mardi 10 avril 2012

Un éditorial de Roger Antech rédacteur en chef de Corse Matin


Du mauvais usage de la tribune en politique

Publié le lundi 09 avril 2012 à 07h10  
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Il est 7 h 30 du matin, la carcasse du véhicule qui a servi à l'attentat est remorquée. L'incendie dans l'enceinte de la sous-préfecture cachait une charge explosive heureusement neutralisée par les démineurs.José Martinetti

La dénonciation du fonctionnement, des pratiques d'une juridiction justifie-t-elle l'emploi de tous les moyens, même les plus désespérés ? Et la grève de la faim, cette mise en danger volontaire, délibérée de soi serait-elle alors de tous les moyens le plus approprié ? La réponse est tombée comme le couperet, doublement tombée en ce commencement de semaine sainte : ces chemins de croix - l'image, on le sait va choquer - ne servent à rien. Lisandru Plasenzotti ne doit pas ainsi sa liberté (sous contrôle) recouvrée, aux 45 jours de jeûne qu'il s'est imposés.

Guy Orsoni ne doit pas d'être resté en prison aux 52 jours de privations qu'il s'est infligés, et moins encore à l'action de quatre de ses proches qui, enchaînés à son sort, l'ont accompagné dans cette grève de la faim depuis la maison familiale de Vero. Derrière le rapprochement des deux affaires, jonction des deux dossiers dirait un juge d'instruction, perce en effet l'interprétation par l'opinion de ces démarches. Nous voudrions en faire une manifestation collective du combat contre les méthodes de la Jirs de Marseille que nous n'y parviendrions pas.

Ces grèves de la faim sont avant tout perçues comme un moyen personnel, le moyen d'une défense personnelle qui n'est d'ailleurs pas toujours celui que prônent les avocats du même nom, mais celui de l'individu lui-même dont le sort judiciaire est en jeu. Il ne saurait y avoir de solidarité des jeûnes, de solidarités dans la grève de la faim. Elle n'est jamais apparue au cours de ces derniers mois. Jamais, donc, Guy Orsoni, ou son père Alain qui en a fait ressurgir le spectre, n'est parvenu à se glisser dans la peau décharnée de l'Irlandais Bobby Sands.

Jamais, Claude Choquet, le magistrat de la Jirs en charge de l'instruction, n'a troqué sa robe noire pour la robe d'airain du Premier ministre (anglais, of course) Margaret Thatcher. De fer, cette lutte n'avait que les bras des hommes engagés. De politique, la lutte n'a jamais trouvé le ressort, malgré l'intrusion dans ce dossier de la ligue des droits de l'Homme, d'un collectif pour une justice équitable. Rien, pas même la proximité de la campagne des présidentielles, ce moment médiatique très opportunément choisi pour la contestation, ne lui a donné la tribune et l'écho politique recherchés.

Les candidats sont passés sans rien dire, sinon servir les discours d'usage contre la justice d'exception. Aucun ne promettant la mise sur le billot de la Jirs. Il ne fallait rien attendre d'Eva Joly, l'ancien juge, sur le sujet. Il ne faudra rien attendre sur la question de la visite de Nicolas Sarkozy, vendredi prochain. Et puisqu'il s'agit de choisir le moment pour agir, l'interview de Claude Choquet accordée àCorse-Matin,n'avait probablement rien d'innocente. Nous le percevions, avant même de la publier. En rappelant que les grèves de la faim ne « changeaient rien aux éléments du dossier », Claude Choquet disait déjà sa sentence.

En libérant Lisandru Plasenzotti, en retenant encore Guy Orsoni, il a affirmé de quel côté de la balance se plaçait la décision, et pour qui penchait le rapport de forces. Si justice d'exception il y a, elle n'est pas, pour ces dossiers comme dans tellement d'autres, dans la détention provisoire. Par la durée, par l'emploi qui en est fait, la détention provisoire n'est plus l'exception. Elle est désormais la règle.


Intrusion et confusion

Combien nous est apparue inappropriée encore, archaïque et pour tout dire artisanale, l'intrusion - c'en était une, cette fois - de ce commando qui a jeté, l'autre nuit, une voiture contre les grilles de la sous-préfecture de Corte. S'agissait-il de replacer la lutte de libération nationale dans la campagne des présidentielles ? La mèche a fait long feu. Ni le braquage de jeunes Cortenais sur une route, ni le coup du véhicule bélier contre un symbole de l'État, ni le face-à-face armé du commando avec les gendarmes, ni même ce masque - ce nid d'ADN- qui inopinément tombe sur la scène du forfait n'a eu une détonation autre qu'insulaire. Il faudra s'y faire.

 Nous vivons désormais en espace confiné, tout le bruit, tous les dégâts sont pour nous et pour l'image de l'île. Il y a d'autres moyens de se faire entendre. D'une même voix peut-être, mais pas dans une même langue. Cette chaîne humaine entre préfecture et assemblée de Corse pour la défense du statut des langues régionales, minoritaires, minorées, humiliées même - qu'importe l'épithète - ne manquait pas de sens et de résonance. Sans doute, parce que le combat collectif se répétait ailleurs au Pays Basque, en Catalogne, en Bretagne dans une belle communion nationale et européenne même, d'un Parlemu Altrimentu. Et agir autrement, est-ce encore possible ?

Des enseignants corses du secondaire ont ainsi choisi de faire la grève des appréciations sur les bulletins du deuxième trimestre, en signe de soutien à Jean-François Derderian, professeur de mathématiques au lycée Pascal-Paoli de Corte, et que les juges - ceux de l'appel auront à s'exprimer - ont recalé dans une affaire de fraude au bac. Des notes, des moyennes portées au bulletin certes mais sans commentaire comme pour dire à la justice qu'elle a encore ses preuves à faire à la mise en examen, qu'elle peut toujours mieux faire.


Logement et mal-logés

Faut-il y voir les effets de la visite dans l'île de Benoist Apparu, ministre du logement - dont l'unique, obsessionnel souci est aujourd'hui la reconduction du bail du locataire de l'Elysée ? Mais la Corse a connu cette semaine de sévères problèmes de propriété, d'indivisibles propriétés, d'inextricables divisions sur la question de la propriété pour faire simple. Propriétés politique, électorale d'abord... intellectuelle ne convenant pas toujours...

Qui de Sauveur, Camille, Paul ou Simon a fait le plus - en vrac - pour le rapprochement familial des détenus, la prorogation du crédit d'impôt pour les entreprises, l'obtention de l'AOC charcutière ou, encore, l'inscription de la Corse libérée dans les manuels d'Histoire ? Pour tout dire, on se fiche un peu de rendre à Sauveur ce qui serait à Paul, ou à Camille ce qui serait à Simon. Il est sujets plus aiguës à traiter pour la société corse. Comme dans le cochon, dans le bilan du député sortant tout est forcément bon. Les électeurs qui ne sont pas des ânes -foi de saucisson, jugeront par eux-mêmes. Donner signature, son parrainage à Le Pen, Dupont-Aignan, Poutou, Arthaud, voire Cheminade, signifie-t-il nécessairement d'apporter un soutien indéfectible à ces candidats à la présidence, comme aux autres d'ailleurs dans les urnes ? Il faudrait avoir une vision détournée, frelatée de la propriété des voix par un seul homme dans sa commune, pour se livrer à ce calcul d'un autre âge...

Dans une île où l'émancipation des électeurs n'est pas toujours pleinement accomplie, on préfère croire que les élus ont œuvré pour l'expression démocratique la plus diverse des idées et des courants de pensée à la présidentielle. Entre le bailleur qui se voudrait propriétaire, fusse de manière emphytéotique, et le propriétaire qui ne veut rien céder sur la possession de son bien public, c'est enfin une histoire fâcheuse, énième histoire fâcheuse qui ternit en ce printemps, la montée vers l'Olympe du football du Sporting Club de Bastia. Le club veut l'entière jouissance de Furiani pour se développer. La communauté d'agglomération bastiaise ne souhaite pas cette concession, mettant en avant l'argent public qui a longtemps été mal dépensé dans la reconstruction du stade.

Le Sporting quitte donc Furiani avec fracas, surjouant même les mal-logés, les délogés et les SDF. Pour un peu, on convoquerait les mannes de l'abbé Pierre.

Le loueur a, cette fois encore, le mauvais rôle. Et le tout tourne au dialogue de sourds, à la foire d'empoigne, reléguant avant même sa glorieuse ascension, le Sporting et Furiani dans les basses fosses de la tribune politique, aux divisions, aux mauvaises recettes pour sortir d'un conflit sinon d'une saison par le haut.

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