Dans un entretien donné au quotidien La Dépêche, Yves
Bonnet, ex-patron de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST),
s'interroge de savoir si Mohamed Merah était un indic de la Direction Centrale
du Renseignement Intérieur (DCRI) : "Ce qui, personnellement, me
paraît poser question, c'est que le garçon avait manifestement des relations
avec la DCRI comme on l'a appris à travers les déclarations de Bernard
Squarcini lui-même. C'est-à-dire qu'il avait un correspondant au Renseignement
intérieur. Alors appelez ça « correspondant », appelez ça « officier
traitant » je ne sais pas jusqu'où allaient ces relations, voire cette « collaboration »
avec le service, mais on peut effectivement s'interroger sur ce point." Puis
le journaliste lui pose la question suivante : "Pour mettre un mot sur les choses, était-il
un indicateur de la DCRI ?"
Yves Bonnet répond ainsi : "Eh bien voilà…
c'est exactement ça le problème. Car ce qui interpelle, quand même, c'est qu'il
était connu de la DCRI non pas spécialement parce qu'il était islamiste, mais
parce qu'il avait un correspondant au Renseignement intérieur. Or avoir un
correspondant ce n'est pas tout à fait innocent. Ce n'est pas anodin."
Signe que l'affaire Merah comporte (c'est le moins qu'on
puisse dire) des zones d'ombres est les autorités algériennes ont refusé l’inhumation de Mohamed
Merah à Souaghi, près de Médéa, comme le demandait sa mère, officiellement pour
des « raisons de sécurité ». Interrogé jeudi dernier sur cette
décision, sur BFM-TV, Nicolas Sarkozy a répondu : « Il était
français, qu’il soit enterré et qu’on ne fasse pas de polémique avec ça ».
Nicolas Sarkozy a beau faire et beau dire pour détourner
l’attention des relations entre la DCRI et Mohamed Merah, l’affaire n’en est
pas terminée pour autant.
Avec la publication par le quotidien algérien Liberté
d’une enquête sur les passeports de « l’apprenti djihadiste »,
les interrogations reprennent. Le journaliste Salim Koudil a découvert que le
seul passeport valable détenu par Mohamed Merah était algérien, délivré par le
consulat de Toulouse en juillet 2005, et renouvelé au même endroit le 20 mars
2010.
Le passeport français de Mohamed Merah, délivré en 1998 à
Toulouse – lorsqu’il avait 9 ans -, avait expiré en avril 2008, et
n’avait pas été renouvelé. Merah serait donc allé en Israël, Syrie, Jordanie,
Irak, Afghanistan, Pakistan… etc.… avec un passeport algérien, sous la houlette
de la DCRI…
L’Algérie qui voulait rester à l’écart de cette affaire
« franco-française » se retrouve donc en plein dans ce marécage.
De nouvelles questions se posent, auxquelles il faudra bien répondre, des deux
côtés de la Méditerranée :
- Les services secrets algériens étaient-ils au courant
des déplacements de Mohamed Merah, notamment de son séjour dans les camps
islamistes au Pakistan ?
- Comment Mohamed Merah a-t-il pu entrer en Israël avec un
passeport algérien, alors que les deux pays n’entretiennent pas de relations
diplomatiques ?
Au-delà de ces
interrogations légitimes, se posent aussi celles des relations des services secrets
des pays concernés entre eux et avec le Defense Counterintelligence and
Human Intelligence Center, une des agences étatsuniennes de renseignement
qui a interrogé et détenu Mohamed Merah en Afghanistan.
Autre question :
"Comment Merah qui ne possédait qu'un passeport algérien a pu entre en
Israël ce qui est théoriquement impossible (ou presque) pour un citoyen
algérien. Et voilà qu'apparaît un personnage nommé Gérard Corbin de Mangoux qui
dirige depuis 2008 les services secrets français extérieur - la DGSE. À en
croire le scoop révélé lundi soir par le quotidien italien Il Foglio, c’est sous sa responsabilité que l’assassin présumé de
Toulouse, Mohamed Merah, a pu accéder en septembre 2010 au territoire
israélien.
En contrepartie, le jeune homme devait rapporter des
informations aux responsables du contre-espionnage français. Mohamed Merah
était-il un informateur de la DGSE comme il a été celui de la DCRI ? Dans
cette affaire encore obscure, une chose est certaine : l’actuel dirigeant
des services secrets a été nommé selon le quotidien Le Monde par Nicolas Sarkozy, le président de la République.
Dérogeant à la règle coutumière d’une nomination militaire à la tête de la
DGSE, le chef de l’État a préféré placer un de ses hommes, préfet de
carrière, pour chapeauter le renseignement extérieur comme il a placé Péchenard
son ami d'enfance à la tête de la police judiciaire et Squarcini, son homme
lige à la direction des nouveaux services secrets intérieurs.
Ce nouvel élément suggère une étroite et troublante
connivence entre la sécurité d’État et la mouvance djihadiste vraisemblablement
dans un jeu de dupes dans lequel chacun tente d'instrumentaliser l'autre. Une
information méconnue mérite ici d’être rappelée : fin 2001, le terroriste
Richard Reid avait tenté, en vain, de faire exploser des explosifs, dissimulés
dans ses chaussures, lors d’un vol Paris-Miami. Un témoignage ultérieur,
rapporté par l’émission « Pièces à conviction » de France 3, était
particulièrement intriguant : selon un responsable du contrôle de
l’aéroport parisien, Richard Reid avait pu aisément monter à bord car il
disposait d’un tampon israélien dans son passeport. Un élément interprété
finalement comme un gage de sécurité pour l’embarquement d’un passager
considéré comme nerveux. Pour l’homme en charge du contrôle, ce
"détail" signifiait que ce touriste ne présentait pas de danger
particulier puisqu’il avait été autorisé à passer par l’une des douanes les
plus vigilantes au monde.
Toute cette tragédie s'est achevée par une balle dans la
tête et annexement les membres de Merah criblés de balles par les hommes du
GIGN. Auparavant, Merah avait parlé des heures durant avec des émissaires du
gouvernement. Tous les spécialistes affirment qu'il était possible de
neutraliser Merah à l'aide de gaz car Merah n'avait pas d'otages. Pourquoi
a-t-il abattu après plus de trente heures de négociation dans un appartement
grand comme un mouchoir de poche ? (35 mètres carrés) dont les parois ont
été percées sans difficulté.
Toutes ces zones d'ombre laissent à penser que Merah a
roulé la DCRI et la DGSE dans la farine, laissant croire qu'il était devenu un
de leurs hommes et préparant sa vague d'assassinats. Quant aux autorités elles
ont dû croire de leur côté qu'elles pourraient manipuler Merah de manière à le
transformer en outil électoral. Et rien ne s'est passé comme "prévu". Telle est la raison pour laquelle le pouvoir a bloqué l'enquête demandée par les parlementaires.
(Article réalisé à partir d'articles parus sur le site oumma.com)
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