vendredi 13 avril 2012

Après Bernard Barresi, la justice libère Gérald Campanella


Publié par la Provence le vendredi 13 avril 2012 à 10H05
Après les jurés de Colmar, la Cour de cassation déclare une peine prescrite
Les trois principaux suspects du coup de filet réalisé à Golfe Juan, Bernard Barresi (sous la veste), Michel et Gérald Campanella.
Photo Guillaume Ruoppolo

Ces temps-ci, la justice fait de singuliers clins d'oeil aux "parrains" présumés de Marseille. Elle rappelle juste à ceux qui l'auraient oublié que le droit est le droit et qu'on peut difficilement s'affranchir de certaines règles. À Colmar, le bénéfice du doute et une enquête de police bâclée, remontant certes à près de vingt ans, ont bénéficié à Bernard Barresi, blanchi de l'attaque d'un fourgon blindé qui lui était reproché en mars 1990, un temps que les voyous de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...
Hier, c'est Gérald Campanella, un de ses proches, qui a à son tour a été remis en liberté. Il a quitté dans la soirée la prison de La Farlède, dans le Var, où il était détenu. La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi déposé par le parquet général d'Aix-en-Provence. Elle a confirmé dans le même temps les termes de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 10 novembre 2011, qui déclarait la peine de 5 ans prononcée pour escroquerie contre Gérald Campanella prescrite depuis le 2 août 2010. Ses avocats, Mes Jean-Jacques Campana, Francis Szpiner et Roland Marmillot, avaient d'ailleurs depuis de longs mois fait de cette bataille judiciaire une bataille de principe, adossée aux principes les plus élémentaires. Huit mois de prison sans fondement juridique : difficile, si l'on emprunte la machine à remonter le temps, de ne pas évoquer une détention arbitraire. Les avocats ne s'étaient pas privés de relever l'incongruité de la situation. La Cour de cassation a pris son temps, mais elle a également déclaré anticonstitutionnel l'article du Code de procédure pénale qui battait en brèche le délai de prescription, notamment en considérant que des mandats d'arrêt délivrés entre-temps venaient interrompre cette prescription.
"C'est pour nous une satisfaction énorme. Nous disposions même d'une lettre du parquet général d'Aix nous disant que la peine était prescrite", a réagi hier Me Jean-Jacques Campana. Les avocats n'excluent pas d'engager d'autres procédures. Gérald Campanella et Bernard Barresi, interpellés à Golfe Juan, le 5 août 2010, restent toutefois mis en examen pour association de malfaiteurs et extorsion de fonds dans le dossier toujours instruit par le juge Dorcet. Michel Campanella a en revanche dû retourner en détention le 27 mars dernier. Il s'était constitué prisonnier à la gendarmerie de Borgo, en Haute-Corse, afin que soit mise à exécution une peine de 9 mois de prison ferme qu'il lui restait à purger.
Denis TROSSERO



Mon commentaire : je peux comprendre la frustration des magistrats qui ont instruit ces affaires et qui constatent combien leurs efforts ont été vains. Mais combien d'innocents seront "sauvés" par cette pratique respectueuse du droit?

Il est certes difficile de souvent comprendre le rôle de certains avocats qui acceptent sans broncher de servir des arguments qu'ils savent être faux ou de circonstances. Néanmoins c'est la condition sine qua non pour que la justice ne devienne pas un champ clos où s'affronteraient le camp de la puissance étatique opposée à celui de la puissance financière même s'il faut reconnaître que c'est un peu de ça dont il s'agit. 

J'ai connu et beaucoup apprécié un magistrat qui se nomme Jean de Maillard. Un curieux personnage d'une intelligence extrêmement vive, d'éducation maurassienne qui tranchait sur le petit monde des hommes de robe. Il était un grand analyste du crime financier et rejoignait les positions d'Eva Joly ou de Renaud Van Ruymbeke, position que je qualifierais de naïve et pourtant de lucide. Jean défendait l'idée que l'argent sale gangrénait l'économie de surface. Et pourtant il avait quelques difficultés à admettre que le système capitaliste dans sa trajectoire avait perdu de vue l'entreprenariat orginel et ne visait plus que le profit à n'importe quel prix. En perdant sa morale wéberienne, il entrait dans un cercle de compétence strictement identique à celui de la voyoucratie. Jean confessait une sorte d'obsession pour le banditisme corse un peu comme certains magistrats furent, au moment de la révolution industrielle du XIXe siècle fasciné par la personnalité de certains voyous. 

Parce qu'il ne voulait pas imaginer que le système judiciaire français (porté aux nues c'est-à-dire dans les limbes de l'imaginaire par tous ces grands serviteurs de l'état) fut mis à mal par des êtres primitifs animés d'une penseée totalement anomique c'est-à-dire qui détruisait de manière ontologique toute forme d'ordre, il lui fallait à tout prix trouver une puissance dans le mal mais une puissance extraordinaire. Or n'en déplaise à Jean et à tous ses confrères (pour qui je professe une véritable admiration quand ils font bien leur travail), la voyoucratie corse est aussi anarchique que l'est la société corse elle-même. Les voyous ne sont que le reflet noir du monde qui les secrète et qui les accueille. Tenter de juguler le mal des mafias sans s'en prendre au système qui les encourage est vain. Or le problème est que le système ne peut être combattu de l'extérieur. Il n'y a pour s'en rendre compte qu'à faire le bilan des promesses de Nicolas Sarkozy relatives aux paradis fiscaux. Il n'en a pas supprimé un seul et les banques françaises en usent toujours avec aussi peu de modération.

Répondre à la violence des voyous par des méthodes de voyou c'est leur envoyer un message clair : votre mode de fonctionnement est le seul qui vaille. Or je crois aux règles, aux principes et à la morale. Il faut répondre aux bandits de la même manière quoiqu'il en coûte. Et surtout savoir accepter ses défaites et reconnaître ses erreurs. Amen.
PS : décidément la JIRS n'a pas le vent en poupe et le pôle de compétence qu'elle forme semble avoir beaucoup de mal à démontrer une efficacité supérieure à celle de la justice dite normale.

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