrêtée, puis relâchée, avant de voir quelque jour plus tard le mandat d’arrêt à son encontre validé. À la suite du feu vert à sa remise à l'Espagne, la jeune femme avait annoncé dans un courrier publié sur le site internet du «Journal du Pays basque» qu’elle entrait dans la clandestinité.
«Depuis quelques jours ma vie a quelque peu changé. En effet, mon activité politique est interdite en France, en Espagne et au Pays basque. Je n'ai pas d'autre choix que de me cacher pour pouvoir continuer mon activité politique au sein de Batasuna», avait-elle écrit. «J'ai donc décidé d'arrêter mon contrôle judiciaire et de ne plus me montrer publiquement. Je suis en Pays basque, parmi vous, grâce à vous, grâce aux nombreux amis et soutiens qui m'ont accueillie et ouvert leurs portes». Une quarantaine d’élus basques avaient annoncé quelques jours après héberger la jeune femme. «Ouvrir sa porte et héberger Aurore est un acte légitime et cohérent. Nous demandons à tous les citoyens d'être prêts à faire de même», avaient-ils écrit dans un communiqué. En janvier 2011, elle avait annoncé dans une nouvelle tribune au «Journal du Pays basque» sa participation aux élections cantonales de mars, comme suppléante du candidat d'Euskal Herria Bai, rassemblement de trois mouvements de la gauche indépendantiste, Batasuna, Eusko Alkartasuna et Abertzaleen Batasuna – qui avait obtenu 7,9% des suffrages exprimés.
La militante indépendantiste était réapparue après six mois de clandestinité début juin 2011 à Biarritz. Le 21, à quelques heures du début de la Fête de la musique, six policiers cagoulés envoyés pour l’arrêter au domicile de sa sœur avaient dû abandonner leur opération. Un groupe d'une cinquantaine de militants et de voisins se sont opposés à l'intervention des policiers, avant de se réfugier avec Aurore Martin dans un bar du quartier du «Petit-Bayonne», fief nationaliste basque. Elle vivait depuis au Pays basque où elle avait participé à plusieurs reprises à des manifestations et à des conférences de Batasuna, en sachant qu'elle risque à tout moment l'extradition. Elle était même persuadée que ce jour viendrait, avait-elle confié dans une interview au «Journal du Pays basque». «Je sais que la procédure va être menée jusqu'au bout, que je vais passer devant l'Audiencia Nacional et j'ai intégré que je vais être incarcérée. Je dis 'intégré' car on ne peut pas accepter cela. Je risque 12 ans de prison».Point final

jeudi 1 novembre 2012


Guerre des polices… encore et toujours

Deux jeunes ont été abattus à Marseille vraisemblablement dans un règlement de comptes. C'est le procureur adjoint, Jean-Jacques Fagni qui s'est rendu sur les lieux.

Deux jeunes hommes ont été abattus jeudi vers 18h40 dans une rue des quartiers Nord de Marseille par des tueurs en moto, a-t-on appris de source proche de l'enquête, ce qui porte à 22 le nombre de règlements de comptes dans la région cette année.
Les deux victimes, qui se trouvaient à bord d'une Clio noire de location, sont décédées sur le coup après avoir été touchées par des projectiles de gros calibre, probablement tirés par une Kalachnikov et un pistolet de gros calibre.
Un troisième occupant a réussi à sortir du véhicule pour se réfugier dans un appartement voisin, selon une autre source proche de l'enquête.
Les investigations ont été confiées à la brigade criminelle de la police judiciaire, déjà en charge de plusieurs meurtres sur fond de trafic de drogue.
Le procureur adjoint de la République, Jean-Jacques Fagni, était attendu sur les lieux.
Il s'agit du 22e règlement de comptes dans la région après l'assassinat par balles, le 11 octobre, d'un homme de 53 ans à la terrasse d'un bar du 4e arrondissement de Marseille, devant de nombreux témoins à l'heure du déjeuner. Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'était rendu sur la scène du crime, dénonçant "un crime de trop, inacceptable".
Le gouvernement avait annoncé le 6 septembre, à l'issue d'un comité interministériel à Matignon, un plan global de mesures destinées à endiguer la criminalité dans la deuxième ville de France, et à y réduire les inégalités sociales.
La première constatation est que le procureur Dallest lui aussi ancien procureur de Corse, s'est fait remplacer sur le terrain. Il doit en avoir assez de constater les assassinats sans parvenir à arrêter les assassins. Le deuxième constat est que très curieusement la JIRS ne se saisit pas de l'affaire. Pourquoi et comment cette juridiction d'exception s'autosaisit ? Mystères et boules de gomme. Dans la région de Sartène et du Valincu, la plupart des crimes ont été laissés à la charge de la gendarmerie. Pourtant, le dernier assassinat, celui de Patrick Sorba, est désormais à la charge de la JIRS alors que les tentatives visant son frère ne l'étaient pas. Tous les assassinats qui ont endeuillé la région de Tizzano ont échappé à la JIRS alors qu'il s'agit de grand banditisme sur fond d'immobilier. Bref la politique de l'état reste totalement opaque dans notre île. Or les Corses sont profondément cohérents et cherchent à comprendre ce qui leur arrive.

Que penser de la chappe de silence qui s'est abattu à Marseille sur les complicités entre le conseil général des Bouches du Rhône et le monde interlope. Quand il s'agit de la Corse c'est la mafia internationale. Mais les complicités de Marseille, ville dirigée par les socialistes, devient un murmure judiciaire et médiatique. Et pourtant il y aurait de quoi dire. Le système marseillais ressemble beaucoup plus à un schéma mafieux classique que le désordre corse.

Nous avons l'impression d'être médiocres en tout même en matière de criminalité. Tout ordre ici se dissout et devient cahotique. Le Canard Enchaîné fait état, cette semaine, de la mise en examen d'un ancien nationaliste reconverti en agent immobilier. Il aurait joué l'intermédiaire entre des voyous et les victimes d'un racket perpétré sur la rive sud d'Ajaccio avec 150.000 euros à la clef. Apparaissent dans le dossier des flics en activité, un autre en retraite tous convoqués par un juge anti-terroriste. Quelle cacophonie ! Car le juge Thiel (un homme aux idées arrêtées mais qui n'a pas froid aux yeux) est persuadé depuis longtemps que les réseaux mis en place par l'ancien chef de la DCRI, Bernard Squarcini, sont protégés par une partie de l'appareil d'état au nom d'une introuvable efficacité. 

On a pu le soupçonner dans l'affaire de la SMS dont il faut se rappeler qu'une partie de l'enquête est couverte par le secret défense. Ça l'est aussi dans d'autres affaires tout aussi nébuleuses. Le garnd problème est qu'hier les RG manipulaient. Cétait leur travail. Or depuis la réforme voulue par Nicolas Sarkozy qui a unifié les RG et la DST, le renseignement est monopolisé par la structure DCRI au détriment de la police traditionnelle. Et la manipulation est devenu un mode opératoire officiel. Or les JIRS et l'anti-terrorisme dépendent du renseignement donc de la DCRI. Les SRPJ traînent la patte accentuant le sentiment de déliquescence de l'appareil de l'état.
Plus grave c'est peut-être cet antagonisme qui à l'origine indirecte de plusieurs des assassinats survenus ces derniers mois dans la région ajaccienne. 
En Corse, nous avons connu cela après l'assassinat du préfet Erignac ce qui avait failli couler l'enquête avec un rôle calamiteux occupé par le commissaire Marion alors dirigeant de l'anti-terrorisme. Le juge Thiel se répand sur les plateaux de télévision pour dénoncer le rôle de la DCRI. Ce qui est frappant c'est qu'il n'envisage la sécurité qu'en terme de répression. Or, en Corse, nous savons que ce ne sont pas cent policiers de plus qui amélioreront la situation. Contrairement à la légende officielle et médiatique, la Corse n'est pas aux mains d'une mafia mais livrée à des bandes éclatées. Sur Ajaccio, des bandes tentent de racketter les entreprises de bâtiment. Si les policiers cherchent la tête unique, ils risquent fort d'y passer leur carrière entière. De petits groupes se forment dans les quartiers d'Ajaccio mais aussi dans les villages et chacun de ces groupes tente sa chance. La JIRS n'y changera rien. Mais les cadavres vont s'accumuler parce que ces jeunes gens se moquent de l'avenir. lls veulent de la monnaie tout de suite.

La guerre des polices traduit un manque d'idéal. J'allais écrire républicain mais j'ai en horreur cet adjectif mis à toutes les sauces. Parlons seulement d'un idéal démocratique qui fait qu'un fonctionnaire ne travaille pas seulement en fonction de son ambition mais pour l'ensemble des citoyens. Les Corses ont l'impression que la situation leur file entre les mains. Pauvreté, chômage, clientélisme… Nous renouons avec tous nos cauchemars antérieurs aux 30 glorieuses.

Je présume qu'il en va de même pour les policiers qui se sentent abandonnés. Et c'est pire encore dans une île. L'état s'intéresse à la Corse le temps d'une émotion et puis plus rien. Les instructions sont totalement désorientantes. On assassine un homme. La rumeur désigne une direction. Et puis plus rien. Éventuellement plusieurs mois plus tard des jeunes gens sont arrêtés puis relâchés faute de preuve. Pour l'homme de la rue, chaque crime devrait être suivi d'arrestations ne serait-ce que pour signaler aux éventuels coupables qu'ils sont surveillés. Du coup, il se dit que les policiers et les magistrats laissent les adversaires s'entre-tuer faute de pouvoir les arrêter. C'est efficace à moyen terme mais c'est une catastrophe en matière d'éducation citoyenne. Quant à la guerre des polices, il me semble que nous n'avons jamais connu que ça.

Pourtant les solutions existent : redonner à la police locale ses lettres de noblesse, faire confiance aux Corses, lancer des campagnes au collège pour ringardiser les armes etc. etc. Mais je présume qu'une violence de basse intensité satisfait en définitive tout le monde à l'exception des familles des victimes.