Le café Albert Ier bien
connu de tous les Ajacciens a été la victime cette nuit d'un plasticage. Ses
propriétaires venaient de tout refaire à neuf. La presse continentale
comptabilise cet attentat parmi les assassinats divers et variés. Pour l’Albert
Ier il vaut mieux regarder du côté de la concurrence ou pire du racket. Car la
guerre entre bandes a décimé le milieu ajaccien. Des places sont donc à prendre
dans le domaine du méfait divers. Et les candidats vont se bousculer. Chacun
sait que dans la ville impériale la drogue est vendue à tous les coins de rue.
Hier, l'héroïne occupait une place dominante. Aujourd'hui il se dit que c'est
la cocaïne. La police et la gendarmerie ont beau multiplier les efforts :
les arrivages paraissent toujours plus importants. Chaque cache d'armes découvertes
contient également de l'argent en liquide et de la came. Beaucoup d'assassinats
sont commis par de jeunes tueurs dopés jusqu'aux yeux.
En Corse, chacun sait
qu'il faut faire attention au moindre incident de circulation. Les jeunes sont
le plus souvent calibrés et le ton monte vite. Il m'est arrivé d'avoir à faire
non loin de chez moi à un excité qui, parce qu'il avait jugé mon geste de la
main inconvenant, m'a bloqué et est sorti de sa voiture un pistolet à la main.
Nous avons tous le sentiment d'une société double. La plupart du temps, nous
avons l'impression d'une sécurité infinie plus grande que sur le continent. Les
Corses sont plutôt calmes, polis. Et puis soudain tout change. L'alcool y est
pour beaucoup. Car c'est là un autre mal de notre île : l'alcoolisation
des jeunes. C'était déjà dès la fin du XIXe siècle un des facteurs
criminogènes importants. L'excitation produite par l'alcool et le refus de
perdre la face a été à l'origine de bien des assassinats. La plupart des
bandits étaient des brutes alcooliques.
Bref en ce moment précis,
j'en ai assez de cette violence qui m'inquiète pour mes enfants. Le plus grand
de mes garçons qui n'a pas encore quinze ans, est pris dans une ambiance très
particulière faite de facilité factice et d'indolence. Le beau temps arrivant,
les garçons traînent leur nonchalance sur le bord de mer, souvent habillé d'un
t-shirt et d'un caleçon de bain. Autrefois, les jeunes gens devaient travailler
pour s'en tirer. Aujourd'hui tout semble facile. Je n'ai pourtant pas le
sentiment d'être un père laxiste. Mais l'éducation de mes enfants file entre
mes doigts comme du sable sur la plage. Qui montrer du doigt ? Avec mes
trois derniers enfants, je suis pris dans un maelström dès le matin. Lever à
6h30mn. Dès 7h15 c'est le réveil au clairon pour les enfants. Une demi-heure
plus tard, nous continuons de jouer du clairon pour les deux garçons. Vers 8 heures
nous nous trouvons en plein énervement. Péniblement, je démarre à 8h10 pour déposer
le plus jeune devant son école. Entre-temps, il a fallu nourrir les chats.
Foutus animaux qui dès potron minet exigent leur pitance que je dois leur concéder
avant de m'occuper de moi.
Bref je suis de mauvaise humeur et le plasticage de
cette nuit n'a fait qu'ajouter à mon immense envie de quitter cette ambiance au
moins pendant deux semaines. Je rêve de rentrer chez moi, de mettre les pieds
sous la table, d'écouter du Bach en lisant un livre de spiritualité, de ne plus
entendre de cris, de pouvoir rêver des heures durant sans être interrompu. Bref
un plasticage en plus, du rêve en moins.
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