Alain ce matin devant une tasse de café |
Nous ne savons pas à quoi nous en tenir. Mais il semblerait
(cela nous sera vraisemblablement confirmé dans la journée) que Guy a fait un
malaise. Nous n'en savons pas plus. À plusieurs reprises il a affirmé à ses
visiteurs qu'il ne céderait pas. L'administration pénitentiaire peut le
perfuser mais pas l'alimenter de force. Pour cela il faut que toute conscience
l'ait quitté en d'autres termes qu'il soit dans le coma.
Nul ne pourra alors dire les dégâts occasionnés à son
organisme. D'après ce que je sais, il a maigri au point d'avoir perdu un quart
de son poids. C'est énorme pour un garçon qui n'avait pas un gramme de graisse.
Cela veut dire que l'organisme s'est nourri sur les muscles. Or le cœur est un
muscle. Et je rappelle que la famille Orsoni est sujette aux pathologies
cardiaques.
"Il n'avait pas qu'à commencer" aurait pu nous
rétorquer un quelconque Bordenave (et ils sont légion). Certes si on considère
que l'injustice est un met qui peut se consommer sans faim (si j'ose dire) et
se digérer sans difficulté. Je demande seulement au lecteur de tout simplement
s'imaginer dans une pareille situation. Vous n'avez rien fait et vous êtes pris
dans un engrenage dont les tenants et les aboutissants vous échappent
totalement. On vous demande d'accepter de passer des années en prison pour rien
avec pour seule espérance un acquittement qui vous paraît pourtant une
évidence. On exige de vous qu'au quotidien vous supportiez l'univers carcéral
doutant chaque jour un peu plus de la cohérence de l'existence. Vous voyez les
vôtres au parloir faiblir et venir par affection mais aussi par obligation.
Vous haïssez les magistrats qui vous maintiennent dans cet état de mort-vivant.
Et voilà que des crétins de folliculaires vous glissent l'air de ne pas y toucher :
"Mais enfin mon vieux, faites confiance à la justice de votre pays. Il
vous suffit d'attendre les Assises et, si vous êtes innocent, Dieu guidera
l'âme des magistrats et des jurés et vous verrez que vous serez
acquittés."
D'autres nous expliquent que le simple nom d'Orsoni est
chargé de tous les péchés d'Israël et que le seul fait de le porter mériterait
la prison. Une sorte de péché patronymique en quelque sorte.
On nous demande de nous en remettre au grand destin, à la
fatalité, au fatum, à l'ananke pour régler le cas de Guy. Comme si la France
n'avait pas été mille et une fois condamnée par la Cour Européenne de Justice
pour ses atteintes aux droits fondamentaux humains, comme si notre magistature
était un corps social au-dessus de tout soupçon, comme si dans notre cher vieux
pays tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Guy va mal et nous n'allons pas très bien non plus. Et
pourtant nous allons continuer la rage au ventre, avec ce désir de ne rien
lâcher, d'avancer encore et toujours malgré la fatigue et parfois le
découragement. Notre santé, c'est tout ce qui nous reste à mettre dans la
balance. En espérant que quelque part là-haut (je veux parler de Paris)
quelqu'un se penche sur notre cas et raisonne avec raison et non en fonction de
la raison d'état. Encore que s'il arrive quelque chose à l'un d'entre nous la
raison d'état nous donnera raison.
Guy est en réel danger. Il ne s'agit pas de propagande. Guy
a désormais passé la frontière qui sépare le possible du vraisemblable. Nous-mêmes
allons bientôt pénétrer dans ce pays où tout est possible. Mesdames et
Messieurs qui nous gouvernez, bonne gouvernance car d'ici dix jours tout cela
ne sera plus de notre ressort. Il ne nous restera plus qu'à l'instar de Jacques
de Molay Grand Maître des Templiers brûlé vif le 19 mars 1314 sur l'ordre du
roi Philippe le Bel qu'à lancer une malédiction en direction du juge Choquet et
du procureur Dallest (c'est évidemment de l'humour noir. Je n'ai rien contre
ces deux personnages sinon une grande inquiétude d'ordre spirituel pour le
salut de leur âme. La compassion est un facteur déterminant dans la vie d'un
homme)
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