samedi 10 mars 2012

Le jour d'avant l'installation à Veru

Demain matin, je prends mes quartiers à Veru. Alain m'a dit qu'hier soir les grévistes de la faim ont hurlé de joie en apprenant la victoire d'Ajaccio sur l'OM. Je suis bien content de n'avoir pas été présent. J'aurais cassé l'ambiance avec ma relative indifférence. Je ne suis déjà pas très démonstratif par nature. Mais exploser de joie pour du football : je n'en suis vraiment pas capable. Je sais que je devrais mais non, vraiment pas.

Après cette explosion orgasmique, mes camarades de combat m'ont paru bien fatigué surtout Alain qui en est à son 18e jour. Sa fille Antonia lui a rendu visite: une ravissante jeune femme qui paraît toute timide. Je me suis demandé comment elle avait vécu l'apprentissage de la vie avec un père semblable, mélange d'extraordinaire et vraisemblablement de terriblement déstabilisant. Quoiqu'il en soit, ces deux-là s'aiment sans réserve. Alain, les traits tirés, les rides prononcées s'est littéralement illuminé en la voyant.

Et là en les voyant s'embrasser, je me suis dit qu'il était terrible que cet homme que je connais depuis deux ans, que je vois en ce moment vivre au quotidien, ait à porter sa terrible légende noire. J'ai eu un accrochage avec un ami qui me disait qu'Alain Orsoni avait assassiné ses espérances dans les années 80. Je lui ai répondu qu'il fallait être bien faible pour considérer qu'un homme pouvait à lui tout seul assassiner ses rêves. J'ai milité durant quinze ans à la Ligue communiste. J'ai donné durant toutes ces années dix pour cent de mon salaire. Ma compagne leur a laissé les deux petits héritages de ses grands-mères. Et nous étions heureux d'agir ainsi. Personne ne nous a jamais manipulés. Alain Orsoni, pas plus que les autres dirigeants nationalistes, n'ont tué le moindre rêve tout simplement parce qu'ils n'en avaient pas le pouvoir. Nous sommes tous maîtres de nos espoirs et nous ne sommes désillusionnés qu'à la hauteur de nos illusions.

Je commence à en avoir assez de ces discours déresponsabilisants et désresponsabilisés qui fait ressembler l'existence à un gigantesque piège sectaire et l'humanité à un rassemblement de zombies. Quant à Alain, c'est un type gonflé, terriblement attachant qui a le tort de considérer que tous ceux qui le suivent sont capables de supporter les mêmes épreuves que lui. Il a drainé derrière lui des types qui lui ressemblaient et d'autres qui ont cru lui ressembler.

Je ne suis pas certain qu'il ait été un responsable politique au sens traditionnel du terme. Il était fait pour diriger des hommes comme son père. Quant à la légende du voyou, laissez moi rire. Il n'en a tout simplement pas le profil. Il a vraisemblablement du stéréotype corse dessiné à la fin du 18e et au cours du 19e. De surcroît, c'est un bel homme. De quoi réveiller la jalousie de bien des médiocres qui aimeraient lui ressembler et de policiers qui n'ont jamais digérer la manière dont il a réussi à leur échapper durant les années de clandestinité.

Pour aller jusqu'au bout de ce portrait, Alain n'a  pas la même conception de la morale publique que la mienne. Eh oui, je me sens très corse mais aussi très français. J'aime l'État quand il est juste et je me bats pour que la "chose publique" soit plus équitable avec les plus déshérités. Je n'aime pas qu'on plastique des biens publics, de pauvres gens au seul prétexte qu'ils ne sont pas corses. J'estime que toute personne qui commet un acte illégal doit s'attendre à être sanctionné si elle est confondue. Cela ne signifie pas que l'origine des actes soit erroné. Mais aujourd'hui, je suis persuadé que la violence minoritaire ne peut apporter que des dérives et du malheur.

Lorsque nous avons écrit Le maquis ardent je lui ai fait part de toutes mes réflexions tout en respectant les convictions de ce bonhomme qui avait risqué sa liberté et sa vie pour la Corse dont il rêvait. À l'époque, j'aurais combattu les actes destructeurs commis au nom du nationalisme corse qui, pourtant à mes yeux, portait l'avenir du peuple corse. Mais là aussi la fin ne justifie jamais les moyens.

J'applique ce principe aujourd'hui à la JIRS. Il était tout aussi valable pour le FLNC. La Corse a besoin de sérénité et d'équité, certainement pas d'un trop-plein d'hommes cagoulés qu'ils soient gendarmes, policiers, nationaliste ou voyous. Nous n'avons pas à choisir entre plusieurs terreurs.

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