vendredi 2 novembre 2012

Aurore Martin expulsée : honte aux gouvernants de gauche


Aurore Martin, militante indépendantiste basque, n'avait commis aucun crime sinon celui de participer à un meeting du mouvement Batasuna interdit en Espagne mais légal en France. La France, dirigée par des personnes qui se réclament de la gauche, ont livré une citoyenne française d'opinion à un pays étranger. C'est une première. Voici un article signé Clément Mathieu paru dans Paris Match

Depuis son arrestation qui ne cesse de provoquer des réactions indignées, Aurore Martin est devenue la figure d’une question basque en plein flou. La militante a été interpellée jeudi par la gendarmerie lors d'un contrôle routier fortuit à Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées-Atlantiques. En vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne en novembre 2010 - validé deux mois plus tard par la justice française – la jeune femme de 33 ans a été remise à Madrid, qui lui reproche ses liens avec Batasuna. Si le parti indépendantiste est légal en France, il ne l’est pas au-delà des Pyrénées où il est considéré comme lié à l'organisation politico-militaire Eta. Outre cette dimension légale, ses soutiens mettent aussi en avant le risque que la décision fait encourir à la paix, un an après l’annonce de la fin définitive de la lutte armée par l'Eta.
Le député écologiste européen José Bové s'est dit opposé «à l'application du mandat d'arrêt, un danger pour le processus de paix», alors que le conseiller général UMP Max Brisson a y vu «un nouveau signal préoccupant pour tous ceux qui œuvrent pour un Pays basque apaisé». Le sénateur MoDem Jean-Jacques Lasserre s'est dit «choqué» par «des méthodes extrêmement brutales» du gouvernement, et le porte-parole du PCF des Pyrénées-Atlantiques Olivier Dartigolles a jugé «insupportable et indigne qu’une personne de nationalité française, militante d’un parti autorisé en France, soit extradée pour des faits eux-mêmes non punissables dans notre pays». Un reproche également adressé à la France par la Ligue des droits de l'Homme, lors de la validation du mandat espagnol par la cour d'appel de Pau.
Aurore Martin risque jusqu'à 12 ans de réclusion pour «participation à une organisation terroriste», alors qu’elle n’a jamais participé à une quelconque activité armée. Native d’Oloron-Sainte-Marie, très tôt sensibilisée à l’identité basque puisqu’elle a fait sa scolarité et notamment obtenu son BEPC dans la langue de son «pays», Aurore Martin a commencé son militantisme par de petites actions locales. «J’ai commencé à batailler dans des associations, à monter des maisons de jeunes, où on faisait du théâtre, de la musique… je crois que tout ça est venu de fil en aiguille», avait-elle expliqué dans une interview au site d’information Mediapart. Une première arrestation au début des années 2000 a par la suite politisé son engagement. Aurore Martin a été interpelée seule, un mois après un coup de filet de la police contre ses amis indépendantistes et notamment sa sœur. «Je suis montée à Paris, j’ai vu la juge antiterroriste et j’ai fait un mois de prison».

SIX MOIS DE CLANDESTINITÉ

«J’ai eu un non-lieu, puisque mon dossier était archi-vide. On m’a fait comprendre que c’était un peu pour me mâter (…) et je suis sorti de ça en me disant ‘plus jamais’. Un an après j’intégrais Batasuna en tant que militant vraiment actif», a-t-elle dit à Mediapart. «Comme je savais que je n’avais rien fait, je me suis dit que c’était politiquement une volonté de casser du jeune pour ne pas aller de l’avant, et que je devais me charger de politique». Au cours des années 2000, la jeune femme prend de plus en plus de responsabilités et une place au bureau national du parti. Son projet ? «Un état souverain», qu'elle pense pouvoir obtenir «par la voie des urnes», et «un projet social, de gauche», voire «d’extrême gauche», a-t-elle expliqué à Mediapart. Début novembre 2010, elle est de nouveau arrêtée, puis relâchée, avant de voir quelque jour plus tard le mandat d’arrêt à son encontre validé. À la suite du feu vert à sa remise à l'Espagne, la jeune femme avait annoncé dans un courrier publié sur le site internet du «Journal du Pays basque» qu’elle entrait dans la clandestinité.
«Depuis quelques jours ma vie a quelque peu changé. En effet, mon activité politique est interdite en France, en Espagne et au Pays basque. Je n'ai pas d'autre choix que de me cacher pour pouvoir continuer mon activité politique au sein de Batasuna», avait-elle écrit. «J'ai donc décidé d'arrêter mon contrôle judiciaire et de ne plus me montrer publiquement. Je suis en Pays basque, parmi vous, grâce à vous, grâce aux nombreux amis et soutiens qui m'ont accueillie et ouvert leurs portes». Une quarantaine d’élus basques avaient annoncé quelques jours après héberger la jeune femme. «Ouvrir sa porte et héberger Aurore est un acte légitime et cohérent. Nous demandons à tous les citoyens d'être prêts à faire de même», avaient-ils écrit dans un communiqué. En janvier 2011, elle avait annoncé dans une nouvelle tribune au «Journal du Pays basque» sa participation aux élections cantonales de mars, comme suppléante du candidat d'Euskal Herria Bai, rassemblement de trois mouvements de la gauche indépendantiste, Batasuna, Eusko Alkartasuna et Abertzaleen Batasuna – qui avait obtenu 7,9% des suffrages exprimés.
La militante indépendantiste était réapparue après six mois de clandestinité début juin 2011 à Biarritz. Le 21, à quelques heures du début de la Fête de la musique, six policiers cagoulés envoyés pour l’arrêter au domicile de sa sœur avaient dû abandonner leur opération. Un groupe d'une cinquantaine de militants et de voisins se sont opposés à l'intervention des policiers, avant de se réfugier avec Aurore Martin dans un bar du quartier du «Petit-Bayonne», fief nationaliste basque. Elle vivait depuis au Pays basque où elle avait participé à plusieurs reprises à des manifestations et à des conférences de Batasuna, en sachant qu'elle risque à tout moment l'extradition. Elle était même persuadée que ce jour viendrait, avait-elle confié dans une interview au «Journal du Pays basque». «Je sais que la procédure va être menée jusqu'au bout, que je vais passer devant l'Audiencia Nacional et j'ai intégré que je vais être incarcérée. Je dis 'intégré' car on ne peut pas accepter cela. Je risque 12 ans de prison».Point final

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