vendredi 9 mars 2012

Les rumeurs ce mal endémique de la Corse


Charles Buonaparte, le père de Napoléon, notait qu'en Corse, les rumeurs, i puttachji, précédaient toujours les assassinats. Cela continue d'être le cas. Les libelles d'autrefois sont tout simplement remplacés par Internet ou par des slogans anonymes tracés le long des routes.

Dans mon entourage même, des proches qui ont pour moi affection et amitié, me pressent de laisser tomber ma grève au prétexte que je serais un nigaud manipulé par Alain Orsoni. En premier lieu, je trouve cela insultant. J'ai soixante ans et j'ai passé l'âge de me laisser appâter par des bonbons à la sortie de l'école. En second lieu, je me donne la peine d'approcher ceux qu'on me décrit comme des voyous, des bandits et de leur parler. Pour certains d'entre eux, ce qui est dit est exact. Encore qu'ici je veuille introduire une nuance. J'ai rencontré des voyous dont la morale (ou l'absence de morale) me déplaisait souverainement mais qui, dans la vie quotidienne, se conduisait mieux que certains moralisateurs. Cependant, ayant en horreur le mensonge comme la lâcheté, je tente de connaître les êtres avant de les juger si tant est d'ailleurs que je les juge. Une telle attitude est impossible pour les journalistes qui passent en Corse comme des étoiles filantes dans un ciel nocturne. Est-ce que cela les intéresse vraiment d'ailleurs ? Je crois que c'est un métier qui finit par vous déshumaniser. Il flatte votre ego et vous plonge à longueur de journées dans des "affaires" dont vous finissez par oublier le cœur et l'âme. Je trouve répugnant de publier des bouts d'écoute téléphoniques complaisamment fournie par des magistrats et des policiers indignes, à seule fin de se faire valoir et sans jamais envisager les dégâts collatéraux que cela peut causer. Deux ou trois plumitifs se sont spécialisés dans ce type d'activité qui rappelle la période du pétainisme. David Rousset a écrit à ce propos un fort bon opuscule : "Le salaud ne rit pas".

Je reprends le fil de ma pensée. Je ne suis manipulé par personne tout simplement parce que je fais ce que me dicte ma conscience. J'ai agi par conviction (eh oui je sais que bientôt ce terme ne figurera plus au dictionnaire) et par amitié (encore un terme difficile à comprendre pour ceux qui n'ont jamais connu cette chaleur). Difficile à accepter dans un monde paranoïaque qui, sous l'apparence d'une société démocratique est une société du spectacle où chacun observe et juge l'autre en cherchant à ne pas y trouver le spectacle de sa propre médiocrité. Quant aux acteurs ils jouent les Créon et nous cantonne au rôle d'Antigone. Je ne veux être ni du côté d'une loi tyrannique ni de celui de l'exaltation héroïque.
Ne faisons pas haro sur les malheureux journalistes qui, dans leur immense majorité, tentent de faire honnêtement leur travail dans des conditions qui se dégradent d'année en année. Mais parlons de nos compatriotes, ces Corses qui ne peuvent s'empêcher d'ouvrir grand leur bec pour proférer des propos misérables sur des affaires qu'ils ne connaissent pas. En pareil cas, on trouve celles et ceux qui aiment envenimer les situations, metta a puzza dit-on en corse. Puis il y a le troupeau bêlant de ceux qui veulent donner l'impression de savoir et en rajoutent. Enfin, on trouve au fond du panier ceux qui ne disent rien mais qui s'abreuvent de ce poison. Aux marges, des policiers qui envoient leurs traits en sachant que de toute manière, le retour leur sera favorable. Nous en avons connu de ces enquêteurs qui, à défaut de pouvoir aboutir dans leurs enquêtes, favorisaient les règlements de compte à coups de rumeur.

Le monde des voyous est en définitive un milieu fragile, toujours prêt à croire le pire, car il vit du pire. C'est un univers primaire qui ne connaît pas la complexité de la vie. On se parle à tort et à travers mais en étant toujours prêt à se croire menacé. La paranoïa est maîtresse d'esprits qui ont pour moteur la prédation. Qu'on me pardonne mais je ne vois rien de beau ni de noble dans ces attitudes qui ne connaissent que la menace, l'insulte et le rapport de forces. Il est toutefois malheureux que bien des policiers et des magistrats finissent par devenir comme ceux qu'ils traquent : prêts à toutes les manipulations pour arriver à leurs fins.

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