mardi 3 avril 2012

Les zones d'ombre de l'affaire Merah


Dans un entretien donné au quotidien La Dépêche, Yves Bonnet, ex-patron de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), s'interroge de savoir si Mohamed Merah était un indic de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) : "Ce qui, personnellement, me paraît poser question, c'est que le garçon avait manifestement des relations avec la DCRI comme on l'a appris à travers les déclarations de Bernard Squarcini lui-même. C'est-à-dire qu'il avait un correspondant au Renseignement intérieur. Alors appelez ça « correspondant », appelez ça « officier traitant » je ne sais pas jusqu'où allaient ces relations, voire cette « collaboration » avec le service, mais on peut effectivement s'interroger sur ce point." Puis le journaliste lui pose la question suivante : "Pour mettre un mot sur les choses, était-il un indicateur de la DCRI ?"
Yves Bonnet répond ainsi : "Eh bien voilà… c'est exactement ça le problème. Car ce qui interpelle, quand même, c'est qu'il était connu de la DCRI non pas spécialement parce qu'il était islamiste, mais parce qu'il avait un correspondant au Renseignement intérieur. Or avoir un correspondant ce n'est pas tout à fait innocent. Ce n'est pas anodin."
Signe que l'affaire Merah comporte (c'est le moins qu'on puisse dire) des zones d'ombres est les autorités algériennes ont refusé l’inhumation de Mohamed Merah à Souaghi, près de Médéa, comme le demandait sa mère, officiellement pour des « raisons de sécurité ». Interrogé jeudi dernier sur cette décision, sur BFM-TV, Nicolas Sarkozy a répondu : « Il était français, qu’il soit enterré et qu’on ne fasse pas de polémique avec ça ».
Nicolas Sarkozy a beau faire et beau dire pour détourner l’attention des relations entre la DCRI et Mohamed Merah, l’affaire n’en est pas terminée pour autant.
Avec la publication par le quotidien algérien Liberté d’une enquête sur les passeports de « l’apprenti djihadiste », les interrogations reprennent. Le journaliste Salim Koudil a découvert que le seul passeport valable détenu par Mohamed Merah était algérien, délivré par le consulat de Toulouse en juillet 2005, et renouvelé au même endroit le 20 mars 2010.
Le passeport français de Mohamed Merah, délivré en 1998 à Toulouse – lorsqu’il avait 9 ans -, avait expiré en avril 2008, et n’avait pas été renouvelé. Merah serait donc allé en Israël, Syrie, Jordanie, Irak, Afghanistan, Pakistan… etc.… avec un passeport algérien, sous la houlette de la DCRI…
L’Algérie qui voulait rester à l’écart de cette affaire « franco-française » se retrouve donc en plein dans ce marécage. De nouvelles questions se posent, auxquelles il faudra bien répondre, des deux côtés de la Méditerranée :
- Les services secrets algériens étaient-ils au courant des déplacements de Mohamed Merah, notamment de son séjour dans les camps islamistes au Pakistan ?
- Comment Mohamed Merah a-t-il pu entrer en Israël avec un passeport algérien, alors que les deux pays n’entretiennent pas de relations diplomatiques ?
Au-delà de ces interrogations légitimes, se posent aussi celles des relations des services secrets des pays concernés entre eux et avec le Defense Counterintelligence and Human Intelligence Center, une des agences étatsuniennes de renseignement qui a interrogé et détenu Mohamed Merah en Afghanistan.

Autre question : "Comment Merah qui ne possédait qu'un passeport algérien a pu entre en Israël ce qui est théoriquement impossible (ou presque) pour un citoyen algérien. Et voilà qu'apparaît un personnage nommé Gérard Corbin de Mangoux qui dirige depuis 2008 les services secrets français extérieur - la DGSE. À en croire le scoop révélé lundi soir par le quotidien italien Il Foglio, c’est sous sa responsabilité que l’assassin présumé de Toulouse, Mohamed Merah, a pu accéder en septembre 2010 au territoire israélien.
En contrepartie, le jeune homme devait rapporter des informations aux responsables du contre-espionnage français. Mohamed Merah était-il un informateur de la DGSE comme il a été celui de la DCRI ? Dans cette affaire encore obscure, une chose est certaine : l’actuel dirigeant des services secrets a été nommé selon le quotidien Le Monde par Nicolas Sarkozy, le président de la République. Dérogeant à la règle coutumière d’une nomination militaire à la tête de la DGSE, le chef de l’État a préféré placer un de ses hommes, préfet de carrière, pour chapeauter le renseignement extérieur comme il a placé Péchenard son ami d'enfance à la tête de la police judiciaire et Squarcini, son homme lige à la direction des nouveaux services secrets intérieurs.
Ce nouvel élément suggère une étroite et troublante connivence entre la sécurité d’État et la mouvance djihadiste vraisemblablement dans un jeu de dupes dans lequel chacun tente d'instrumentaliser l'autre. Une information méconnue mérite ici d’être rappelée : fin 2001, le terroriste Richard Reid avait tenté, en vain, de faire exploser des explosifs, dissimulés dans ses chaussures, lors d’un vol Paris-Miami. Un témoignage ultérieur, rapporté par l’émission « Pièces à conviction » de France 3, était particulièrement intriguant : selon un responsable du contrôle de l’aéroport parisien, Richard Reid avait pu aisément monter à bord car il disposait d’un tampon israélien dans son passeport. Un élément interprété finalement comme un gage de sécurité pour l’embarquement d’un passager considéré comme nerveux. Pour l’homme en charge du contrôle, ce "détail" signifiait que ce touriste ne présentait pas de danger particulier puisqu’il avait été autorisé à passer par l’une des douanes les plus vigilantes au monde.

Toute cette tragédie s'est achevée par une balle dans la tête et annexement les membres de Merah criblés de balles par les hommes du GIGN. Auparavant, Merah avait parlé des heures durant avec des émissaires du gouvernement. Tous les spécialistes affirment qu'il était possible de neutraliser Merah à l'aide de gaz car Merah n'avait pas d'otages. Pourquoi a-t-il abattu après plus de trente heures de négociation dans un appartement grand comme un mouchoir de poche ? (35 mètres carrés) dont les parois ont été percées sans difficulté.
Toutes ces zones d'ombre laissent à penser que Merah a roulé la DCRI et la DGSE dans la farine, laissant croire qu'il était devenu un de leurs hommes et préparant sa vague d'assassinats. Quant aux autorités elles ont dû croire de leur côté qu'elles pourraient manipuler Merah de manière à le transformer en outil électoral. Et rien ne s'est passé comme "prévu". Telle est la raison pour laquelle le pouvoir a bloqué l'enquête demandée par les parlementaires. 

(Article réalisé à partir d'articles parus sur le site  oumma.com)

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