vendredi 30 mars 2012

Lettre à celle qui n'est plus et pourtant si présente (L'été 1)


Le temps s’est brusquement rafraîchi. Mais la chaleur est là, toute proche qui bientôt va s’abattre sur la Corse. Elle plane comme un rapace et nous la sentons physiquement. L’été est tapi dans ce qui n’est plus que l’apparence du printemps. Elle habite le fantôme de la saison précédente.
Et je ne sais comment accueillir cette période qui va nous amener cohue, confusion et canicule.

Nous avons encore un mois, ma douce amie, pour profiter de la Corse tranquille et parfumée encore pleine du suc printanier. L’été va écraser les odeurs et les couleurs, les noyer dans les brumes matinales et les brûlures de la journée. Chaque détail va devenir plus tranché, plus dur, plus difficile. Autrefois, mes ancêtres entamaient la montée vers les villages d’en haut, ceux de la montagne. Désormais la grande majorité de mes compatriotes veut la plage et le soleil. Les Corses attendent les mois de juillet et d’août dans un désir craintif. Les plus anciens d’entre nous ressentent de la joie car les villages vont se remplir des parents qui apportent du continent le sang du renouveau. Joie encore car le tourisme amène avec lui les ressources économiques nécessaires à notre survie. Crainte pourtant car la vague touristique va bousculer nos habitudes et nous obliger à affronter un trop plein de vie après avoir vécu dix mois dans une sorte de désert. Crainte enfin de toujours devoir notre oxygène à cette déferlante estivale. Et puis, osons le dire, nous ne sommes pas faits pour cela. Nous vendre deux mois de l’année nous semble, au fond de nous-mêmes, une forme de prostitution.

Mais j’ai quelques semaines d’avance. Pourquoi anticiper sur les événements ? La période qui s’ouvre aujourd’hui est l’une des plus agréables que je connaisse : longues journées, belles soirées, nuits tranquilles. Les enfants ont commencé à se baigner. Entre midi et deux, les plages sont noires du petit monde des bureaux qui profite de cette récréation. La Corse fonctionnaire commence à tourner au ralenti tandis que celle du commerce s’élance dans la courte ligne droite de l’été.


J’ai conservé une photo d’été qui date de 1952 : ma mère, resplendissante, nous tient, mon frère et moi sur ses genoux. Elle semble irradier de bonheur. http://www.gabrielculioli.blogspot.fr/2012/03/un-ete-chez-mes-grands-parents.html


Une autre photo, chère à mon cœur, me rappelle cette randonnée sur le GR 20 que nous fîmes un autre été en partant de Vizzavona. Tandis que vous prépariez votre sac à dos, un chat, surgi d’on ne sait où, vous sauta sur l’épaule. Vous paraissez tétanisée par cette petite présence. Les chats vous aimait et je vous aimais tout autant. J'ai encore en mémoire votre longue silhouette et vos cheveux acajou, vos yeux si joliment fendus et votre balancement lorsque vous avanciez devant moi. Vous êtes restée jeune et je vieillis. Mais vous êtes toujours là, aussi présente, aussi belle et aussi aimée qu'en ces beaux jours d'été.


Je suis retourné à au col de Vizzavona afin d’y passer la première nuit de l’été avec des amis. C’était pour nous une manière d’embrasser notre île toute entière. Nous nous trouvions là précisément où la Corse se cherche. Elle verse de manière égale au levant et au couchant. En ce point neutre naissent les divisions d’une île granitique et schisteuse, individualiste et partageuse, nordiste et sudiste. Vizzavona est le lieu de notre unité en même temps que celui de toutes nos divisions.
Je n’ai cessé de penser à vous. Je me suis alors rappeler remémoré les mots d’Émile Bergerat qui décrivait dans La chasse au mouflon” une pareille nuit tandis que les étoiles filantes déchiraient le ciel obscur.

“Au loin, des bruissements de cascades entrecoupaient le silence de la montagne. La cime blanche du Monte d'Oro scintillait à travers les branchages, diamant gigantesque, et j’apercevais, distinct comme en plein jour, le petit fortin génois, agrafé au flanc du pic et lui bouclant sa ceinture de pins. » La légende veut qu’autrefois les Français y torturèrent des patriotes corses. Mais les cris de souffrance ont été avalés par le temps passé et il ne subsistait plus que les bruits de la nature.

Jamais je n'oublierai la senteur de cette forêt tandis que vous parcouriez ma mémoire.
Pas un souffle de vent n'agitait la masse des pins et des mélèzes. Au-dessus de ma tête, dans le sillon lumineux dessiné par les allées du parc sauvage, d'invisibles archers lançaient ces étoiles filantes, qui passaient les pics et s'en allaient tomber, avec des courbes immenses, en mer.

Sous les broussailles, une rumeur chuchotait, pleine de fuites, de réveils subits et d'alertes, et du sol, drapé de ronces et d'orchanchoïdes, une émanation puissante de résine, mêlée à l'arôme de l'encre de Chine, me montait au cerveau et m'étourdissait.
C'était la sève des térébinthes qui débordait des troncs et parfumait abondamment la terre.
L'odeur mâle enivrante me poursuivait.
Je me dirigeai donc à la clarté stellaire vers un petit étang dont la plaque d'argent miroitait entre des jujubiers, des palmiers sauvages et des épines, et, m'étant imbibé les tempes et les narines d'eau glacée, je passai là les dernières heures de la nuit.”
L'aube parut bientôt, effaçant les étoiles, puis l'aurore, qui colora de rose tendre les dessous de la forêt.

Les cyclamens se rouvrirent, la surface de l’eau se prismatisa comme un cœur de tulipe, et sur les premières pentes du Monte d'Oro, je vis les brouillards transparents du maquis. Les oiseaux commençaient à chanter. La Corse se réveillait. Je me trouvais avec vous durant toutes ces heures suspendues. Avec le soleil, j’appartenais de nouveau au monde de la lumière blanche. J’allais embrasser les miens tandis que le soleil blanchissait le sommet des montagnes.
La journée passa vite. Les enfants courraient dans les rochers. Nous nous étions assis dans une clairière que dominaient les monts de couleur mauve. Le rosé de Sartène coulait à flot. Nous entamâmes un jambon du Taravo dont le jus à l’odeur de noisette envahissait nos sens. Nos esprits chaviraient. Je m’endormis sur l’herbe durant une heure. Je n’ai jamais perdu le goût de la sieste. Cet abandon de soi en demi-journée me semble être la meilleure des thérapies contre l’angoisse les tristesses et la fatigue.
Quelque part, une radio laissait échapper un chant corse. La vie est douce et amère à la fois, mon amie. Et c’est ce qui fait son charme. Et la Corse est comme la vie. Lorsque nous reprîmes le chemin du retour, le soleil explosait dans la mer. La teinte rouge sang se déversait sur les roches ajacciennes. L’été avait pris comme un incendie.

Une journée de quasi silence…

Ce vendredi aura été une journée de quasi silence. Les raisons sont multiples. D'abord la mort de la mère de Pierre Jean. Ce drame est venu alourdir l'atmosphère de notre grève dont nous sentons tous qu'elle est sur sa fin. J'ai une infinie compassion pour Pierre Jean et les siens. J'ai moi-même perdu ma mère en juin dernier et je sais le poids des souvenirs, du chagrin parfois des remords.


Il y a eu ensuite la visite de mon ami Alain D…, ce cher vieil ami qui a fait le voyage par amitié et pour peaufiner le dictionnaire corso-français co-élaboré avec Ghjuvan Micheli Weber et Battì Paoli. Nous avons travaillé et passé le reste du temps à parler de la situation politique. Lui et moi sommes plutôt attirés par Mélenchon même si nous regrettons son côté cocardier et son jacobinisme à toute épreuve. Mais dans les circonstances actuelles il est le seul à distiller de l'enthousiasme à défaut d'être toujours crédible dans ses propositions. 


Enfin, il y a ce sentiment que notre grève de la faim que nous n'avons jamais conçue comme un mouvement de désespoir est en fin de parcours. Nous savons que la justice ne tranchera pas sur la libération de Guy Orsoni sous notre pression. Ça a été un outil pour une certaine prise de conscience. Mais je crains que désormais cela devienne contre-productif. Certains journalistes qui avaient été objectifs avec nous montrent des signes de fatigue. Force est de constater qu'en Corse, les médias ont relayé notre mouvement en lui accordant évidemment l'importance qu'ils lui concédaient. 


Le deuxième élément est que l'objectif était de sortir Guy du cauchemar dans lequel il avait été plongé. Ce n'est certainement pas de le laisser mourir de désespoir dans une cellule. Or, aujourd'hui son état est tel qu'il peut décéder de manière accidentelle. Ce serait un drame absolue et nous n'en avons pas le droit d'en prendre le risque. 


Ce vendredi a été pour moi une journée de réflexion. Je réfléchis sans cesse la finalité de notre mouvement. Je ne veux pas qu'il soit interpréter comme un combat contre la justice mais contre les dérives d'une certaine forme de justice. Je ne veux pas que notre combat serve à des voyous pour passer entre les mailles du filet de la justice. Il serait catastrophique que notre hypothétique victoire donne des armes à tous les malfrats de la terre. En même temps, il me semble important que les règles et les principes soient fixés y compris pour les plus dangereux de nos concitoyens. Nous possédons tous en nous suffisamment de haine pour pouvoir à un moment donné accepter l'inacceptable pour peu que cela nous donne l'illusion de la sécurité. Je ne suis pas à l'abri de telles dérives. J'ai supprimé il y a quelques jours un article après une journée de parution. Il portait sur un personnage dont je ne citerai pas une fois de plus le nom, mis en examen dans plusieurs affaires d'assassinats et autres méfaits. Ce personnage a lui aussi droit à une défense équitable et jusqu'au moment de son éventuelle condamnation doit être considéré comme un présumé innocent. Dans cet article je mélangeais sa supposée culpabilité et son éventuelle condamnation pour les faits qui lui sont reprochés. J'ai eu évidemment tort même si en mon for intérieur je possède des convictions. Il s'est d'ailleurs longuement expliqué sur son cas dans Corse-matin en septembre 2010 terminant l'article par « En dehors des gardes à vue qu'il a subies, il n'entretient aucune relation avec les services de police, ne déjeune pas avec les responsables des renseignements généraux et ne témoigne pas sous X… Il n'est donc pas remis en liberté, lui… » Ironie de la situation puisque j'ai moi-même utilisé le même argument pour mettre en valeur la différence de traitement entre Guy Orsoni et la sienne.


Cette mésaventure m'a donné à réfléchir sur la difficulté à manier des situations dans lesquelles il nous est difficile d'être neutre. En l'ocurence il s'agissait ni plus ni moins que de mettre en exergue la situation injuste (ou que je juge telle) de Guy Orsoni par rapport à d'autres cas qui pourraient paraître identiques.


J'ai parfois des difficultés à réfléchir. La fatigue arrive par vagues et je devrais alors cesser de réfléchir et encore moins tenter d'écrire. Dans ces moments-là je ne possède plus les barrières nécessaires pour rester lucide. Je ne pense même plus à manger. J'ai l'impression d'être en état de jeune depuis des années et il me semble que je pourrais continuer ainsi autant de temps malgré les vagues de fatigue qui se multiplient. Mais, je ne veux pas agir sous les effets combinés d'un affect à fleur de peau et une urgence sans cesse plus grande. Si nous voulons être efficaces nous devons garder la tête froide.


Je ne sais pas ce qui se passera lundi et mercredi. Nous espérons évidemment que les décisions du juge Choquet seront contredites par la Chambre de l'instruction et celle de l'accusation. Mais si tel n'est pas le cas, alors nous allons devoir réfléchir à la meilleure manière de continuer notre mouvement. 

La mère de Pierre Jean Giudicelli est morte

Pierre Jean est l'un des grévistes de la faim. Il vient d'apprendre le décès subit de sa mère. Il nous a quittés pour être présent lors de son inhumation. Je l'embrasse très fort en cette particulièrement difficile épreuve. Marie-Louise son épouse m'a fait parvenir ce petit mot.


Une mère s'est effondrée. 
Au - delà de toutes les divisions, les clivages, les discussions....une mère s'est effondrée et nul ne pourra prétendre pouvoir démêler la destinée de la réalité brutale. 
La réalité brutale ... celle qui veut que Mary-Jane Giudicelli souffrait en silence depuis plus d'un mois, sans protester parce qu'elle savait comme seules les mères savent le ressentir,  la valeur de l'engagement de son enfant devant le déni de justice. 
Ma belle- mère était provençale, parlait le provençal, aimait les enfants par dessus-tout.
A l'heure des réseaux sociaux mondialisés, des chantres modernes du "reseautage"et autre " networking", Mary-Jane s'en est allée brutalement dans sa maison Provençale, berceau de ses cinq enfants, pleine des souvenirs des générations qui y ont grandi, car la famille pour elle c'était Sacrée. 
Mais qui sont ceux - là qui voudront encore , et encore, et encore, réduire le "clan" à la mesure de leurs objectifs judiciaires, commerciaux, et que sais- je ? 
Mary-Jane faisait partie de mon clan, qui n'ignore pas les règles et qui aspire à la justice. 
Allons- nous attendre un autre drame, imminent,  pour ouvrir les yeux et réagir, parce qu'il y a urgence en corse en matière d'équité et de sérénité, parce qu'il y a urgence pour des hommes et des femmes qui souffrent en le clamant.

Marie - Louise Giudicelli

jeudi 29 mars 2012

Le rassemblement devant la préfecture : un témoignage

Le rassemblement devant la préfecture a rassemblé un peu moins de 200 personnes. Ce n'est donc pas un succès numérique. C'était un acte de témoignage, une façon de dire aux grévistes de la faim et à Guy Orsoni qu'ils n'étaient pas oubliés. Ont pris la parole André Paccou, Frédérique Campana, Marinette Orsoni, Leo Battesti, Mes Gatti et Romani et moi-même.


Toutes les interventions ont mis l'accent sur la proposition des avocats (assignation à résidence avec surveillance électronique) mais aussi sur l'urgence de la situation provoquée par l'état de Guy et dans une moindre mesure celle d'Alain. 


Nous avons appris que Guy avait été hospitalisé à l'hôpital Nord de Marseille avant d'être incarcéré aux Baumettes après qu'il eut refusé de se laisser perfuser. L'état de Guy s'aggrave d'heure en heure et un accident cardiaque n'est plus à exclure. L'état psychologique devient, à cette étape de la grève de la faim, essentiel. C'est aussi vrai pour son père Alain qui n'a pu descendre jusqu'au rassemblement où j'étais le seul représentant des grévistes. Je commence moi-même à ressentir des malaises (vertiges, maux de tête etc.) et je pense aborder à mon tour la période d'un déclin rapide.


Nous attendons avec espérance les étapes judiciaires de lundi et de mercredi. Si par malheur la réponse de la justice était négative, alors nous avons pris la décision de continuer jusqu'à ce que la dégradation de notre état provoque une situation nouvelle. 


La dépêche AFP



Grève de la faim: les avocats de Guy Orsoni demandent son assignation à résidence 

AJACCIO, 29 mars 2012 (AFP)
Les avocats de Guy Orsoni, mis en cause pour quatre assassinats et en grève de la faim en prison depuis 46 jours pour clamer son innocence, ont annoncé jeudi à Ajaccio qu'ils vont proposer son assignation à résidence assortie d'une surveillance électronique.
"Nous ne pouvons plus accepter que notre client crève comme un chien et que la justice se comporte en autiste", a déclaré Me Camille Romani lors d'un rassemblement de soutien à Guy Orsoni devant la préfecture de Corse.
Réaffirmant qu'il "n'existe aucun indice de culpabilité" envers Guy Orsoni, Me Romani a indiqué qu"'il allait demander lundi à Marseille lors d'une réunion de confrontation avec le juge des libertés et de la détention que son client, en détention provisoire depuis presque un an, soit "assigné à résidence avec un bracelet électronique".
Mis en cause depuis avril 2011 dans trois dossiers d'homicides, dont un double, Guy Orsoni, 27 ans, a cessé de s'alimenter le 13 février pour dénoncer les conditions d'instruction de ces affaires par la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs, chargée des dossiers de criminalité organisée) de Marseille.
Me Romani a indiqué que son client, qui était détenu à Grasse (Alpes-Maritimes), vient d'être transféré à la prison des Baumettes à Marseille après un passage dans le quartier pénitentiaire de l'hôpital Nord de cette ville où il a refusé d'être perfusé.
La mère de Guy Orsoni, Me Frédérique Campana, qui l'a vu il y a quelques jours, a déclaré que "son état s'est encore aggravé (...), qu'il a perdu 22 kg et qu'il "est prêt à aller jusqu'au bout".
Son père, Alain Orsoni, ancien dirigeant nationaliste et président du club de football (L1) Athletic Club Ajaccio, également mis en examen dans l'un des dossiers criminels, fait la grève de la faim chez lui depuis 39 jours et se trouve aussi dans un "état critique", selon ses proches.
"Sauvez mon petit-fils, sauvez mon fils. Ils vont mourir!", a dit leur mère et grand-mère, Marinette Orsoni, devant la préfecture où étaient rassemblées environ 150 personnes.
Deux proches de la famille sont aussi en grève de la faim depuis 30 et 25 jours.

Guy Orsoni dans un état critique censuré sur RCFM et une catastrophe qui s'annonce

Nos médias nationaux en seraient-elles revenues à l'époque Pasqua? Rappelons-nous : il s'agissait de terroriser les terroristes. Cela avait valu à Sampiero Sanguinetti d'être proprement viré de Corse. Le Forum de RCFM a donc annoncé en direct que désormais c'en était fini des prises de paroles relatives aux grévistes de la faim et à Guy Orsoni. 


Nous étions déjà privés d'information sur les médias nationaux. Voilà que notre espace devient celui d'un chas d'aiguille sur notre propre terre. Le Forum était censé être un espace offert à la parole libre. Ce n'est plus le cas. Le responsable en vacances aurait lui-même téléphoné à son équipe pour donner les consignes qu'il doit tenir des autorités supérieures. Tout cela augure une grande tragédie dont les responsables seront désignés en temps et en heure. Car dans une société responsable c'est une chaîne de responsabilité qui détient les clefs d'une information objective. Puisque la justice manque à ses devoirs légaux, nous comptions sur les médias pour donner un son de cloche neutre et relater les faits, rien que les faits mais tous les faits. Or, pour le coup, nous voilà tombés dans une caricature de société démocratique où le mouvement initié par quatre citoyens qui mettent leur santé en péril est minimisé (le terme de passé sous silence serait évidemment faux).


Il y aura des suites à ce scandale anti-démocratique. En attendant, il se profile un scénario catastrophique pour lundi (date de renouvellement du mandat de dépôt) et pour mercredi (date du débat contradictoire). La JIRS semble avoir imposé son point-de-vue à savoir mener Guy Orsoni enchaîné et encadré par le GIGN au procès en Assises. De cette façon, les magistrats de la JIRS espèrent obtenir une condamnation "à l'esbrouffe" et présenter à l'opinion publique un coupable fabriqué mais idéal.


Guy Orsoni, très choqué par la façon dont il a été emmené à la prison, a écrit une lettre dans laquelle il refuse à l'avance toute perfusion quand bien même il aurait perdu conscience. Un médecin a d'ores et déjà fait savoir que le bilan vital de Guy était engagé. Nous n'en sommes plus à la dramatisation. Nous entrons de plain pied dans le drame. Guy nous a fait savoir qu'il n'entendait pas arrêter le mouvement. Nous avons désormais affaire à un jeune homme désespéré. Il va de soi que de notre côté nous continuons à ses côtés. Plus que jamais. 


Notre grève est en train de virer à la catastrophe. C'était la pire solution envisagée. Nous y voilà. Que la justice ne compte pas sur nous pour abandonner. Nous allons nous voir cet après-midi avec différents acteurs de la campagne afin de préparer le rassemblement de ce soir. Mon opinion est simple : nous avons tendu la main. Si elle est refusée nous la retirons et nous allons nous conduire avec honneur. Ensuite advienne que pourra. Nous n'oublierons pas ceux qui nous aidés pas plus que ceux qui nous ont enfoncés ou niés.


PS La direction affirme qu'il s'agit d'un malentendu. Il avait simplement été demandé d'empêcher plus de trois interventions sur le même thème. La consigne aurait été interprétée de manière abusive provoquant ainsi une censure totale sur la question des grévistes de la faim et Guy Orsoni. Dont acte. Mais pourquoi cet oukase sur le cas de Guy Orsoni?

mercredi 28 mars 2012

Un jeudi décisif pour un compromis acceptable

Ce jeudi est, je l'espère, notre dernière ligne droite dans ce long parcours du combattant entamé il y a plus d'un mois. Nous allons nous réunir une fois de plus devant la préfecture d'Ajaccio pour affirmer tout à la fois notre détermination et notre volonté d'arriver à une solution acceptable par toutes les parties.


Frédérique Campana a vu hier son fils Guy Orsoni qui a toujours montré la même détermination. Il enrage de devoir être transporté à l'hôpital. Mais il ne peut quasiment plus se déplacer. Nous ne pouvons de notre côté tout à la fois fustiger l'administration pénitentiaire et le juge pour l'avoir renvoyé en prison et les accabler s'ils le retournent dans un hôpital fut-il carcéral. Guy est entré dans une phase psychologique bien connue de celles et ceux qui font la grève de la faim. Le cerveau affaibli par les privations se bloque sur une idée : tenir. Il refuse d'envisager que tant de privations ait pu être consenties pour un résultat qui lui apparaîtrait mineur.


Alain est entré dans le même processus. Il est rempli d'angoisse, d'amertume et de colère. Pierre Jean et moi-même sommes loin d'un tel état et ce pour deux raisons. La première est indubitablement parce que nous ne possédons pas ce lien charnel avec Guy qui est celui d'un fils avec son père ou sa mère. Le deuxième est que nous sommes plongés dans la grève de la faim depuis moins longtemps. Nous avons perdu chacun environ douze kilos. Nous pesions tous les deux 110 kilos environ et Pierre Jean me dépasse de cinq centimètres. J'étais donc celui qui possédait le plus de réserve. Le cerveau est donc correctement alimenté en glycogène.


Pour toutes ces raisons (plus celles liées à nos passés respectifs) je suis un élément modérateur. Cela étant dit, je suis entièrement solidaire de tous ceux qui ont engagé ce combat et je trouverais déshonorant de lâcher serait-ce d'un pouce mes camarades de grève. Il faut que cela soit bien entendu. Je trouve seulement qu'à un moment donné, une fois établie notre détermination, il faut discuter. Et discuter signifie envisager un compromis (ce qui est évidemment différent d'une défaite). Mon point-de-vue (qui pour l'heure est parfaitement individuel) est que la proposition faite par les avocats mais aussi par Michel Tubiana, le président honoraire de la Ligue des droits de l'homme, de la mise en résidence parisienne sous contrôle électronique est une solution parfaitement acceptable par toutes les parties. Elle ne lèse pas la justice si celle-ci s'obstine à considérer Guy Orsoni comme un cavaleur potentiel. Elle peut satisfaire Guy qui, au moins, ne sera plus incarcéré. Elle n'empêche en rien la progression de la justice au rythme qui lui convient. 


Ce n'est certes ce que nous souhaitions mais nous devons tenir compte des rapports de force, de notre épuisement et surtout du fait que Guy se trouve dans un état critique. Notre but est de le faire sortir de prison vivant à défaut d'être debout et non entre quatre planches. 


Ce jeudi vise à affirmer l'existence de cette solution de compromis. Espérons que la justice l'entendra !

Frédérique Campana sur i Télé et sur youtube

Frédérique Campana lors d'un rassemblement
pour son fils à Ajaccio
Frédérique Campana est la mère de Guy Orsoni et elle est aussi une de ses conseils. Elle a été invitée par Robert Ménard sur i Télé. 


Robert Ménard avait rencontré Alain Orsoni à la parution du Maquis ardent, le premier tome de ses souvenirs. Très gentiment il m'avait téléphoné pour me demander des nouvelles de son état. Frédérique avait profité de sa présence à Paris pour la conférence de presse dans les locaux de la Ligue des Droits de l'Homme pour répondre à l'invitation de Robert Ménard.


Ce dernier a posé des questions sans concession auxquelles Frédérique a répondu sans plus de concessions. Je l'ai personnellement trouvée excellente. L'émission est visible sur le site de i Télé en replay. 


On peut également revoir son intervention lors d'un meeting de soutien aux grévistes de la faim appelé par les signataires de "Pour une justice sereine et équitable"
http://www.itele.fr/emissions/chronique/menard-sans-interdit/video/25394
http://www.youtube.com/watch?v=S4ZeCUwR9V8

Notre appel en direction des espaces infinis… et de la presse continentale


Une claustrophobie corse



La cour d'appel de Bastia a ordonné aujourd'hui l'indemnisation, plutôt que la titularisation, de 45 anciens employés en contrat à durée déterminée d'Air France en Corse, au contraire des décisions de première instance.

La chambre sociale de la cour d'appel reconnaît que ces contrats étaient illégaux, les requalifiant en CDI, a expliqué leur avocate, Me Pascale Vittori. "Malgré cela, les juges ont choisi la voie de l'indemnisation et les 45 contractuels ne seront donc pas titularisés".


 Selon l'avocate, qui a rencontré les intéressés à huis clos mercredi, l'indemnisation individuelle accordée s'élève en moyenne à 10.000 euros.

Les représentants de la CGT ont aussitôt annoncé des actions, peut-être dès vendredi, sans cependant en donner le détail en attendant la tenue d'une réunion jeudi.
"S'il faut faire un été pourri, on le fera", a prévenu Albert Malausse, délégué CGT Air France. "Il faut que ceux à l'origine de ce jugement en paient les conséquences, nous sommes prêts à une lutte sans faille, illégale sûrement, et jusqu'au-boutiste, car cette décision est aberrante".




Le conseil de prud'hommes d'Ajaccio avait ordonné fin septembre la titularisation de 28 employés en CDD, et celui de Bastia avait rendu un jugement identique en octobre pour 17 autres. La compagnie était alors condamnée à verser plusieurs millions d'euros d'astreintes pour non-application de ces jugements.
Mon sentiment est paradoxal. Je pense que les Indignés d'Air France ont raison et je suis de tout cœur avec eux dans leur combat pour un emploi. Mais, à leur corps défendant, ils sont au milieu d'un conflit qui les dépasse. Air France, en situation financière calamiteuse, a décidé de "rentabiliser" ses destinations. Elle ne veut donc pas pratiquer de nouvelles embauches par peur que celles-ci fassent tâche d'huile. La CGT a mené seule le combat l'isolant souvent des autres forces sociales. Mais quand bien même une jonction aurait eu lieu il aurait fallu que le combat des Indignés soit relayé sur le continent. J'ai moi-même constaté à quel point cela n'était pas le cas. 
La CGT, pour toute réponse, menace de pourrir l'été. J'ai soudain le sentiment en habitant en Corse d'être sans arrêt pris en otage par des luttes qu'on nous impose sans tenter de les faire partager. J'ai signé la pétition pour les Indignés d'Air France sans qu'on vienne m'expliquer le sens de la lutte. Aujourd'hui la CGT doit trouver d'autres moyens pour lutter que de "nous pourrir l'été" ou de nous faire payer le prix d'un refus qui n'est évidemment pas celui de la société corse.


Demain, ce sont les employés d'Air France qui bloquent la Corse, après demain les marins de Marseille, le surlendemain les employés d'une société de transport de carburants. C'est épuisant et c'est contre-productif. Nous finissons par tous être habités par un terrible sentiment d'enfermement. Entre la violence, les assassinats, les blocages, les citoyens vont finir par aspirer à un ordre autoritaire qui sera pour eux l'équivalent de la tranquillité. Je suis d'accord pour participer à des actions de soutien aux Indignés. Mais qu'ils se donnent les moyens de convaincre la population, d'organiser des manifestations bref de faire en sorte que chacun d'entre nous ait envie de descendre dans la rue pour les défendre.

Vivre dans une île comporte souvent beaucoup d'inconvénients : coût du transport, marchandises plus rares, coût de la vie. Si en plus nous sommes régulièrement coincés sur notre petit rocher nerveux à tout bout de champ, qu'on ne s'étonne pas si les forces vives de l'île choisissent à la moindre occasion le départ pour le vaste continent. Il se fera en catimini dans un mélange de chagrin et de honte. Mais il se fera.


Parfois il me vient l'envie du grand large. Partir, respirer à pleins poumons un air neuf… Ne plus réfléchir en termes paranoïaques sur qui nous aiment et qui nous détestent. Parfois j'ai 
envie de ne plus être référencé comme Culioli, corse mais simplement pour ce que je suis.


Ce sentiment de claustrophobie me fait parfois m'enfoncer dans la boue locale. Je perds mes repères et j'écris n'importe quoi contre les journalistes. Je m'emmêle les crayons dans la cause que je poursuis (les fameux principes sur la présomption d'innocence) et les impressions (j'ai hier mélangé à propos de Chaussat, supposé, membre de la Brise de Mer la mise en examen et sa possible culpabilité). J'ai eu tort et je vais éliminer cet article qui devait rester au stade du brouillon. La claustrophobie ou comment s'en sortir. Elle nous rend fou, idiot, contradictoire. Je veux m'échapper.

Rassemblement jeudi à 18 heures devant la préfecture d'Ajaccio

Demain Jeudi se tiendra un nouveau rassemblement à 18 heures devant la préfecture d'Ajaccio. 


Il est destiné à alerter sur l'état de Guy Orsoni qui ne peut plus tenir debout et celui de son père Alain. Ce rassemblement est celui de l'appel à la raison. Il existe des solutions équitables qui ne sont pas humiliantes ni pour la justice et qui constituent une sortie honorable pour les grévistes de la faim.


Ce rassemblement portera donc un message d'espoir. Lundi aura lieu un débat contradictoire portant sur le maintien ou non de Guy Orsoni en détention. 


Une fois encore, les avocats défendront la sortie de prison, la relégation parisienne et le port du bracelet. Rien ne s'oppose à cette mesure de substitution à l'emprisonnement. Rien sinon l'irrationnel, c'est-à-dire la prédominance de la subjectivité sur l'objectivité nécessaire à la bonne marche de la justice.

L'anti-terrorisme a été inefficace pour trouver Merah


Mohammed Merah a notamment été identifié parce qu'il avait laissé des traces sur Internet et non grâce aux forces de police spécialisées dans l'anti-terrorisme. L'adresse IP (qui identifie les ordinateurs sur l'Internet) attribuée à sa mère faisait en effet partie des 576 adresses IP ayant consulté la petite annonce du militaire qui vendait sa moto sur LeBonCoin.fr, et qui fut la première victime du "tueur au scooter".
Les équipes de François Hollande et Nicolas Sarkozy rivalisent aujourd'hui de communiqués pour expliquer que c'est grâce à une loi adoptée par le PS - mais que Sarkozy n'aurait pas voté - qu'il aurait ainsi été identifié ; l'UMP rétorque, a contrario, que c'est grâce à une loi impulsée par Nicolas Sarkozy…
Le PS et l'UMP se trompent et mentent tout à la fois : Mohammed Merah n'a pas été identifié grâce à une loi antiterroriste, mais grâce à un logiciel (libre). On peut ensuite se demander s'il est très cohérent que le candidat socialiste se lance en quelque lieu qu'il se trouve dans une surenchère sécuritaire oubliant jusqu'à récemment les problèmes sociaux souvent à l'origine de la montée de la délinquance.

De récents sondages ont montré que les questions de sécurité arrivaient loin derrière les préoccupations des citoyens quant au chômage, à la santé. C'est en quoi le peuple est parfois plus sage que ceux qui sont censés le représenter. Du coup, le candidat socialiste reprend la problématique sociale qu'il avait totalement abandonnée au candidat du Front de Gauche.

Quoi qu’il en soit, l'affaire Merah démontre indubitablement que les services secrets français ne sont pas à la hauteur de leur réputation. En second lieu, la justice et la police ordinaires sont souvent beaucoup plus efficaces que les structures d'exception.


Il reste une hypothèse de plus en plus souvent évoquée dans la presse, la DCRI connaissait parfaitement Merah et ont cru pouvoir l'utiliser comme la CIA avait cru pouvoir se servir de Ben Laden. On connaît la suite… On lira avec intérêt un article publié sur le site Agoravox. 

www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-etrange-relation-entre-mohamed-113234

L'irrésistible ascension du livre électronique



Parce que je ne suis pas seulement un gréviste de la faim mais surtout un fou  d'écriture et d'écriture (je rêve de retourner au livre que j'écrivais avant d'entrer dans ce mouvement de protestation) je suis avec une attention particulière le développement des nouveaux outils technologiques qui entrent dans l'écriture ou la lecture des livres. 
Amazon France lance aujourd'hui deux nouveaux modèles de sa liseuse de livres électroniques Kindle, l'un Wi-Fi et l'autre 3G, tous deux tactiles. La Kindle Wi-Fi (213 grammes) est proposée à 129 euros et la Kindle 3G (220 grammes) à 189 euros.
Il faut rappeler que le Kindle est la liseuse la plus vendue au monde. Amazon vend désormais plus de titres numériques que d'ouvrages sur papier grâce à sa liseuse Kindle. Les possesseurs du Kindle Fire, connecté au Wi-Fi et au réseau de téléphonie mobile, pourront accéder aux millions de livres de la librairie numérique Kindle, aux 11.000 films et émissions de télévisions offerts par Amazon en flux continu et en téléchargement, aux 17 millions de chansons de sa boutique en ligne, à ses jeux, etc. 

Les deux nouveaux modèles du Kindle, quasi-identiques en apparence au premier, peuvent contenir près de 3.000 oeuvres et la durée de la batterie peut atteindre deux mois.
Le Kindle, doté d'une encre électronique noir et blanc, donne accès à plus de 55.000 livres en français et un million en langues étrangères, ainsi qu'à des quotidiens. Des applications gratuites permettent de lire ces contenus sur d'autres supports, jusqu'à six pour une même personne.

Le livre électronique coûte 20 à 30 % moins cher que la première édition papier et les écarts de prix entre le livre broché et le livre numérique ont tendance à grandir.
Le livre numérique n'a pas encore décollé en France - à peine 1 % du marché - alors qu'il représente 15 % des ventes de livres aux États-Unis et 10 % en Grande-Bretagne. Une révolution est donc en train de se produire dans le domaine de la culture.

Pour des écrivains d'audience régionale comme moi, la liseuse électronique est une chance inouïe. L'espace littéraire appartient à quelques auteurs ou plutôt à quelques maisons d'édition. Il est très dur de percer lorsqu'on est absent de ces écuries. Le livre électronique va permettre de percer sur un marché bloqué par le prix de la distribution. De plus les livres vont se transformer. Il va être possible de les transformer en création multimédia avec des images statiques ou animées, du son. Bref, je trouve cela parfaitement enthousiasmant. 
Quant au livre papier il trouvera toujours son public mais un public plus âgé, plus restreint qu'il ne le fut il y a seulement vingt ans. Aujourd'hui, la grande maison d'édition Gallimard vend une moyenne de 700 exemplaires par titre. Il sort plus de 60.000 titres par an alors qu'un grand libraire ne peut accueillir que 4.000 ouvrages sur ses rayons. C'est dire que le système est désormais saturé et qu'il va devoir changer ou mourir.

Quant à moi j'ai hâte de retourner à mon roman encore en gestation.

Nous sommes à la croisée des chemins…


Notre grève de la faim dure depuis déjà depuis 45 jours pour Guy Orsoni, 38 pour Alain Orsoni, 29 pour Pierre Jean Giudicelli et 24 pour Gabriel Culioli. Hier les avocats de Guy Orsoni ont donné une conférence de presse qui doit être interprétée par les autorités judiciaires comme une ouverture. La LDH se prononce sur les principes et non sur les cas par cas. Pour ma part, j'analyse l'interview du juge Choquet (mais peut-être suis-je dans l'erreur) comme une rupture de son attitude inflexible.

Les avocats de Guy Orsoni proposent donc qu'il soit libéré et néanmoins soumis à l'assignation à résidence avec surveillance électronique.
Le décret n° 2010-355 relatif à l'assignation à résidence avec surveillance électronique et à la protection des victimes de violences au sein du couple a été signé le 1er avril 2010.
L'assignation à résidence avec surveillance électronique, instituée par la oi pénitentiaire, est une mesure alternative à la détention provisoire. Elle oblige la personne à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat.
Le décret précise les modalités de recueil de l'accord de la personne mise en examen. Il prévoit que cet accord doit être donné en présence de son avocat ou que celui-ci ait été dûment convoqué.
Il précise également comment le juge d'instruction peut, à tout moment de l'information, modifier la mesure et indique les mesures applicables en cas de non-respect de l'assignation à résidence avec surveillance électronique.
Guy Orsoni ne serait pas donc libéré au sens strict du terme. Le juge d'application des peines disposerait toujours de la possibilité de le réincarcérer en cas d'infraction. Par ailleurs, il serait soumis à une surveillance stricte. C'est donc une bonne solution de compromis sachant que la justice ne saurait plier devant le rapport de forces établi par la grève de la faim.

Pour l'heure, je ne saurais dire si les magistrats seront sensibles à la voie de la raison. Je sais seulement que si cette solution est repoussée chaque partie entrera dans une nébuleuse dont personne ne peut prédire la sortie qui sera assurément dramatique. Hier j'ai vu Alain désespéré jusqu'à l'irrationnel. J'ai le pressentiment qu'il préférera mourir que de laisser son enfant sombrer. De notre côté, il sera hors de question de céder si toutes les portes de sortie honorable nous sont fermées par orgueil, tyrannie ou obscurantisme.

La grève de la faim est arrivée au point de rupture pour Guy et Alain. Pierre Jean et moi-même avons encore une quinzaine de jours devant nous. Espérons seulement que la raison l'emportera sur les passions et que les forces de vie seront plus fortes que les pulsions de mort.

mardi 27 mars 2012

Notre réponse au juge Choquet dans Corse Matin


LES GREVISTES DE LA FIN INTERPELLENT LE JUGE CHOQUET

Le juge Choquet s'explique sur deux pages de Corse-Matin à propos de la JIRS et des grèves de la faim entamées pour une justice sereine et équitable. Il le fait le jour même de la conférence de presse donnée par les avocats de Guy Orsoni dans les locaux de la Ligue des Droits de l'Homme à Paris. Craindrait-il les révélations des avocats de la défense ?
Paradoxalement nous sommes d'accord avec 90% des propos énoncés par le juge Choquet qui reprennent les principes mêmes que nous lui demandons de respecter. À la question posée "Une grève de la faim change-t-elle le fond du dossier ? Evidemment non ! Il feint de croire qu’il s’agit d’une pression à l’encontre de la justice, alors qu’il sait pertinemment  que c’est le vide sidéral de ce dossier et les pratiques intolérables de Mr Choquet qui sont à l'origine de notre grève.
La défense a en effet relevé et dénoncé l'utilisation de témoin sous X, de faux témoins, d'incarcérations préventives prolongées jusqu'à l'insupportable, de pressions hallucinantes uniquement sur des témoins de la défense, d'acharnement judiciaire.
Alors oui si le juge Choquet respectait les principes qu'il énonce dans cette interview notre grève de la faim n'aurait pas de raison d'être. Il proclame sa détestation du grand banditisme. Nous aussi. Il annonce, comme une nouveauté, sa volonté de s'en prendre au patrimoine des délinquants. Que n’y a-t-il pas pensé plus tôt ? 

Le juge Choquet appelle de ses vœux une mobilisation citoyenne contre le grand banditisme, souhait que nous réitérons à  chacune de nos manifestations.
 Il rend enfin un hommage appuyé à la Ligue des droits de l'homme, organisation qui s'est tenue à nos côtés tout au long de notre grève de la faim. Nous nous étonnons simplement qu’il montre si peu de considération pour les droits de l'homme eux mêmes.  Les respecte-t-il quand de par sa seule volonté des jeunes gens sont incarcérés durant des mois voire des années puis relâchés sans explication? Les respecte-t-il quand la défense est privée de certaines pièces essentielles du dossier au mépris des droits de la défense principe fondamental de l'état de droit ? Les respecte-t-il enfin en décrétant les gardes à vue systématiques réservées aux seuls témoins de la défense et en avalisant les chantages auxquels ces témoins sont soumis à seule fin de renforcer la thèse de l’accusation ?

Le juge Choquet affirme sentencieusement vouloir renforcer le débat contradictoire. La formule est originale et audacieuse dans sa bouche. Car il sait qu’il n’y a eu dans les dossiers qu'il a instruits de place ni pour le débat ni pour la contradiction. N’a-t-il pas gardé en détention plusieurs jeunes hommes plus d’un an en détention sur la foi d’un témoignage sous X, dont il a bien fallu admettre qu’il s’agissait d’un faux ? Toutes ces personnes ont du être libérées… Afin de pallier l’absence de tout indice de culpabilité dans ce dossier n’a-t-il pas préféré s’appuyer sur des témoignages anonymes mensongers tout en refusant les explications apportées par la défense, en passant outre des alibis pourtant vérifiés par les policiers ?

Pour notre part, nous souhaitons vivement que justice passe. Mais cela ne se fera que dans le strict respect du droit et par l'utilisation sereine des moyens mis à la disposition des magistrats par les règles qui fondent la démocratie. Notre mouvement continue donc pour affirmer que la justice n'est la justice qu'à la condition d'être fondé sur des principes justes et non sur les humeurs d'un homme fut-il magistrat, qualification qui n'induit en aucune façon un droit monarchique d'embastillement.

La conférence de presse des avocats


Un nouvel assassinat en Corse


Il était aux alentours de 8h15 ce mardi matin quand un homme âgé de moins de 40 ansMarius Ciancioni, a été abattu sur la commune de Biguglia en Haute-Corse. Le corps de ce gérant d'un commerce de viande en gros a été découvert par son associé devant leur boutique. D'après les premiers éléments de l'enquête, plusieurs balles de gros calibre auraient été tirées.
La victime, inconnue des services de police, était "manifestement attendue" par un ou plusieurs tireurs dotés d'une "grande détermination", selon le procureur, qui a prévu "une enquête difficile".
Cet acte criminel démontre une fois de plus que la JIRS ne sert strictement à rien. Les assassinats continuent comme de si rien n'était. Il n'est pas question de prôner le laxisme mais de redonner à la justice locale les moyens de faire son travail. Sans une telle présence, nous serons tous condamnés à constater les assassinats sans jamais pouvoir les empêcher. 
Or me semble-t-il la véritable question est de prévenir les effusions de sang et non de tenter d'en arrêter les auteurs. L'assassinat de Biguglia ressemble à la suite tragique d'un racket. Or le racket ne pourra être vaincu qu'avec le témoignage des victimes. Aujourd'hui, la justice n'inspire pas confiance aux Corses. Pour palier cette carence elle devra oublier les juridictions spécialisée ou spéciales et redevenir une justice de proximité. 


D'ailleurs sans qu'il y ait une explication à cela, l'enquête relative à cet assassinat est, pour l'heure, restée au niveau régional. 

La proposition des avocats de Guy Orsoni



Alain Orsoni a entamé une grève de la faim pour obtenir la mise en liberté de son fils, Guy.

Mis en examen dans deux dossiers criminels (pour le troisième il a été mis en liberté) dans lesquels il clame son innocence et en grève de la faim depuis 44 jours. Notre grève s'est déroulé dans un cercueil de silence pour ce qui concerne la presse continentale. Guy Orsoni est désormais dans un état dramatique. C'est ce qu'ont  indiqué ses avocats lors d'une conférence de presse au siège de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH).
Ils ont souligné que la totalité (sauf une) des personnes poursuivies pour les mêmes chefs que Guy Orsoni dans les trois procédures ont été remises en liberté provisoire, alors que lui demeure incarcéré. Ils ont également être d'accord pour un contrôle judiciaire strict, avec assignation à résidence à Paris et mise sous bracelet électronique.
Michel Tubiana, président d'honneur de la LDH, a expliqué son soutien par le souci que "le droit des gens soit respecté", qu'il s'agisse de droit commun comme dans ce dossier, ou de terrorisme. 

État "dramatique" pour Guy Orsoni selon l'AFP


En grève de la faim depuis février, ce Corse clame son innocence dans trois dossiers criminels.


Il a perdu 19 kilos en 44 jours. Guy Orsoni, mis en examen dans trois dossiers criminels et en grève de la faim pour protester contre les conditions d'instruction de son dossier, est dans un état "dramatique", ont dénoncé ses avocats mardi. Le fils d'Alain Orsoni, l'ancien dirigeant nationaliste et président du club de football Athletic Club Ajaccio, a été transféré à l'hôpital de Grasse la semaine dernière après un malaise.
Le détenu, qui clame son innocence, a réintégré lundi la prison, après avoir refusé d'être placé sous perfusion. Me Frédérique Campana, sa mère, qui est aussi son avocate, l'a trouvé "extrêmement affaibli". "Il avait du mal à se tenir debout, à concentrer son attention, il restait la plupart du temps les yeux fermés", décrit-elle, jugeant la santé de son fils "réellement en danger".
Des "méthodes déloyales"
Guy Orsoni a été mis en examen le 15 avril 2011 pour "assassinats en bande organisée et association de malfaiteurs", dans l'enquête sur quatre assassinats commis à Ajaccio et dans ses environs en 2009. Remis en liberté pour deux des homicides, il est toujours détenu pour les deux autres assassinats et dénonce la façon dont la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille instruit les affaires le concernant.
Un de ses avocats, Me Camille Romani, dénonce les "méthodes déloyales" d'une "juridiction qui privilégie systématiquement toutes les procédures d'exception prévues par le code de procédure pénale".
Une "machine infernale"
Pour les avocats, l'accusation ne repose que sur "des renseignements anonymes et témoignages sous X" au caractère "fantaisiste". Toutes leurs demandes de remises en liberté ont été rejetées, soulignent-ils, alors même que Guy Orsoni est d'accord pour un "contrôle judiciaire strict" à Paris avec un bracelet électronique. Les avocats ajoutent également que la plupart des personnes poursuivies pour les mêmes chefs que Guy Orsoni ont été remis en liberté provisoire.
Guy Orsoni est "désespéré", selon Me Camille Romani. "Il sait que cette machine infernale est en train de le broyer et que tous nos effort seront vains", dit-il.
Le gréviste de la faim a reçu le soutien de Michel Tubiana, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH) et une campagne de soutien a été lancée en Corse, à laquelle participe son père, Alain, 58 ans, lui aussi en grève de la faim depuis la mi-février.

Guy Orsoni dans un état critique

Guy Orsoni a été transféré hier de l'hôpital de Grasse à sa cellule. Il a été menotté dans le dos et enchaîné à un fauteuil roulant avant d'être emmenée dans une voiture du GIGN. Puis il a été replacé dans sa cellule alors même qu'il ne peut quasiment plus se déplacer.


Cette inhumanité dans les procédures pose quelques questions : le juge Choquet et le GIGN pensent-ils vraiment qu'un homme qui a perdu un quart de son poids à cause d'une grève de la faim a seulement les capacités physiques de s'échapper? Pense-t-il qu'un homme qui sait que son dossier judiciaire est vide a seulement l'idée de s'échapper? Pense-t-il enfin qu'il est simplement décent d'enchaîner un homme qui ne tient plus debout.


Guy Orsoni est donc entré dans un état critique. J'étais à côté de son père quand il a appris la nouvelle. Alain a répété qu'il continuerait lui-aussi jusqu'au bout. Pour son fils. De notre côté, il est hors de question de les laisser tomber. 


Je rappelle que le juge et l'administration pénitientiaire sont responsables de l'état de Guy. À eux de méditer ce qui adviendrait s'il arrivait malheur à Guy.


Quant aux journalistes qui pratiquent l'omertà sur notre cas honte sur eux !

Mes quatre z'amours…

C'était un été de 2005. Vannina avait 17 ans, Swann 8 ans, Loulea 5 ans et Aloys 2 ans

Une interview du juge Choquet dans Corse-Matin

Fait rarissime un juge d'instruction donne une interview alors que des grèves de la faim ont trait à des affaires en cours. Je  remarque qu'à l'ordinaire (si tant est qu'il y ait en la matière un ordinaire) c'est le procureur qui donne le ton de la JIRS. Deuxième reflexion : cette interview est publiée le jour où les avocats de Guy Orsoni donnent une conférence de presse dans les locaux de la Ligue des droits de l'Homme à Paris. Enfin le ton du juge Choquet est très modéré puisqu'il rend un étrange hommage aux grévistes de la faim et à la Ligue des Droits de l'Homme. C'est en tous les cas les signes d'un changement d'attitude si on se réfère aux propos récemment tenus en direction des avocats de Guy Orsoni : "Je serai inflexible." 


Loin de nous l'idée de crier victoire. Nous souhaitons à travers notre mouvement attirer l'attention de l'opinion publique sur les juridictions d'exception et, ce faisant, favoriser une justice sereine et équitable pour tous mais une justice qui ne fasse aucune concession au crime tout en usant de moyens démocratiques. Notre espoir est d'arriver à une solution qui permette la libération de Guy Orsoni sans toutefois affaiblir la justice avec un grand J. Je m'efforce de répondre aux propos du juge Choquet. Mes réponses apparaissent en bleu.




Choquet : « Une grève de la faim change-t-elle le fond du dossier ? »

    
Publié le mardi 27 mars 2012 à 09h59
Le juge Choquet
Certains disent qu'il faut laisser faire, laisser les voyous s'entretuer. C'est simpliste et c'est inquiétant...

Le magistrat instructeur à la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, a en charge plusieurs dossiers corses très sensibles. Il a accordé une interview exclusive à Corse-Matin
Quels sont les véritables enjeux des règlements de comptes dans l'île ? À travers les dossiers que vous traitez, quelle est votre analyse du contexte criminel corse ?
On tue en Corse pour des conflits d'intérêts et pour faire sa place. Des intérêts financiers, dans l'île mais aussi sur le Continent. On est dans un changement d'époque. Il y a un trou d'air.
De nouvelles équipes se constituent, de nouvelles alliances se forment. Les générations intermédiaires essaient de prendre les commandes et de plus en plus de jeunes s'impliquent. Ce qui est extrêmement inquiétant, c'est la facilité avec laquelle on tue.

On tue en Corse depuis des siècles. Cette propension à trucider son prochain était déjà dénoncé par Sénèque, les Pisans, les Génois et évidemment les Français. Mais celui qui s'y opposa le plus fermement sans jouer sur les haines familiales fut Pasquale Paoli. La situation actuelle n'est donc pas exceptionnelle. Elle traduit seulement un renouvellement du milieu insulaire. Les résultats de la JIRS sont strictement identiques à ceux obtenus dans le passé par la justice dite banale. 8% d'élucidation judiciaires des crimes commis par le grand banditisme, un chiffre identique sur tout le territoire.
Dans quelles directions agissez-vous ?
On fait un gros travail sur les armes, on trouve des caches. C'est important de mettre la main sur l'outillage de base, de trouver des indices : ADN, traces papillaires… On s'intéresse aussi aux stupéfiants. Ce trafic prend de l'essor. La Corse était préservée jusqu'ici mais de ce point de vue, elle se continentalise. Il y a de plus en plus de produits qui rentrent. Les enjeux sont importants mais la lutte s'intensifie.

Le juge Choquet ne démontre toujours pas l'intérêt de moyens exceptionnels. Il est heureux que la justice s'intéresse aux stupéfiants et utilise les moyens à sa disposition pour lutter contre la grande délinquance.
En Corse, certains reprochent à la Jirs l'usage de moyens d'exception. Comment réagissez-vous à ces critiques ?
La Jirs est une juridiction spécialisée et non pas d'exception. Elle n'est pas spéciale. Il faut sans doute rappeler qu'elle travaille sur des infractions qui recouvrent en gros toutes les manifestations possibles du banditisme.
Les infractions visées sont, dans notre région, sans commune mesure avec ce qui peut se passer en Lorraine ou en Bretagne. Cela autorise des moyens d'enquêtes particuliers.
Les magistrats et les parquetiers de la Jirs ont d'ailleurs une habilitation qui prend en compte l'expérience, y compris à l'international, la formation, et une bonne connaissance des textes.

Ne craignant pas la contradiction le juge Choquet joue sur les mots. Il explique que la JIRS est spécialisée et non spéciale. Mais il explique que les infractions relevées dans le sud est de la France sont sans commune mesure avec celles relevées dans le reste de la France sous-entendant qu'à situation exceptionnelle il faut des juridictions exceptionnelles. Par ailleurs, les JIRS existent sur tout le territoire. Je pense qu'elles ont été constituées dans un contexte mondial particulier: :l'après 11 septembre 2001 et calquées sur le modèle américain. Or le modèle américain est sur le plan répressif tout à fait anti-démocratique : autorisation de la torture, incarcérations abusives, pénalisation des mineurs à partir de dix ans dans certains états etc.

Cela justifie-t-il des méthodes fortes, traumatisantes, dans un microcosme comme la Corse : interpellations « musclées, voire spectaculaires », que certains assimilent à des « rafles », gardes à vue « abusives », perquisitions « violentes ». Ces critiques vous semblent-elles excessives ?
Dans le tout-venant, le juge travaille sur une infraction commise. Il remonte dans le temps, essaie de comprendre ce qui s'est passé.
En matière de banditisme, on enquête sur un phénomène en train de se faire, c'est très différent. Il y a tout un travail de surveillance, de préparation.
En général, on a affaire à des groupes. La notion de bande organisée est très forte dans le corpus juridique Jirs. On va devoir interpeller large pour ne rien rater.
C'est le problème : les infractions sont éparses sur le territoire et il faut pouvoir interroger un maximum de personnes en même temps, confronter les déclarations. Lors des interpellations, nous donnons des consignes pour que les opérations se déroulent dans la discrétion mais… il y a un problème de sécurisation. Les policiers ont affaire à des gens dangereux, souvent armés, ils doivent aussi se protéger.

Les cas abondent en Corse où sur ordre de la JIRS les policiers cagoulés sont intervenus en brisant les portes et dévastant les intérieurs chez de simples particuliers. Jusqu'à nouvel ordre, jamais au grand jamais un coup de feu n'a été tiré lors d'une perquisition. Ces opérations ont un but intimidant sans contestation possible.La population corse, comme celles des cités, est perçue par la justice et par la police c'est-à-dire l'état comme dangereuse dans sa globalité. Il se passe exactement ce qui s'est passé ici après l'assassinat du préfet Erignac : la criminalisation globalisante. Le juge Choquet devrait avouer qu'il perçoit les Corses comme un magmas dangereux.
Pourrait-on néanmoins assouplir ces méthodes tout en restant efficace ?
En causant le moins possible de dégâts collatéraux ? C'est une consigne. Il est difficile de trouver le bon équilibre mais il faut essayer. Si la question se pose, je suis prêt à en parler. Mais nous voudrions également être des protecteurs, nous ne sommes pas que des chasseurs de voyous. Dernièrement, des armes ont été jetées par une fenêtre… On s'investit car on estime qu'il y a un vrai danger pour la population. Il faut arrêter ce flot de sang. Des gamins meurent. À quoi cela sert-il ?

Le juge Choquet a raison de s'indigner. Le problème est que la criminalité n'a pas bougé d'un pouce depuis la création des JIRS. Enfin je pense que c'est l'éducation, la réduction de la misère et la prise de conscience citoyenne qui sont les meilleures armes contre la croissance criminelle.
La Jirs est censée combattre l'économie souterraine, ne peut-on agir en amont ?
Le démantèlement des groupes criminels et la saisie des patrimoines sont des objectifs parfaitement conscients et assumés. C'est ce qu'on essaie de mettre en œuvre. L'aspect financier est primordial, c'est peut-être même le principal mais il faut rattacher ces possessions illicites à des infractions et c'est beaucoup plus long.
Les voyous savent à qui confier leur argent, leur patrimoine est de mieux en mieux géré. Il y a des hommes de paille, des placements à l'étranger. De ce côté-là, ils ont des années d'avance sur nous.

Le juge Choquet se moque du monde. Cela fait trente ans que la justice répète le même leti motiv. Le procureur Legras avait accru le pôle économique de Bastia dans ce but. C'était en 2000. Le rapport Glavany qui datait de l'année précédente affirmait déjà les mêmes principes. Le pôle de Bastia croule sous les toiles d'araignée. Le juge Choquet enfonce des portes ouvertes. Bien entendu qu'il faut s'en prendre au patrimoine des voyous puisque leurs activités sont vouées à la constitution de ce patrimoine. Que ne l'a-t-il fait plutôt ? Je remarque seulement que dans les Parrains Corses les deux auteurs révélaient que la Brise-de-Mer possédait des complicités au plus haut niveau de la Justice. Ils n'ont pas été attaqués en diffamation mais il n'y a pas eu d'enquête. Bref il faudrait que la justice fasse un travail de longue haleine et non un travail d'apparence basée sur des résultats éphémères. Et pour cela il ne faut pas faire d'esbrouffe comme le fait la JIRS et particulièrement ces magistrats qui ne rêvent que de promotion notamment dans l'anti-terrorisme. 
Autrement dit, les voyous progressent vers la légalité ?
Ils sont très malins, on n'a pas affaire à des naïfs, ce sont des gens qui savent gérer un patrimoine et inspirer la peur.
L'action de la justice n'est pas toujours lisible, tandis que la prospérité des voyous est de plus en plus voyante.
On ne peut pas nier qu'il y a un certain nombre de dossiers relatifs au grand banditisme qui sortent.
Ce que je peux vous dire est que des résultats sont à venir, notamment des saisies de patrimoine qui vont bientôt avoir lieu.

Les voyous sont malins? Trente ans de carrière pour découvrir cela? Encore bravo. Par contre la justice elle donne l'impression d'être un peu à la ramasse à embastiller des gamins qui dans le meilleur des cas sont des cinquièmes couteaux alors que les grands passent entre les mailles du filet pour d'ailleurs terminer le plus souvent sous les balles de leurs "amis".
Dans quels délais ?
Des délais assez proches.
Pour en revenir aux méthodes de la Jirs, la Ligue des droits de l'homme parle ni plus ni moins « d'acharnement ».
J'aime bien la Ligue des droits de l'homme et j'aimerais bien en parler avec ses représentants. Il ne faut pas oublier que les avocats sont dans les dossiers et peuvent intervenir à tout moment.

Pour l'heure la LDH est à nos côtés. Elle a souvent sollicité un débat avec le juge Choquet qui ne l'a pas accepté arguant du fait qu'on ne parlait pas des affaires en cours. Il a changé. Allelujah! C'est un miracle de Pâques.
Pour dénoncer les méthodes de la Jirs de Marseille des grèves de la faim ont lieu actuellement en Corse, notamment dans l'affaire Orsoni après le dossier Plasenzotti. Quel est votre sentiment ?
Mon objectif est de terminer les dossiers dans les conditions d'un vrai débat judiciaire. L'instruction, c'est à la fois l'indépendance de l'enquête et le contradictoire. Je souhaite le renforcement du contradictoire à l'instruction. J'étais président de l'association française de magistrats instructeurs au moment de l'affaire d'Outreau, j'avais été entendu à l'époque par les commissions et c'est ce que j'avais défendu.

Voilà un magistrat qui utilise de faux témoins, des témoins sous X en veux-tu en voilà, qui cache des pièces à la défense, qui abuse de la détention provisoire mais il est pour le débat contradictoire. Bien curieuse conception de la contradiction…
Êtes-vous néanmoins sensible à ces grèves de la faim qui mettent en danger plusieurs personnes ?
Oui, j'y suis sensible et même inquiet car ces grèves de la faim concernent des jeunes gens et certains de leurs proches. Cela me navre. Mais je pose la question : est ce que cela change quelque chose aux éléments des dossiers ? L'important est d'être objectif, d'examiner tous les éléments à charge et à décharge, de permettre une vraie expression de la défense.
C'est le même magistrat qui déclarait il y a peu aux avocats de Guy Orsoni que les grèves de la faim lui importaient peu et qu'il resterait inflexible. Le juge Choquet touché par la grâce et l'humanité… C'est vraiment Pâques. 
On reproche aux juges d'instruction une connivence avec le parquet. Qu'en est-il ?
On l'entend parfois dans la bouche des avocats mais tous les avocats corses ne sont pas contre la Jirs. On dit que les juges de la Jirs ne sont pas indépendants, on nous compare aussi à la 14e section antiterroriste de Paris. C'est facile… tous les moyens sont bons, je peux le comprendre. Mais si on discute comme citoyen, il faut être plus sérieux, on porte ensemble une certaine vision de la société, de la justice, on peut la partager…

Le juge Choquet devrait normalement rejoindre la 14e section à l'automne. Il va passer d'un monde d'exception à un monde d'exception. Qu'il ne commence pas à cracher dans la soupe. Quant aux avocats corses qui ne sont pas contre la JIRS j'en ai compté deux à commencer par Me Mariaggi qui a la particularité d'exaler une haine sans limite pour tous ses concitoyens. À chacun sa morale et ses alliés…
Les échanges ont lieu malgré tout ?
C'est vrai, on discute avec le parquet : c'est le parquet qui choisit les dossiers, le juge d'instruction ne se saisit pas tout seul. Mais le contact humain se fait à notre niveau, on a donc des éléments à donner au parquet sur les choix à opérer, sur la politique pénale. Ce débat est important notamment sur la fin d'un dossier. Mais cela ne signifie pas qu'on prend nos ordres au parquet.

Le juge Choquet prend ses ordres du parquet et jusqu'alors c'était le procureur Dallest qui s'exprimait. Le juge Choquet est désormais seul. Qu'il prenne garde de ne pas être cloué au pilori comme le juge d'Outreau qui,  il est vrai, a depuis reçu une promotion. Il est passé à l'anti-terrorisme là où l'élite de la magistrature se retrouve.
On vous reproche aussi un fonctionnement collectif, qu'en est-il ?
Dans tous les dossiers de la Jirs, on est co-saisis. Nous sommes deux juges d'instruction au moins à travailler sur un dossier. On se concerte. Cela permet de ne pas s'enfermer, la personnalisation n'est pas une bonne chose.

Le juge Choquet devrait révéler le nom de son binôme car jusqu'alors seul le sien apparaît dans les trois dossiers concernant Guy Orsoni. Après les témoins sous X voilà les juges sous X. Tout cela pue la pornographie et le scénario X.