jeudi 1 novembre 2012


Guerre des polices… encore et toujours

Deux jeunes ont été abattus à Marseille vraisemblablement dans un règlement de comptes. C'est le procureur adjoint, Jean-Jacques Fagni qui s'est rendu sur les lieux.

Deux jeunes hommes ont été abattus jeudi vers 18h40 dans une rue des quartiers Nord de Marseille par des tueurs en moto, a-t-on appris de source proche de l'enquête, ce qui porte à 22 le nombre de règlements de comptes dans la région cette année.
Les deux victimes, qui se trouvaient à bord d'une Clio noire de location, sont décédées sur le coup après avoir été touchées par des projectiles de gros calibre, probablement tirés par une Kalachnikov et un pistolet de gros calibre.
Un troisième occupant a réussi à sortir du véhicule pour se réfugier dans un appartement voisin, selon une autre source proche de l'enquête.
Les investigations ont été confiées à la brigade criminelle de la police judiciaire, déjà en charge de plusieurs meurtres sur fond de trafic de drogue.
Le procureur adjoint de la République, Jean-Jacques Fagni, était attendu sur les lieux.
Il s'agit du 22e règlement de comptes dans la région après l'assassinat par balles, le 11 octobre, d'un homme de 53 ans à la terrasse d'un bar du 4e arrondissement de Marseille, devant de nombreux témoins à l'heure du déjeuner. Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'était rendu sur la scène du crime, dénonçant "un crime de trop, inacceptable".
Le gouvernement avait annoncé le 6 septembre, à l'issue d'un comité interministériel à Matignon, un plan global de mesures destinées à endiguer la criminalité dans la deuxième ville de France, et à y réduire les inégalités sociales.
La première constatation est que le procureur Dallest lui aussi ancien procureur de Corse, s'est fait remplacer sur le terrain. Il doit en avoir assez de constater les assassinats sans parvenir à arrêter les assassins. Le deuxième constat est que très curieusement la JIRS ne se saisit pas de l'affaire. Pourquoi et comment cette juridiction d'exception s'autosaisit ? Mystères et boules de gomme. Dans la région de Sartène et du Valincu, la plupart des crimes ont été laissés à la charge de la gendarmerie. Pourtant, le dernier assassinat, celui de Patrick Sorba, est désormais à la charge de la JIRS alors que les tentatives visant son frère ne l'étaient pas. Tous les assassinats qui ont endeuillé la région de Tizzano ont échappé à la JIRS alors qu'il s'agit de grand banditisme sur fond d'immobilier. Bref la politique de l'état reste totalement opaque dans notre île. Or les Corses sont profondément cohérents et cherchent à comprendre ce qui leur arrive.

Que penser de la chappe de silence qui s'est abattu à Marseille sur les complicités entre le conseil général des Bouches du Rhône et le monde interlope. Quand il s'agit de la Corse c'est la mafia internationale. Mais les complicités de Marseille, ville dirigée par les socialistes, devient un murmure judiciaire et médiatique. Et pourtant il y aurait de quoi dire. Le système marseillais ressemble beaucoup plus à un schéma mafieux classique que le désordre corse.

Nous avons l'impression d'être médiocres en tout même en matière de criminalité. Tout ordre ici se dissout et devient cahotique. Le Canard Enchaîné fait état, cette semaine, de la mise en examen d'un ancien nationaliste reconverti en agent immobilier. Il aurait joué l'intermédiaire entre des voyous et les victimes d'un racket perpétré sur la rive sud d'Ajaccio avec 150.000 euros à la clef. Apparaissent dans le dossier des flics en activité, un autre en retraite tous convoqués par un juge anti-terroriste. Quelle cacophonie ! Car le juge Thiel (un homme aux idées arrêtées mais qui n'a pas froid aux yeux) est persuadé depuis longtemps que les réseaux mis en place par l'ancien chef de la DCRI, Bernard Squarcini, sont protégés par une partie de l'appareil d'état au nom d'une introuvable efficacité. 

On a pu le soupçonner dans l'affaire de la SMS dont il faut se rappeler qu'une partie de l'enquête est couverte par le secret défense. Ça l'est aussi dans d'autres affaires tout aussi nébuleuses. Le garnd problème est qu'hier les RG manipulaient. Cétait leur travail. Or depuis la réforme voulue par Nicolas Sarkozy qui a unifié les RG et la DST, le renseignement est monopolisé par la structure DCRI au détriment de la police traditionnelle. Et la manipulation est devenu un mode opératoire officiel. Or les JIRS et l'anti-terrorisme dépendent du renseignement donc de la DCRI. Les SRPJ traînent la patte accentuant le sentiment de déliquescence de l'appareil de l'état.
Plus grave c'est peut-être cet antagonisme qui à l'origine indirecte de plusieurs des assassinats survenus ces derniers mois dans la région ajaccienne. 
En Corse, nous avons connu cela après l'assassinat du préfet Erignac ce qui avait failli couler l'enquête avec un rôle calamiteux occupé par le commissaire Marion alors dirigeant de l'anti-terrorisme. Le juge Thiel se répand sur les plateaux de télévision pour dénoncer le rôle de la DCRI. Ce qui est frappant c'est qu'il n'envisage la sécurité qu'en terme de répression. Or, en Corse, nous savons que ce ne sont pas cent policiers de plus qui amélioreront la situation. Contrairement à la légende officielle et médiatique, la Corse n'est pas aux mains d'une mafia mais livrée à des bandes éclatées. Sur Ajaccio, des bandes tentent de racketter les entreprises de bâtiment. Si les policiers cherchent la tête unique, ils risquent fort d'y passer leur carrière entière. De petits groupes se forment dans les quartiers d'Ajaccio mais aussi dans les villages et chacun de ces groupes tente sa chance. La JIRS n'y changera rien. Mais les cadavres vont s'accumuler parce que ces jeunes gens se moquent de l'avenir. lls veulent de la monnaie tout de suite.

La guerre des polices traduit un manque d'idéal. J'allais écrire républicain mais j'ai en horreur cet adjectif mis à toutes les sauces. Parlons seulement d'un idéal démocratique qui fait qu'un fonctionnaire ne travaille pas seulement en fonction de son ambition mais pour l'ensemble des citoyens. Les Corses ont l'impression que la situation leur file entre les mains. Pauvreté, chômage, clientélisme… Nous renouons avec tous nos cauchemars antérieurs aux 30 glorieuses.

Je présume qu'il en va de même pour les policiers qui se sentent abandonnés. Et c'est pire encore dans une île. L'état s'intéresse à la Corse le temps d'une émotion et puis plus rien. Les instructions sont totalement désorientantes. On assassine un homme. La rumeur désigne une direction. Et puis plus rien. Éventuellement plusieurs mois plus tard des jeunes gens sont arrêtés puis relâchés faute de preuve. Pour l'homme de la rue, chaque crime devrait être suivi d'arrestations ne serait-ce que pour signaler aux éventuels coupables qu'ils sont surveillés. Du coup, il se dit que les policiers et les magistrats laissent les adversaires s'entre-tuer faute de pouvoir les arrêter. C'est efficace à moyen terme mais c'est une catastrophe en matière d'éducation citoyenne. Quant à la guerre des polices, il me semble que nous n'avons jamais connu que ça.

Pourtant les solutions existent : redonner à la police locale ses lettres de noblesse, faire confiance aux Corses, lancer des campagnes au collège pour ringardiser les armes etc. etc. Mais je présume qu'une violence de basse intensité satisfait en définitive tout le monde à l'exception des familles des victimes.

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