dimanche 15 avril 2012

Une justice aux ordres


L'USM, le principal syndicat de magistrats français a publié le jeudi 12 avril un bilan sévère de l'action de Nicolas Sarkozy intitulé "les heures sombres", où il estime que le pouvoir a tenté de placer sous ses ordres la magistrature tout en multipliant les lois inutiles.

L'Union syndicale des magistrats (USM) entend diffuser sur les réseaux sociaux son bilan en sept points, évoquant des pressions sur la magistrature, des lois visant à ses yeux à restreindre le pouvoir d'appréciation des juges, des réformes pénales selon elle "mal ficelées" et sans cesse modifiées. Elle critique aussi la réforme de la carte judiciaire et juge que les ressources humaines ont été gérées de manière "désastreuse".
L'USM a d'ailleurs diffusé jeudi le premier chapitre, intitulé "Une magistrature sous pression" (voir en PDF),  aux magistrats, à la presse et sur les réseaux sociaux. Les autres chapitres seront envoyés à raison d'un par jour, jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle, a précisé le syndicat.

"PARQUET INSTRUMENTALISÉ"
Ce premier chapitre est découpé en trois sous-parties. La première décrit comment, selon l'USM, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), instance de nomination et disciplinaire des magistrats, a été "repris en main".
La deuxième est intitulée Un parquet caporalisé. "Les gouvernements de la Verépublique, de gauche et de droite confondus, n'ont pas failli à la tradition jacobine et ont souvent succombé à la tentation d'utiliser le parquet comme un outil au service de leurs intérêts politiques", écrit l'USM. Mais, ajoute-t-elle, "jamais comme depuis l'avènement de Nicolas Sarkozy en mai 2007 le parquet n'avait été instrumentalisé de manière aussi éhontée par le pouvoir en place".
La dernière partie demande que soit revu "le processus disciplinaire""pour éviter que ne se reproduisent certaines des évolutions de ces dernières années qui, à bien des égards, semblent avoir le même objectif : mettre sous pression les magistrats pour les inciter à demeurer prudents dans les investigations qu'ils mènent ou dans les propos qu'ils tiennent".
"VERROUILLAGE"
Seuls les titres et sous-titres des chapitres suivants ont pour l'instant été rendus publics, en attendant une version papier intégrale prochainement publiée. Ils sont révélateurs de l'appréciation portée par l'USM sur la législature : "justice aveuglée... défiance assumée... réforme incompréhensible... lois pénales mal ficelées... lois civiles sans cohérence... opportunité gâchée... gestion des ressources humaines désastreuse..."
Concernant le cas du procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine), Philippe Courroye, accusé d'avoir tenté de mettre sous l'éteignoir l'enquête visant l'héritière de L'Oréal Liliane Bettancourt, l'USM y voit l'expression de "méthodes éprouvées de verrouillage de l'action publique dans les dossiers sensibles". "Elles ont été pour la première fois doublées d'une action délibérée et parfaitement organisée de mise au pas de l'ensemble du corps des 'parquetiers'", écrit le syndicat.
Ce dernier estime que les poursuites disciplinaires ont été instrumentalisées par le pouvoir pour s'en prendre à des juges considérés comme gênants pour le pouvoir.
Selon Christophe Régnard, président de ce syndicat qui s'est heurté très fréquemment à Nicolas Sarkozy et son gouvernement, il ne s'agit pas de donner de consigne de vote mais "de dire que le bilan est mauvais et que l'action pour redresser  la situation sera très importante".
Au tour du Syndicat de la Magistrature


C'est maintenant du Syndicat de la magistrature (SM, gauche) d'accuser dimanche 15 avril le ministère de l'intérieur d'avoir diffusé des informations "factuelles" sur l'affaire des quatre meurtres de l'Essonne, "en violation du secret de l'instruction et au risque de mettre l'enquête en péril".

Deux hommes ont été interpellés samedi dans le cadre de cette enquête, l'un d'eux étant considéré par le ministère de l'intérieur comme "un suspect très sérieux". Leur garde à vue a été prolongée dimanche. Mais le président du SM, Matthieu Bonduelle, regrette qu'"une partie de la presse a été avertie de (la première) interpellation avant même les deux juges d'instruction" d'Evry chargés du dossier. De même, des journalistes ont été informés "par la place Beauvau du nom des personnes interpellées et de certains actes d'investigation en cours et à venir", a-t-il ajouté.

"J'ACCUSE LA PLACE BEAUVAU"

"J'accuse la place Beauvau qui, parce qu'elle veut tirer  prématurément les bénéfices, à quelques jours d'une élection, d'une enquête qui porte sur des faits très graves et angoissants pour la population, un, de violer le secret de l'instruction, deux, de mettre en péril les investigations", a poursuivi le magistrat.
"C'est extrêmement grave", a commenté le président du SM, a qui cette manière de faire rappelle notamment la récente affaire Merah à Toulouse lorsque, selon lui, le ministre de l'intérieur "Claude Guéant était manifestement le directeur des opérations judiciaires".
Et dans l'affaire du groupuscule salafiste Forsane Alizza, dont treize membres présumés ont été mis en examen début avril, "le chef de l'Etat avait annoncé en personne le résultat des perquisitions, alors qu'on était dans une information judiciaire menée par deux juges d'instruction antiterroristes", a-t-il rappelé. "Dans toutes ces affaires, l'intérieur communique en lieu et place du procureur et au risque de mettre en péril l'enquête (...). J'attends que le ministre de la justice rappelle chacun à ses devoirs", a-t-il conclu.

Mon commentaire : il est stupéfiant de constater que les syndicats de magistrats énoncent ainsi ce qui pour les Corses est une évidence. Je ne rappelerai que le dossier SMS qui s'est achevé par des condamnations pour escroquerie et qui a été totalement dévoilé à la presse avant même les condamnations. Il en a été de même pour les dossiers concernant Guy Orsoni. Mais à l'époque personne ne s'en est ému et surtout pas ces journalistes (notamment travaillant au Monde) qui distille depuis des années des morceaux de dossiers sans jamais se poser le problème de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction. On appelle généralement cela les imbéciles utiles.

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