mardi 3 avril 2012

Crainte contre crainte

Notre grève de la faim s'achève. Il serait vain de nier cette réalité. J'en profite pour parler avec les uns et les autres. La plupart des personnes qui m'interpellent le font avec sympathie. Tous veulent m'expliquer les réticences qu'elles ont ressenties en apprenant notre initiative. Ce qui revient à chaque discussion est le danger qu'aurait fait courir à la société notre éventuelle victoire. "Dans ce cas, il suffirait que n'importe quel voyou se mette en grève de la faim pour obtenir sa liberté." 


La remarque n'est pas dénuée de bon sens. J'y ai réfléchi et il m'est même arrivé de souhaiter une victoire partielle justement pour éviter une telle aberration. Mes arguments sont les suivants : notre grève de la faim visait à rappeler un principe : lorsqu'un dossier d'instruction n'établit pas la possible culpabilité d'une personne incarcérée celle-ci devrait recouvrer sa liberté. Elle cherchait à stigmatiser les excès et les dangers des juridictions d'exception. Le problème est complexe car les lois Perben ont mis en exergue des chefs de mise en examen extrêmement flous comme l'association de malfaiteurs, ce qui correspond chez les Italiens au délit d'association mafieuse. Ce délit a permis à des juges courageux de porter des coups aux organisations mafieuses. Mais force est de constater qu'il permet tous les abus. Il est difficile de faire admettre qu'un capo mafioso doit être traité comme n'importe quel citoyen. Pourtant la démocratie l'exige même si, dans certains cas, ces personnages fait naître en nous un sentiment fait de mépris et de haine. 


Alors oui notre démarche portait en elle des ambiguités ou plutôt des apparences d'ambiguités propres à toutes les batailles pour des principes. La LDH par exemple est souvent accusée à tort de favoriser un camp plutôt qu'un autre. Lorsqu'on connaît la probité des responsables de la LDH c'est absurde et méchant. Mais notre société adore ce type de comportements. On préfère semer le trouble, alimenter la rumeur et considérer en définitive que son petit intérêt vaut plus que l'intérêt de la collectivité.


J'ai même entendu dire que certains m'accusaient "d'avoir changé de camp". On trouve sur Internet de courageux anonymes qui, cachés derrière des pseudonymes, se livrent à des accusations qui finissent par former un climat de lynchage. Cette Corse là est à vomir. Hélas, elle existe.


Je le répète donc : notre grève de la faim n'a jamais été destinée à appuyer un camp contre un autre mais à affirmer des règles qui sont valables pour tout le monde. Notre crainte de la justice d'exception s'est donc heurtée à la crainte de la montée du grand banditisme, à celle du passé clandestin d'Alain Orsoni, à celle de supposés agissements de certains de ses anciens amis. Mais surtout elle est entrée en résonance avec la peur d'une société qui perd ses repères et finit par redouter les agissements de ses propres enfants.


Nous verrons demain et vendredi si l'assignation à résidence avec bracelet électronique a été obtenue.

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