vendredi 13 avril 2012

Des babouins champions d'orthographe

Publié le vendredi 13 avril 2012 à 13H18
Des chercheurs marseillais leur ont découvert cette capacité insoupçonnée.
En apprentissage libre dans la région aixoise, six babouins de l'espèce Papio papio sont parvenus à apprendre jusqu'à 308 mots et à les distinguer de 8 000 "non mots" inventés.
Photo Florian LAUNETTE
L'apprentissage de l'orthographe implique-t-il nécessairement de connaître le sens et la prononciation des mots ? Rien n'est moins sûr, à en juger les performances à peine croyables réalisées récemment par un groupe de jeunes singes élevés par des scientifiques dans un établissement spécialisé de la région aixoise.
Publié aujourd'hui dans la fameuse revue scientifique américaine Science, le résultat de l'étude menée par une équipe de cinq chercheurs marseillais est en effet édifiant. Basés au centre Saint-Charles, au sein du Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS/Aix Marseille Université), Jonathan Grainger, Johannes Ziegler, Stéphane Dufau, Marie Montant et Joël Fagot sont parvenus à obtenir de babouins de Guinée (Papio papio) âgés de 3 ans qu'ils fassent la distinction entre des mots de quatre lettres correctement orthographiés et d'autres mots inventés de toutes pièces, eux aussi constitués de quatre lettres ; de "faux mots" n'ayant strictement aucun sens pour un être humain capable de les lire.
"Il apparaît au terme de cette étude que les singes sont capables d'apprendre la structure orthographique des mots, explique Joël Fagot. Ils les reconnaissent parce qu'ils traitent les lettres et les combinaisons de lettres, à la fois par leur forme, leur assemblage en bigrammes (groupes de 2 lettres) et leur récurrence. Ce qui laisse penser que les mots sont des objets comme les autres et qu'il est possible de les distinguer en se basant uniquement sur des indices visuels".
Des travaux qui ouvrent dès lors des perspectives non négligeables en terme de connaissance du langage humain mais aussi d'utilisation de certains primates dans des taches complexes, surtout si d'autres études à venir parvenaient à démontrer que ces animaux sont capables d'associer l'orthographe d'un mot à sa prononciation.
"L'intelligence du singe a été très largement sous-estimée et sans doute va-t-on pouvoir lui demander beaucoup plus que tout ce qui a été fait jusqu'à présent", ajoute Joël Fagot dont la méthode d'apprentissage révolutionnaire qu'il a mise au point dans sa station de primatologie bouleverse tous les acquis en ce domaine. D'autant que dans le cas particulier du babouin, l'espèce montre des capacités de mémorisation insoupçonnées ainsi qu'un très grand souci du détail. Papio papio est notamment capable d'extraire d'une scène des éléments infimes ou anodins qui échappent à notre attention. Ces travaux de recherche fondamentale pourraient donc connaître des applications pratiques, notamment en matière d'assistance de personnes handicapées.
Mais comme l'explique Marie Montant, ces résultats révèlent surtout l'existence de nouvelles passerelles entre primates humains et non humains. "On a toujours pensé que l'apprentissage de l'écriture et donc de la lecture était une compétence spécifiquement humaine, éminemment culturelle, née très récemment à notre échelle de temps. Or, on constate que cet apprentissage est soutendu par des bases cérébrales que nous partageons avec les singes et sans doute avec beaucoup d'autres espèces animales".
Un constat qui pourrait nous conduire à faire preuve de beaucoup plus d'humilité et de modestie par rapport au monde vivant qui nous entoure…
Philippe GALLINI
Mon commentaire : j'ai quatre enfants dont trois en âge scolaire. Cet article me fait rêver. Je me demande si je ne vais pas adopter deux ou trois babouins pour que mes petits humains se familiarisent enfin avec la difficile orthographe française.

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