Mgr Olivier de Germay est ordonné samedi 14 avril à Ajaccio, à la tête d’un diocèse dont la situation a été assainie par l’ancien évêque, Mgr Jean-Luc Brunin. (article de La Croix)
Inquiets face à la raréfaction et au vieillissement des prêtres, les catholiques de l’île espèrent un nouvel élan pour mobiliser les énergies.
Ce n’est pas dans la cathédrale Santa Maria Assunta, où fut baptisé Napoléon 1er en 1771, que sera célébrée samedi 14 avril l’ordination de Mgr Olivier de Germay, 51 ans. Mais sous un vaste chapiteau de 2 500 places, dressé place Miot, face à la Méditerranée. Car nul doute que les Corses viendront nombreux…
« Ici, on est attaché à l’Église catholique, à l’identité qu’elle représente », résume François Pernin, chef du service urologie à l’hôpital de la Miséricorde d’Ajaccio et ancien secrétaire général du conseil diocésain de pastorale, en rappelant que l’hymne de la Corse, Dio vi salvi, Regina (« Que Dieu vous garde, Reine ») est entonné après chaque concert.
Pourtant cet attachement s’est vu éprouvé par plusieurs « affaires », à commencer par celle du P. Antoine Videau. Cet ancien économe de l’association diocésaine d’Ajaccio qui, comme l’a révélé l’audit demandé par Mgr Jean-Luc Brunin dès son arrivée à Ajaccio en mai 2004, avait détourné 2 millions d’euros, a été condamné, en juin 2010, à trois ans de prison – dont un avec sursis.
FERMETÉ DE L’ANCIEN ÉVÊQUE MGR BRUNIN
« Cet audit s’imposait depuis longtemps mais la décision a provoqué des incompréhensions et révélé certaines difficultés que les Corses ont avec la loi et l’autorité », estime le P. Gaston Piétri, chargé de la revue Église de Corse et fin connaisseur de l’île de Beauté.
Mgr Brunin a fait preuve de la même fermeté en mars 2008, en relevant de sa charge un prêtre libanais qui refusait toute mutation depuis plusieurs années. Des centaines de personnes ont alors exprimé leur mécontentement sur le cours Napoléon, principale avenue d’Ajaccio, reprochant à cet « évêque du Nord de ne pas aimer les Corses »…
Une semblable scène s’est reproduite en novembre 2009 dans les rues de Corte, pour s’opposer à la révocation du curé de la ville, Roger-Dominique Polge, à qui Mgr Brunin reprochait de « s’être enfermé dans une attitude de séparation ecclésiale et d’hostilité croissante à l’égard de l’évêque ».
DES BASES « ASSSAINIES »
En janvier dernier, quatre mois après le départ de Mgr Brunin pour Le Havre, la Signature apostolique (tribunal suprême de l’Église) a réintégré le P. Polge dans son ancienne paroisse.
Une décision romaine fondée sur un vice de forme mais perçue ici comme un désaveu de Mgr Brunin. « Nous aurons vite fait de comprendre où se situe le nouvel évêque selon qu’il reprendra ou non le problème sur le fond », estime le Dr Pernin qui a cosigné, avec le P. Olive Tagliazucchi, curé de Saint-Jean-Baptiste à Bastia, un « manifeste des chrétiens engagés au service de l’Église qui est en Corse » contre le retour du P. Polge à Corte.
Ces « affaires » – ainsi qu’une autre concernant une école privée d’Ajaccio qui s’est vue retirer un temps son label catholique – ont divisé les catholiques corses, même si la plupart reconnaissent le « courage » de Mgr Brunin et se réjouissent de pouvoir « repartir sur des bases assainies ».
RELIGIOSITÉ POPULAIRE
De fait, après le synode voulu en 1997-2000 par Mgr André Lacrampe, Mgr Brunin a initié dès 2005 une démarche de « déploiement de la vie ecclésiale ». En 2007, une « Année diocésaine de la charité » était lancée et en 2008 le Conseil pastoral diocésain était mis en place. Enfin en mai 2010, « Ecclesia in Corsica/Horizon 2020 » rassemblait plus d’un millier de fidèles afin d’imaginer l’avenir de l’Église dans une société sécularisée mais toujours imprégnée d’une profonde religiosité populaire.
Pourtant les Corses ne peuvent se cacher la réalité d’un diocèse qui ne compte plus que 29 prêtres incardinés en activité et qui, après avoir eu trois ordinations en 2009 et une en 2010, n’a que deux séminaristes en formation.
Certes, une vingtaine de prêtres polonais et africains, ainsi que des franciscains mexicains et des frères de Saint-Jean, ont été appelés, mais ils s’épuisent à desservir entre 25 et 30 villages chacun.
DES ÉQUIPES D’ANIMATIONS INTERPAROISSIALES
« Les distances chez nous se calculent en heures. Du coup, certaines zones de montagne n’ont plus aucune présence pastorale, même ponctuelle », se désole le P. Jean-Toussaint Micaletti, qui est tout à la fois curé de la cathédrale d’Ajaccio, modérateur des paroisses Saint-Antoine et Saint-Jean d’Ajaccio, délégué épiscopal de la région pastorale d’Ajaccio et responsable diocésain pour le catéchuménat.
Le diocèse a mis en place des secteurs interparoissiaux avec des Équipes d’animation interparoissiales (EAIP). Toutefois les Corses restant attachés à leurs villages, ces EAIP ont vite montré leurs limites. Et puis, « ce n’est pas en regroupant des mourants qu’on crée une dynamique », lance sans détour le P. Joseph Fini, chancelier de l’évêché et chargé de la formation diocésaine.
Et de regretter que, dans le cadre de l’école de formation aux charges ecclésiales suivie par 120 laïcs depuis 2005, l’école de la mission initiée en 2010 n’ait pas eu lieu cette année, « faute de candidats ».
RENFORCER LA PASTORALE, NOTAMMENT L’ÉTÉ
Bref, prêtres et laïcs corses attendent Mgr de Germay pour écrire avec lui une nouvelle page de leur histoire. Et renforcer la pastorale pour les touristes (l’île voit sa population de 300 000 habitants doubler en été), les familles, les jeunes, ainsi que pour les préparations au baptême et au mariage…
« Il y a un grand retard sur le plan pastoral », affirme le prêtre togolais Chrétien Kpodzro, Fidei donum en Corse depuis cinq ans et responsable du secteur interparoissial de Borgo (Haute-Corse). « La pastorale des funérailles mobilise toutes les énergies, poursuit-il. Ici, ce sont les morts qui amènent les gens à l’église ! »
Mon commentaire : Mon
commentaire : ayant
participé à la grande aventure que fut la traduction de la Bible en langue
corse, j'éprouve une réelle sympathie pour la foi, un peu moins pour les
religions qui, à mon avis, se résument bien souvent à un apparat figé et plus
réellement en contact avec le Grand tout. Mais je dois avouer que l'Église
représentée par Monseigneur Brunin (le précédent évêque) ou le père Gaston
Pietri me réchauffe le cœur. Dans ce monde où la violence menace sans arrêt
d'exploser l'Église peut être une force de paix. Je dis bien peut-être car dans
l'histoire de la Corse les prêtres ont souvent été tout à la fois les vecteurs
d'une culture vivante et ceux d'une violence indigne. Lorsque j'étais jeune,
mes grands-parents me racontaient qu'avant la séparation de l'Église et de l'État
(1905) il était courant que chaque famille ait un fils militaire, un autre
instituteur et un autre prêtre. Les hommes d'Église étaient en effet appointés
comme fonctionnaires.
Les églises se
sont vidées. Je n'oublie pas les messes de ma jeunesse quand dans le village de
Chera les bancs étaient remplis, quand u Barbutu di Chera, Zi Ghjuvan Andria
Culioli chantait les Psaumes. Aujourd'hui la messe est dite une fois par mois
et l'église est vide. Ce n'est pas propre à la Corse mais cela met en exergue
la contradiction qui veut que certains nationalistes mettent l'accent sur le
caractère chrétien de la culture corse (pour mieux stigmatiser les Corses de
religion musulmane).
En novembre dernier, un syndicat étudiant nationaliste,
Ghjuventù Paulina, avait tenté de faire interdire une photo d'un étudiant
représentant un pénis sur un chapelet. Choqués que l'on puisse associer le sexe à la religion,
invoquant ce que cette dernière représente dans l'île, les représentants syndicaux
se sont retrouvés dans le local pédagogique appelé à devenir un lieu
d'exposition le temps d'une journée. Sur place, le désordre règne déjà, les
murs sont déjà tagués, les inscriptions dénonciatrices sautent aux yeux. Le nom
de l'étudiant plasticien s'étale sur un mur au côté du mot « perversità ». Auparavant,
la Ghjuventù Paolina avait pris soin d'alerter le curé de Corte, pour
l'informer et l'associer à la démarche de protestation. Retenu par sa mission,
l'abbé Valery n'a pu se déplacer, mais quelques dames impliquées dans les
activités de l'Église au plan local sont descendues sur le
campus. Auparavant, la Ghjuventù Paolina avait pris soin d'alerter le curé
de Corte, pour l'informer et l'associer à la démarche de protestation. Retenu
par sa mission, l'abbé Valery n'a pu se déplacer, mais quelques dames
impliquées dans les activités de l'Église au plan local sont descendues sur le
campus. Insistant tout particulièrement sur les valeurs de la Corse
indissociables du fait religieux, les étudiants syndicalistes avaient réaffirmé
leur refus de les voir insultées. Le 15 mars dernier, l'étudiant exposant était
physiquement agressé provoquant une protestation quasi générale dans l'île.
La présidence était informée, tout comme le doyen de la
faculté de lettres qui s'est adressé à ses collègues. « On leur a
violemment reproché une exposition qui, en son temps, avait déclenché une
polémique véhémente, a alors Pascal Ottavi. Si le débat, même
vigoureux, constitue l'indispensable ferment de la vie universitaire,
l'atteinte à l'intégrité physique des personnes, qui plus est dans des
conditions plus que contestables, ne peut constituer pour la communauté
universitaire, une pratique acceptable ou une valeur partagée ».
Le doyen a conclu son propos en appelant la communauté universitaire à soutenir
les deux étudiants à l'amphi Ribellu (l'amphi Rebelle) de la faculté de
lettres. La LDH de Corse a de son côté fermement condamné cette agression
parfaitement insupportable. On peut en effet juger de mauvais goût l'affiche
créée par Anthony Limelette mais accepter sa liberté de création. Cette
affaire a simplement révélé l'existence d'un courant que sur le continent on
qualifierait d'extrême-droite qui mélange l'idée de nation, de culture et de
religion.
Le nouvel évêque va devoir s'attaquer à bien des problèmes dans cette église gangrénée par les maux dont est malade la société corse : l'argent, la violence et la crise des vocations.
Souhaitons qu'il ait le feu sacré.
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