jeudi 15 novembre 2012

Une interview du sénateur Alfonsi et des remarques


"Il faut appliquer implacablement la loi de la République en Corse"

Créé le 15-11-2012 à 15h49 - Mis à jour à 16h59

Le sénateur radical de Corse-du-Sud Nicolas Alfonsi applaudit le discours de Valls, après l'assassinat du président de la Chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio.

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Jacques Nacer a été assassiné dans son magasin rue Fesch a Ajaccio de plusieurs balles de gros calibres. (NICE MATIN/MAXPPP)
Jacques Nacer a été assassiné dans son magasin rue Fesch a Ajaccio de plusieurs balles de gros calibres. (NICE MATIN/MAXPPP)
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Le Nouvel Observateur : que pensez-vous du discours tenu par le ministre de l'Intérieur et de la Garde des Sceaux, aujourd'hui en Corse ?
Nicolas Alfonsi  :  J'approuve l'intervention de Manuel Valls et de Christiane Taubira à 300%. C'est un compliment assez rare venant de moi. Il faut remonter très loin dans le temps  et dieu sait si je suis un peu la mémoire de la Corse – pour entendre un discours d'une telle fermeté et surtout d'une telle clarté. Ils rejoignent ce que je n'ai cessé de répéter : tant qu'il n'y aura pas un réinvestissement total de l'Etat, nous n'aboutirons à rien. On y est enfin. Il est juste regrettable qu'il ait fallu attendre que ça soit deux personnalités importantes de Corse qui soient assassinées pour que ce réinvestissement intervienne.
La situation actuelle est donc due à une disparition de l'Etat ?
- J'ai toujours défendu la thèse qu'il fallait mieux un Etat défaillant que pas d'Etat du tout. Je vous laisse le soin de deviner ce qui se passerait si demain nous allions encore vers des réformes institutionnelles surréalistes qui verrait petit à petit l'Etat s'effacer.
Seriez-vous favorable à la création d'une zone de sécurité prioritaire (ZSP) en Corse ?
- A priori, je n'y vois pas d'inconvénient. Je ne peux pas mesurer encore quel est l'impact de ces ZSP. Mais la Corse est tellement spéciale en matière de sécurité que le simple concept de ZSP n'est pas suffisant. En revanche, ce qui est capital selon moi, c'est le soutien aux Juridiction inter-régionales spécialisées, les fameuses "JIRS". Beaucoup font la fine bouche quand on en parle, ils prennent des pincettes, émettent des restrictions. Ils font mine de penser que le "juge naturel", le juge d'instruction corse, serait beaucoup plus à même de régler les problèmes. C'est une véritable fumisterie. Si on n'a pas des gens compétents qui recentralisent toute une série d'information, on ne s'en sortira pas.
Le député radical Paul Giacobbi pointe du doigt la guerre entre gendarmerie et police sur l'île, serpent de mer de la politique de sécurité. Est-ce le principal problème ?
- Je ne pense pas. Prenons le problème à l'envers. Police et gendarmerie ont été fusionnées par Nicolas Sarkozy. Il n'y avait pas de rivalité entre eux avant cet acte. Ou de prétendue rivalité. Est-ce que le taux d'élucidation des crimes du milieu a augmenté? Non, le vrai problème c'est que dans l'escalade mortifère qu'on connait, on s'attaque désormais, compte tenu des intérêts en jeu à des personnalités. Si, ces gens là n'avaient pas été assassinés, on n'en parlerait pas.
La violence à l'origine politique a-t-elle évoluée devenant l'apanage du milieu ?
- La porosité existe depuis 20 ans entre affairisme et nationalisme. Je suis dans une situation très originale. J'ai dit non à Joxe quand j'étais au PS (qui a institué le statut particulier de l'île au sein de la République avec la collectivité territoriale de Corse, ndlr). J'ai aussi dit non à Jospin pour les accords de Matignon (déléguant un pouvoir d'adaptation des lois à la Corse, ndlr) et non à Sarkozy. Je considère que tout ça ne sert à rien. La seule chose qui compte c'est l'inscription dans la durée. Il faut une continuité de l'Etat pendant cinq ou dix ans. Il faut remettre la Corse en possession d'elle-même avec des comportements normaux. Et il faut appliquer implacablement la loi de la République.
La violence s'est-elle banalisée ces dernières années dans la vie quotidienne des corses ?
- Pardonnez-moi cette expression douloureuse pour les victimes, mais en ce moment un meurtre chasse l'autre. On peut le regretter. Le mot de banalisation correspond à une réalité du vécu quotidien en Corse. Dans trois semaines, Paris va reprendre son ronron. Encore une fois c'est dommage qu'il faille attendre des drames de ce genre pour que tout le monde prenne conscience de la dérive à la fois institutionnelle et psychologique alors que les gens en Corse ne demande qu'à travailler. Ce qui est désastreux, c'est l'image qu'on donne à la communauté nationale, de ce pays souffrant d'une pathologie criminelle invraisemblable. On n'est pas le Honduras, mais on va y arriver.
Interview de Nicolas Alfonsi, sénateur radical de Corse-du-Sud, réalisée par Nicolas Chapuis, le 15 novembre 2012.

Mon commentaire : Nicolas Alfonsi a le charme de persistance. Il salut le discours de Valls le considérant comme novateur. Le sénateur a la mémoire courte même s'il estime être la mémoire de notre île. Tous les ministres de l'intérieur, tous les présidents sans exception ont tenu les mêmes discours qui ne sont pas faux en soi mais tellement inopérants que c'en est lassant. Nicolas Alfonsi devrait se rappeler "il faut terroriser les terroristes" de Charles Pasqua, de "L'état ne cédera pas" de Chirac, de l'appel au sursaut du rapport Glavany. Bref toujours les paroles rassurantes. On voit d'ailleurs mal ce qu'un ministre de l'intérieur pourrait dire d'autre. On comprendrait mal qu'il proclame lâcher prise.

Le problème avec la position de M. Alfonsi c'est qu'elle a déjà été expérimenté avec le commissaire Broussard, avec Pasqua, avec Debré, etc. etc. sans que cela quoique ce soit au problème corse. Car si l'une des réponses est répressive l'autre tient à la prise de position citoyenne des Corses. Nous devons craindre un délitement de la société qui favoriserait l'emprise du grand banditisme mais aussi un trop plein répressif qui, in fine, ferait le jeu de la voyoucratie.

Nicolas Alfonsi n'est pas un perdreau de l'année et il y a des chances qu'au jour de son grand départ, la question n'aura pas changé si nous sommes toujours dirigé par une classe politique qui d'une certaine façon profite de la violence. Que seraient-ils sans cette violence qui leur donne une place. Car on ne peut pas dire qu'en matière de gestion ce soit des aigles. Le PEI soit 1,5 milliards d'euros est en train d'être dépensé en pure perte parce qu'au lieu de projets structurants on a semé l'argent en fonction des intérêts clientélaires. Et le grand banditisme a pris sa part. 

1 commentaire:

  1. fallait il attendre ces nouvelles obseques avant de faire appliquer la loi de la république en france??

    Oriane

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