mardi 13 mars 2012

Au neuvième jour…

Soleil éclatant… La vue depuis Veru est, au petit matin, un aperçu de la vie. Le printemps est partout : des oiseaux, des fleurs, des odeurs. Seule particularité : les mimosas sont en pleine floraison. Les jardins de Veru ressemblent à des tableaux impressionnistes : éclaboussures jaunes, pointes oranges des agrumiers chargés de fruit. Bref la vie est belle. Je me suis levé au petit matin. J'ai lu des passages des Imitations de Jésus-Christ. Longtemps j'avais ignoré la littérature religieuse. Puis je l'avais méprisée. J'y trouve une source d'inspiration étonnante. Non que je me vautre dans un mysticisme causé par la faim (que d'ailleurs je ne ressens pas) mais bien des passages sont très justes et très beaux. Il est dommage que les religions aient tant de mal à appliquer leurs propres préceptes.

Plus j'avance dans cette grève de la faim et plus j'ai en horreur toute forme de violence. Au-delà des sentiments communs suscitées par nos émotions, nos colères, nos amours, il existe une plate de serénité qui vaut le coup d'être visité. En Corse, les passions passent toujours au premier plan chassant souvent l'objectivité des relations entre les êtres. On n'aime pas l'autre non pour ce qu'il est mais parce qu'il est l'autre. Cela est d'ailleurs vrai pour ceux qui ne nous aiment comme pour ceux qui nous aiment. Je préférerais que celles et ceux qui nous soutiennent réfléchissent à cela plutôt que d'être à nos côtés parce que nous sommes les Culioli, les Orsoni. Je suis persuadé que nous posons un problème de fond : celui de la criminalisation de la société civile par une caste de puissants et de possédants qui ne veulent rien lâcher. Les prisons se remplissent (bientôt 70.000 détenus contre 25.000 en 1974). Des sociétés privées se préparent à construire et à gérer des pénitentiers où se crééra une nouvelle classe d'esclaves comme cela s'est passé aux Etats-Unis, le pays le plus répressif au monde loin devant la Chine ou la Russie.

Je ne parle pas en tant que Corse bien que cette particularité nous prédispose vraisemblablement à être plus sensible à ce qui se passe aux marges. Mais je n'y vois pas une cause essentielle de mon indignation. Celle-ci a été créée par cette fatigue provoquée par un paradoxe : l'impatience de nos désirs en matière de justice et l'extrême lenteur de son évolution. Je crois qu'au cours de cette grève de la faim j'apprends tout simplement la patience, l'extrême patience. Les journées sont longues mais instructives. Je goûte chaque seconde de ce que j'ai mais aussi de ce que je n'ai pas. Je me rends compte de l'amour et de l'amitié que je porte à ceux que je ne vois pas. Certaines de mes collègues m'ont témoigné de très beaux sentiments d'altérité. Le quotidien tue l'extraordinaire de chacune de nos vies. Réapprenons à le savourer comme autant de petites gorgées de bière au comptoir quand le soleil a asséché nos gosiers. (pour celles et ceux qui aiment la bière bien entendu sinon penser à un bonbon suédois Daim au caramel salé et craquant. Mmmhhhhhh!!!!!).

J'en viens à m'émerveiller devant un petit piaf qui sautille devant la maison d'Alain. Je deviens Saint François d'Assises. Non, je ne comprends toujours pas le langage des oiseaux. Un grand merci donc à la JIRS pour ce nouvel apprentissage de la vie. Je suis certain maintenant que nous sommes les vainqueurs de cette aventure.

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