Deux semaines déjà que j'ai entamée cette grève de la
faim. Autant dire que Guy a atteint le seuil critique, qu'Alain n'en est pas
loin et que Pierre Jean a dix jours devant lui. Quant à moi je situe à deux
semaines le moment où il conviendra de franchement s'inquiéter.
Guy est un jeune homme en bonne santé. Contrairement
à ce qu'a laissé entendre la rumeur policière qui laissait entendre (une
nouvelle absurdité renversante !) qu'il avait préparé un plan d'évasion de
la prison du Pontet, que sa mère aurait voulu lui passer des Kalachnikovs et de
la cocaïne (pour qui connaît Frédérique Campana le propos est sidérant !),
Guy est d'après ses proches (je ne le connais pas) un jeune aimant le sport à
haut niveau, grand marcheur devant l'éternel et loin de l'image véhiculée par
des enquêteurs qui ont besoin de suggérer que le chien a la rage afin de
l'abattre (au fait cette prétendue affaire d'évasion qui a provoqué son départ
immédiat pour une prison de haute sécurité n'a jamais donné lieu à la moindre
enquête. Par contre, il est évident qu'aux Assises cela pèsera dans le
sentiment général laissé aux jurés).
Donc Guy tiendra mieux le choc que son père qui a
cinquante-huit ans et qui fume comme une locomotive. Pierre Jean a quinze ans
de moins que nous. Quant à moi, mise à part une surcharge pondérale conséquence
qui fond comme neige au soleil, je suis en bonne santé. Mais allez connaître
les mystères de l'organisme.
Ce matin, je me sens en pleine forme malgré un très
grand sentiment de fatigue durant la nuit. Il est vrai qu'hier je me suis rendu
à Ajaccio pour la conférence de la Ligue des droits de l'homme. J'y suis allé
parce que le sujet me paraît fondamental : les bouleversements politiques
autour de la Méditerranée. Le monde s'ouvre au sud et se replie sur lui au
Nord. L'Occident gémit sous les coups de la crise, l'Orient se révolte. Et
quand bien même cela donnerait la parole aux islamistes sachons accepter la
réalité des choses plutôt de la désirer à nos ordres, à nos pieds, à nos
désirs. Ce monde-là est aussi celui que nous avons façonné à coups de
colonialisme, d'injustices et d'hypocrisie. Comme l'affirmait très justement
Michel Tubiana, la liberté ne s'exporte pas dans les camions militaires. Il n'y
a qu'à constater les naufrages irakiens et afghans. Chaque peuple doit faire
ses propres expériences fussent-elles terribles. Il n'y a que par ces routes
pleines d'ornières qu'on acquiert l'expérience nécessaire à la maturité. C'est
d'ailleurs pour moi l'aspect essentiel de cette très belle conférence à laquelle
assistait un peu plus de cent personnes.
La deuxième raison pour laquelle je m'y suis rendu a
été la reconnaissance. La LDH a été à nos côtés depuis le début pour des
raisons de principe. Marine Lepen tenait un rassemblement à Ajaccio. Il eut été
lamentable que la LDH fasse piètre figure ce jour-là.
La semaine qui s'ouvre va être décisive. Des actions
pacifiques vont être organisées. Il faudrait que notre mouvement se généralise
à la Corse entière. Notre démarche est tout simplement celle de la dignité.
Nous voulons que chaque citoyen puisse avoir le bénéfice d'une justice
équitable. Et le cas de Guy Orsoni nous paraît emblématique. C'est tout.
Jamais je ne me suis senti aussi résolu à continuer. Autrefois il y a bien longtemps j'avais repris à mon compte cette parole d'un gamin qui était régulièrement tabassé par les policiers de son quartier : plus qu'on me butte plus que je suis butté. L'injustice de la presse à notre égard, le silence accablant des politiques mais aussi la conviction que nous avons fondamentalement raison, tout cela me butte.
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