vendredi 13 avril 2012

Violences en Corse : "Il y a ce que l'on sait, et le reste" ou l'art de mélanger banalités et erreurs sur la Corse


La police scientifique après une explosion le 10 avril à Ajaccio (AFP/ Pascal Pochard-Casabianca)
La police scientifique après une explosion le 10 avril à Ajaccio (AFP/ Pascal Pochard-Casabianca)

Un attentat à la sous-préfecture
 de Corte, un ex-nationaliste et son beau-frère abattus près d'Aleria (Haute-Corse), un restaurateur tué lors d'une explosion à Ajaccio et un plastiquage, le lendemain, dans un bar de la ville. L'île, où six hommes ont aussi été tués par arme à feu depuis le début de l'année, connaît ces dernières semaines un regain de violences. Comment l'expliquer ? Qui est derrière ?
Tandis qu'une réunion sur le thème de la sécurité, présidée par Nicolas Sarkozy, était prévue vendredi 13 avril à Ajaccio en présence de Claude Guéant et Michel Mercier, "Le Nouvel Observateur" a questionné le chercheur associé au CNRS, spécialiste du grand banditisme et auteur du livre "La French Connexion" (éditions Non Lieu) Thierry Colombié.
Comment analysez-vous les récents événements, pensez-vous qu'ils sont liés entre eux ?
- On l'ignore. Et c'est bien là toute la difficulté de la Corse : on n'arrive jamais à connaître les véritables motivations des uns et des autres. Il est difficile de dissocier le nationalisme du grand banditisme. Depuis le début, il y a plus de 45 ans maintenant, on n'a jamais su quelle était l'identité réelle de ces fractions ni leurs véritables intentions.

Mon commentaire : si c'est pour énoncer l'immensité de son ignorance je ne vois pas très bien l'intérêt de répondre aux questions. Et sans vouloir être blessant Thierry Colombiè fait très fort. Il aurait du avouer ne rien connaître à la Corse. Le nationalisme violent est officiellement né en 1976 malgré quelques attentats préliminaires. Cela fait donc une quarantaine d'années et je mets au défi quiconque de démontrer que le nationalise originel avait un quelconque lien avec le grand banditisme. Au contraire ce dernier a pu perdurer parce que l'état mettait tous ses moyens répressifs sur la clandestinité et a laissé prospérer les voyous du nord de la Corse. Pour le sud c'est un peu plus complexe. Mais enfin comment expliquer la quasi liberté dont a bénéficié Richard Casanova pourtant recherché pour le casse des banques suisses sinon par une non-volonté étatique?
Tout cela n'est donc pas nouveau.
- Rien n'est nouveau. Dans les années 70, le sursaut nationaliste est d'abord une façon de redynamiser la culture et la langue corse. Mais la naissance du mouvement nationaliste et la création du FLNC (Front de libération nationale corse) et de son objectif de lutte l'armée, la politique de la terreur commence à régner. La Corse se divise peu à peu en trois grands ensembles : le mouvement nationaliste, le grand banditisme et ses gangsters, avec à l'époque ses quatre grandes bandes dont l'emblématique Brise de Mer ou Valinco, au sud, mêlant la prostitution et le trafic d'héroïne : la 'French Connexion'. Le troisième groupe, enfin, est constitué des grandes familles institutionnelles de l'île, très impliquées dans la vie publique comme les Giacobbi, les Zuccarelli à Bastia, les Rocca-Serra dans le sud. Leur pouvoir, très important, se transmet de génération en génération.

Mon commentaire : de la bouillie pour les chats. La French connection a été démantelée en 1970 c'est-à-dire six ans avant la création du FLNC. Quant à Jean Jé à qui on attribue abusivement une participation à la French Connection (il a été arrêté et s'est évadé en 1975) il n'est revenu en Corse qu'en 1985. La bande du Valincu comme son nom l'indique était circoncrite au Valincu. Tous ces groupes (comme ils sont appelés) ne sont pas d'égale importance. Le système partidaire (les clans) structure la société corse depuis des millénaires. Le nationalisme est une réaction à l'immobilisme voulu par le clanisme. Colombié oublie dans sa description l'"anomalie" ajacienne qui donne le là à un tiers de la population insulaire dont 45% est désormais urbaine au détriment de l'intérieur de l'île ce qui change tout de même les donnée politiques et psychologiques. Par ailleurs, la population corse change avec l'apport de plus en plus fort d'arrivants continentaux. On estime aujourd'hui que 40% à peine des habitants de l'île sont issus de familles de souche. Ça n'a aucune importance en soi (au contraire ça renouvelle l'air insulaire) mais ça change évidemment l'approche des problèmes. Quant à la voyoucratie elle a toujours existé et existera toujours. Seule différence notable avec le passé : la crise économique a fixé de jeunes voyous corses dans l'île où l'argent, société des loisirs oblige, à commencer à affluer. D'où le développement d'un grand banditisme indigène local. Quant à la prostitution je n'ai jamais entendu dire qu'elle avait été en Corse une source de revenus notoire.
Comment ces trois différents "groupes" évoluent-ils ensuite ?
- Au fil des ans, ils se confondent, et le jeu se brouille. Des scissions et des conflits se développent à l'intérieur de chacun, et entre les trois. On ne sait plus qui est qui, qui fait quoi. Ce qui est toujours le cas. Mais chacun a la même mission : trouver un territoire et être toujours en avance par rapport aux plans de l'Etat.

Mon commentaire : voilà une réponse incompréhensible. "Au fil des ans le jeu se brouille" ce qui tendrait à signifier qu'au début il aurait été clair. Et très franchement pour ajouter "On ne sait plus qui est qui, qui fait quoi" il valait mieux rester couché. Qu'est ce que signifie "être toujours en avance par rapport aux plans de l'Etat"?
C'est-à-dire ?
- En ce moment, par exemple, les conflits s'articulent surtout autour du Padduc (Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse), qui vise à reconstituer le littoral en l'aménageant, d'un point de vue touristique notamment. Ce projet représente plusieurs dizaines de milliards d'euros, sans compter les fonds européens. Chacun prépare donc le terrain en tentant d'anticiper les profits possibles, dans le but d'en engranger un maximum. L'accès aux terrains est central et des pressions sont exercées sur les propriétaires. Elles peuvent se transformer en menaces, puis, peut-être, en règlements de compte comme ceux survenus récemment. Ça va continuer. D'autant plus qu'on ne perçoit que ce qui est visible, soit peu de choses par rapport à ce qu'il se passe en réalité. Il y a ce que l'on sait, et le reste.

Mon commentaire : Je ne suis plus du tout certain que l'honorable Colombié sache exactement de quoi il parle. Il confond visiblement un plan d'aménagement et un plan d'investissement (tel que le PEI). Le PADDUC est une décision politique qui ne bénéficiera d'aucune subvention pas plus française qu'européenne. C'est une directive politique destinée à aménager le territoire corse. La réponse de Colombié est aussi inepte que de prétendre qu'en votant la loi montagne les députés français vont s'arroger des milliards d'euros ou de confondre l'ancienne DATAR avec une usine à capter les fonds publics. Il y a visiblement une sacrée confusion. Les règlements de compte actuels n'ont rien à voir avec un PADDUC qui n'est pas encore élaboré mais peut-être avec la construction d'ensemble qui ont obtenu des permis de construire légaux. Faut-il rappeler à M. Colombié qu'un permis de construire pour être valable doit avoir l'aval de la préfecture qui dépend du ministère de l'intérieur.


Quel est, selon vous, le cœur du problème ?
- La fontaine, c'est les fonds publics, et leur détournement est indéniablement au cœur du problème. Depuis 40 ans, voire depuis la Seconde Guerre Mondiale, tout le système repose dessus, c'est quasiment devenu un sport de combat. Un véritable racket s'organise. Les principaux détournements se font à partir de projets qui n'existeront jamais, ou à travers diverses sociétés de sécurité ou de travaux publics qui vont rafler les appels d'offres et surfacturer les travaux. La marge entre la facturation et la surfacturation va dans les poches des différentes personnes liées au nationalisme et au grand banditisme. Plus quelques individus de l'appareil de l'Etat, ce qui fait que ces associations de malfaiteurs dépassent le cadre du 'simple' grand banditisme. Rien ne peut se faire sans l'appui des personnes détenant le pouvoir dans les Conseils généraux, régionaux, les collectivités territoriales,...

Mon commentaire : Colombié tente à tout prix de faire rentrer sa vision de la Corse dans le schéma classique mafieux. Or la plupart des règlements de compte en Corse n'ont pas eu lieu pour des raisons réellement économiques mais pour des raisons d'apparence souvent des disputes qui peuvent paraître ridicules en regard de leurs conséquences. Cette réalité a été vraie durant tous les siècles. À tel point que les Génois condamnaient un rumbiccu, attitude qui consiste à sans cesse se moquer d'un homme qui ne s'est pas conduit honorablement, comme ils condamnaient un assassin. Car les conséquences étaient le même. En Corse, l'image qu'on imagine que les autres se font de soi est déterminante. Plus que l'argent.
Quels autres éléments permettraient de comprendre les récents événements ?
- Quand survient une série d'événements en Corse, il faut toujours regarder l'agenda du moment. L'élection présidentielle est bien sûr importante, mais elle se joue en coulisses. Contrairement aux prochaines législatives, qui suscitent de véritables bras de fer entre fractions pour mettre des noms sur des listes. Des décisions sont prises, ceux qui ne sont pas d'accord peuvent être éliminés. La récente grève de la faim d'Orsoni est aussi une façon de sensibiliser l'opinion publique à l'incarcération du fils de Guy Orsoni, Alain, président du club de foot d'Ajaccio qui s'est exilé en Amérique du sud. Il y a aussi le procès de membres du FLNC (pour des attentats commis entre 2004 et 2006 au nom du FLNC dit du "22-octobre" ndlr). Rien n'est certain, mais il n'est pas impossible, au-delà du Padduc, que ces événements puissent être liés au récent regain de violences.

Mon commentaire : j'ose croire que le journal a coupé une partie des réponses qui deviennent elles aussi incompréhensibles et proches du maquis corse. Je ne comprends pas ce que vient faire la grève de la faim que nous avons menée avec Guy et Alain Orsoni sinon de tout vouloir mettre en vrac devant le lecteur en espérant qu'il saura reconnaître quelque chose dans ce foutoir. L'élection présidentielle intéresse les Corses comme elle intéresse tous les Français ni plus ni moins. Nos principaux soucis sont causés par l'avancée de la pauvreté, le pouvoir d'achat en berne et le développement d'une violence qui ressemble de plus en plus à celle des cités de banlieues et de moins en moins à celle du grand banditisme structuré qui, qu'on le veuille ou non, est peu anxyogène pour le citoyen lambda.

Comment expliquer que les mêmes problèmes persistent depuis si longtemps ?
- La Corse est un vrai laboratoire d'un point de vue sociologique, mais personne ne le fait et nous n'avons pas d'observation empirique. La France compte très peu de chercheurs sur le grand banditisme et le nationalisme. Pourquoi, depuis toutes ces années, le gouvernement français n'a-t-il jamais réussi à régler le problème lié à l'activité illégale ? C'est sidérant. Des confrères espagnols ou allemands, par exemple, ne comprennent pas du tout. La France est le seul pays d'Europe à observer une succession d'assassinats, certains politiques, de plastiquages, de menaces et d'intimidations, dont beaucoup sont invisibles. Il y a ce que l'on sait, et le reste, notamment les nombreuses intimidations sur fond de racket, comme celles exercées sur les commerces comme les hôtels, bars, brasseries qui n'appartiennent pas aux fractions nationalistes ou aux groupes criminels.

Mon commentaire : là je pense que Colombié a raison (ouf). La Corse est le centre coccygien de la France c'est-à-dire le centre énergétique animal de la France, l'expression de son cerveau reptilien. Or  ce cerveau est à l'œuvre dans les secteurs les plus pauvres pour répondre à la crise. C'est celui qui prévaut dans les affaires de violence. Tu veux me tuer. Je te tue d'abord. Il est exact qu'il faudrait étudier la société corse mais pas à la lumière d'autres modèles mais comme un modèle à part en tenant compte de son insularité, de son relief, de sa démographie mais aussi de ses illusions, de ses rêves perdus notamment à partir de la décolonisation etc.

Dans un entretien au "Journal de la Corse", Nicolas Sarkozy rappelle les récentes avancées en agriculture, santé et éducation, et en annonce d'autres "très pragmatiques".
- Nicolas Sarkozy et Claude Guéant sont juges et parties. Ils ont un rapport ambigu avec la Corse du fait de leur formation politique et de leur appartenance à des clans corses, du continent (Hauts-de-Seine, Achille Peretti et Charles Pasqua) ou insulaires. Nicolas Sarkozy va sans doute proposer des budgets. On est dans la surenchère permanente pour avoir accès aux fonds publics dans des proportions toujours plus importantes. Des fonds ensuite détournés en partie : pour aller où ? Il y a toujours un marchandage en cours. Quand on met une bombe ou qu'on incendie une voiture devant un symbole de l'Etat (comme dans la nuit du 31 mars à la sous-préfecture de Corte ndlr), c'est un mode de pression. Le bras de fer est permanent.

Mon commentaire : rien n'est plus énervant que cette débauche de concepts précis. Un clan est en fait un parti à la romaine (la Rome antique). Le mot écossais a été dérobé par le journaliste Paul Bourde du Temps à Walter Scott (Ivanhoé). Désormais aucun commentateur de la chose corse ne peut plus exprimer la moindre idée sans prononcer le terme de clan. De la rigueur sémantique, nom d'un petit bonhomme. Mafia et clan pollue tous les discours sur la Méditerranée. Et puis un peu de sérieux, l'attentat de Corte n'est aucunement partie prenante d'un marchandage avec l'état. C'est le fruit du procès Pasqualaggi et surtout celui d'un séisme à l'intérieur même du FLNC avec un repositionement des fractions internes tout comme l'a été la revendication de l'assassinat de Leoni.

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