lundi 9 avril 2012

Un article de Corse Matin


Double assassinat de Pietrosu : les braises couvaient sous la cendre


Publié le mardi 10 avril 2012 à 07h00  - 
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Le 16 novembre dernier, quelques heures avant la reddition de son fils, Jo Sisti s'était exprimé au milieu d'un collectif de soutien à Bastia. Ce jour-là, il avait expliqué le comportement de Carlu Andria Sisti, face à l'intervention du GIGN, par « le climat de violence multiforme en Plaine orientale ».Gérard Baldocchi


Ni le dimanche de Pâques, ni la foi en la résurrection n’ont fait reculer la folie meurtrière. Et les tueurs ne se sont pas contentés d’une seule cible. En Plaine orientale, la violence ressurgit, l’escalade glace le sang

Hier matin, très tôt, les enquêteurs de la gendarmerie sont remontés jusqu'à Quinzena, ce petit hameau de Pietrosu où s'étend l'exploitation agricole qui, vingt-quatre heures auparavant, aura été le théâtre d'une embuscade mortelle. La scène de crime a été repassée au peigne fin, mais le constat habituel s'impose pour l'heure. Les investigations sont compliquées. Les tueurs - le mode opératoire semble révéler la présence d'au moins deux individus - ont agi de sang-froid, ne reculant devant rien pour accomplir leur sinistre besogne. Jo Sisti et Jean-Louis Chiodi sont les deux nouvelles victimes d'une folie meurtrière qui saigne la Plaine orientale depuis la fin de l'année 2010.

Jo Sisti avait évoqué « la violence multiforme de la Plaine »

Deux morts de plus, tombés sous les balles d'un même guet-apens, l'escalade est significative, rappelant par là même que les périodes d'accalmie ont toujours une fin. Qu'en Plaine orientale, le dépôt des armes n'est pas pour demain. L'horrible découverte d'une épouse et d'une sœur a plongé de la manière la plus brutale qui soit deux familles dans le deuil. Une épreuve rendue d'autant plus insupportable face aux éternelles questions qui demeurent sans réponse. Pourquoi Jo Sisti et Jean-Louis Chiodi comptent-ils aujourd'hui parmi les victimes de cette impitoyable série d'homicides ? Les tueurs, dans la minutieuse préparation de leur méfait, avaient-ils prémédité l'assassinat des deux hommes ? Ou l'une des deux victimes n'a-t-elle été que la cible collatérale, le témoin que l'on ne pouvait se permettre d'épargner ?

Dans le bassin de vie de Ghisonaccia et Prunelli-di-Fiumorbu, Jo Sisti et son beau-frère étaient vus comme deux inséparables. Ils montaient souvent ensemble jusqu'à l'exploitation pour nourrir les bêtes. Se sentaient-ils menacés ? Aucune arme n'a en tout cas été retrouvée sur le site agricole isolé entre la Plaine et son arrière-pays. Commerçant à Ghisonaccia, Jean-Louis Chiodi n'était pas un homme public.

Sa vie et son activité professionnelle ne laissaient pas augurer un tel destin. Jo Sisti, lui, était connu pour son activité politique au long cours dans le camp nationaliste.

Or, le recul qu'il avait pris avec son engagement militant avait conforté l'image du personnage discret qu'il véhiculait, y compris à l'époque où il siégeait à l'assemblée de Corse.
Un épisode l'avait pourtant fait ressurgir sur la scène publique, le 16 novembre dernier, quelques heures avant la reddition de son fils en fuite après une confrontation tendue, à Ghisonaccia, avec les hommes du GIGN. Largement entouré lors d'une conférence de presse, l'ancien secrétaire général de l'ANC avait répondu à ceux qui reprochaient à Carlu Andria Sisti d'avoir ouvert le feu sur le groupe d'intervention de la gendarmerie. Insistant sur l'utilisation de moyens banalisés pour procéder à l'interpellation, Jo Sisti avait fait le rapprochement avec le contexte. « La Plaine orientale connaît actuellement un climat de violence multiforme qui touche des honnêtes gens. Dans ce contexte, il a cru qu'on en voulait à sa vie. Il a pensé que ces hommes armés et cagoulés étaient venus pour l'abattre. »
En prononçant ces mots, Jo Sisti avait-il pris la mesure d'une réelle menace sur son fils ? Celle-ci pouvait-elle le concerner directement ? Nul doute que l'enquête va s'intéresser à cette question au cœur d'une microrégion où la violence, pas forcément très lisible, a encore frappé à l'heure où la Corse se voulait plongée dans le recueillement.
 

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