Cette nuit, une fatigue sans limite m'a réveillé. J'ai cru
que je mourrais. Dans le demi-sommeil, l'esprit a tendance à se plier à la
volonté de ce qu'on repousse durant la journée. L'article du Monde n'a pas
atteint notre décision profonde. Mais elle a érodé pour une journée nos
espérances. J'ai donc eu les pires pressentiments pour Alain. Je le sens qui
dépérit. Et ce n'est pas là une figure de style.
Hier soir j'ai eu Sté son frère au téléphone. Un être
magnifique, droit au sens propre comme au figuré. C'est un marathonien et un fervent écologiste. Nous voilà loin de l'image des Corses sanguinaires que véhiculent
les Bordenave and Co. Il a été aux côtés d'Alain depuis son adolescence,
marquée par l'assassinat et la disparition du cadet Guy dont (hélas) le fils d'Alain
a hérité.
Dans Le Marquis ardent, Alain raconte le caractère fusionnel
du sentiment qui le liait à Guy, de son atroce désespoir quand en juin 1983,
celui-ci a été kidnappé, torturé et exécuté par des membres du grand banditisme
qui espéraient vraisemblablement tirer quelques renseignements qu'ensuite ils
vendraient à l'état français. Tous ces drames sont là, en ombre chinoise,
derrière notre grève de la faim. Et Stéphane a toujours été là. C'est avec lui
que nous avons lancé la campagne pour Alain en 2010. Et aujourd'hui il sent que
son grand frère va aller jusqu'au bout de son chemin de vie. Il est lui aussi
angoissé. Nous avons longuement parlé hier de la tactique à suivre. Nous sommes
confiants sur le moyen terme. Mais la survie d'Alain se situe à court terme.
Dans dix jours il entre dans un semi-coma qui peut à tout instant s'achever
dans la mort. Son père était cardiaque et il est mort à 58 ans. Son grand-père
cardiaque est mort au même âge. Du côté de sa mère, les maladies du cœur sont
légion. En ce moment Alain trompe sa colère par la cigarette. Et Alain a
cinquante-huit ans.
Sté arrive donc de Catalogne pour nous donner un coup de
main. Car dans dix jours Pierre Jean et moi-même serons dans l'état d'Alain
aujourd'hui : somnolence permanente exigeant de longues phases de sommeil,
fatigue extrême etc. De plus en plus de personnes nous soutiennent mais il faut
une direction de campagne. Or contrairement à ce que peut dégoiser M.
Bordenave, il n'y a pas de clan Orsoni. Il y a des individus décidés qui
tentent de mettre en branle des Corses afin d'obtenir justice. Rien de plus
rien de moins.
Petit tour familial : hier je suis descendu voir ma
femme et mes gosses qui se trouvaient dans un centre hippique et sur un terrain
de rugby. Rencontre tout en pudeur. Marianne est inquiète. Mais elle ne le
montre pas. Loulea, ma fille, n'avait qu'une idée en tête : nous éloigner
du lieu où elle allait rencontrer son amoureux. Elle n'a que douze ans et ils
n'en sont qu'aux serments. Ouf !!! Au bout d'une demi-heure je ne tenais
plus sur mes jambes et c'est presque avec plaisir que j'ai retrouvé notre antre
(vous savez l'ours corse qui selon le grand scientifique Bordenave jeûnerait en
hiver en groupe).
En fin d'après-midi mobilisation devant la préfecture
d'Ajaccio. Pourvu que nous soyons nombreux, je veux dire trois ou quatre cents !
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