samedi 28 avril 2012

Adel Abdessemed : un artiste méditerranéen



Vendredi s'est ouverte au musée Unterlinden de Colmar une exposition composée de quatre Christ grandeur nature en fil de fer barbelé, installés en face du célèbre retable d'Issenheim.
Les quatre Christ de ''Décor'' sont en fil de fer barbelé
Les quatre Christ de ''Décor'' sont en fil de fer barbelé AFP/PATRICK HERTZOG
Réalisé entre 1512 et 1516 pour le couvent des Antonins à Issenheim, au sud de Colmar (Haut-Rhin), où il ornait le maître-autel de l’église, le retable d'Issenheim fête cette année ses 500 ans. Il est l’œuvre de deux grands maîtres allemands du gothique tardif, le peintre Matthias Grünewald, pour les panneaux peints (1512-1516), et Nicolas de Haguenau, pour la partie sculptée antérieure (autour de 1490).
Le retable, de près de six mètres de haut, pièce maîtresse du musée Unterlinden de Colmar, est constitué d’un ensemble de plusieurs panneaux peints qui s’articulent autour d’une caisse centrale composée de sculptures.
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Exposition jusqu'au 16 septembre


Aujourd'hui, cinq siècles plus tard, il continue d'inspirer les artistes. Ainsi quatre surprenants Christ, tressés avec du fil barbelé par l'artiste Adel Abdessemed, sont exposés actuellement en face de lui. L'œuvre s'intitule Décor.
Les Christ métalliques, à taille humaine, de cet artiste de 41 ans né en Algérie et vivant à Paris, y sont accrochés à un mur blanc comme en suspension, alignés sans leur croix. Cette exposition, qui s'est ouverte au public ce vendredi 27 avril et durera jusqu'au 16 septembre, est un hommage à la Crucifixion qui domine les panneaux du retable, dont Abdessemed s'est inspiré pour sa création.


Un artiste au sens plein du terme

La rue est utilisée comme atelier, un espace d’activité et de réflexion sur le monde, hors de l’espace d’exposition. Utilisant le vivant comme médium, Adel Abdessemed a réalisé une série de vidéos qui montrent l’abattage violent d’animaux. Ce projet intitulé Don't Trust Me initié au Magasin de Grenoble a fait l’objet d’une grande polémique lors de son exposition à l’Art Institute de San Francisco en 2008.
Le travail d’Adel Abdessemed aborde le thème de l’exil depuis son départ précipité d’Alger et de l’École des beaux-arts, le jour même de l’assassinat du directeur de l’école, lors de la guerre civile des années 1990. La liaison qu’entretient l’artiste Adel Abdessemed avec le monde témoigne d’une réalité malade de violences et d’exodes. La référence à Ulysse et à la Méditerranée est une constante dans son œuvre. L’art est une « porte de sortie ». Son travail propose un langage de la transgression pour briser les tabous liés au corps et aux idéologies.
Dans Odradek (2011) les images vidéo sont celles d’un groupe de femmes qui dansent sur une musique orientale populaire en dévoilant leur corps recouvert des pieds à la tête d’un tissage en laine de chameau. Les danseuses, dirigées par l’artiste dans son atelier, se déshabillent en décousant cette voilure dans un mouvement répétitif de bobinage. Le concept de référence présent dans ce travail est «le rêve du jour» de Freud, ce qui donne à cette image brute une dimension onirique.
La création d'Adel Abdessemed parle aux Méditerranéens. Pour un Corse ce n'est pas un travail figé. C'est un cri au vrai sens du terme.


''L'essence même de la cruauté''


«Adel avait découvert le retable lors d'un voyage d'études à Colmar il y a une dizaine d'années. Il avait été très impressionné par le corps lacéré du Christ, ses plaies en putréfaction», explique à l'AFP Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice au musée Unterlinden et commissaire de l'exposition.
Les corps des quatre Christ d'Abdessemed sont tressés avec du fil de fer barbelé, ponctué de doubles lames tranchantes comme des rasoirs. «Ce matériau, le même que celui utilisé dans le camp de Guantanamo ou par la défense militaire des frontières, est l'essence même de la cruauté et de l'oppression», analyse Mme Goerig-Hergott.

Acquis par François Pinault



Décor, acquis récemment par François Pinault, grand mécène et amateur d'art moderne, a déjà été exposé dans une galerie new-yorkaise au début de l'année et doit prendre en octobre la direction du Centre Pompidou à Paris, pour une exposition consacrée à Adel Abdessemed.
Certaines œuvres de l'artiste ont déjà rencontré un écho au-delà des cercles d'amateurs d'art. Ce fut le cas notamment de sa série controversée de vidéos montrant l'abattage violent d'animaux. Et, plus récemment, de sa sculpture représentant le fameux coup de tête asséné par Zinedine Zidane à l'Italien Marco Materazzi en finale de la Coupe du monde de football, en 2006 (ci-dessous).



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