vendredi 30 mars 2012

Une journée de quasi silence…

Ce vendredi aura été une journée de quasi silence. Les raisons sont multiples. D'abord la mort de la mère de Pierre Jean. Ce drame est venu alourdir l'atmosphère de notre grève dont nous sentons tous qu'elle est sur sa fin. J'ai une infinie compassion pour Pierre Jean et les siens. J'ai moi-même perdu ma mère en juin dernier et je sais le poids des souvenirs, du chagrin parfois des remords.


Il y a eu ensuite la visite de mon ami Alain D…, ce cher vieil ami qui a fait le voyage par amitié et pour peaufiner le dictionnaire corso-français co-élaboré avec Ghjuvan Micheli Weber et Battì Paoli. Nous avons travaillé et passé le reste du temps à parler de la situation politique. Lui et moi sommes plutôt attirés par Mélenchon même si nous regrettons son côté cocardier et son jacobinisme à toute épreuve. Mais dans les circonstances actuelles il est le seul à distiller de l'enthousiasme à défaut d'être toujours crédible dans ses propositions. 


Enfin, il y a ce sentiment que notre grève de la faim que nous n'avons jamais conçue comme un mouvement de désespoir est en fin de parcours. Nous savons que la justice ne tranchera pas sur la libération de Guy Orsoni sous notre pression. Ça a été un outil pour une certaine prise de conscience. Mais je crains que désormais cela devienne contre-productif. Certains journalistes qui avaient été objectifs avec nous montrent des signes de fatigue. Force est de constater qu'en Corse, les médias ont relayé notre mouvement en lui accordant évidemment l'importance qu'ils lui concédaient. 


Le deuxième élément est que l'objectif était de sortir Guy du cauchemar dans lequel il avait été plongé. Ce n'est certainement pas de le laisser mourir de désespoir dans une cellule. Or, aujourd'hui son état est tel qu'il peut décéder de manière accidentelle. Ce serait un drame absolue et nous n'en avons pas le droit d'en prendre le risque. 


Ce vendredi a été pour moi une journée de réflexion. Je réfléchis sans cesse la finalité de notre mouvement. Je ne veux pas qu'il soit interpréter comme un combat contre la justice mais contre les dérives d'une certaine forme de justice. Je ne veux pas que notre combat serve à des voyous pour passer entre les mailles du filet de la justice. Il serait catastrophique que notre hypothétique victoire donne des armes à tous les malfrats de la terre. En même temps, il me semble important que les règles et les principes soient fixés y compris pour les plus dangereux de nos concitoyens. Nous possédons tous en nous suffisamment de haine pour pouvoir à un moment donné accepter l'inacceptable pour peu que cela nous donne l'illusion de la sécurité. Je ne suis pas à l'abri de telles dérives. J'ai supprimé il y a quelques jours un article après une journée de parution. Il portait sur un personnage dont je ne citerai pas une fois de plus le nom, mis en examen dans plusieurs affaires d'assassinats et autres méfaits. Ce personnage a lui aussi droit à une défense équitable et jusqu'au moment de son éventuelle condamnation doit être considéré comme un présumé innocent. Dans cet article je mélangeais sa supposée culpabilité et son éventuelle condamnation pour les faits qui lui sont reprochés. J'ai eu évidemment tort même si en mon for intérieur je possède des convictions. Il s'est d'ailleurs longuement expliqué sur son cas dans Corse-matin en septembre 2010 terminant l'article par « En dehors des gardes à vue qu'il a subies, il n'entretient aucune relation avec les services de police, ne déjeune pas avec les responsables des renseignements généraux et ne témoigne pas sous X… Il n'est donc pas remis en liberté, lui… » Ironie de la situation puisque j'ai moi-même utilisé le même argument pour mettre en valeur la différence de traitement entre Guy Orsoni et la sienne.


Cette mésaventure m'a donné à réfléchir sur la difficulté à manier des situations dans lesquelles il nous est difficile d'être neutre. En l'ocurence il s'agissait ni plus ni moins que de mettre en exergue la situation injuste (ou que je juge telle) de Guy Orsoni par rapport à d'autres cas qui pourraient paraître identiques.


J'ai parfois des difficultés à réfléchir. La fatigue arrive par vagues et je devrais alors cesser de réfléchir et encore moins tenter d'écrire. Dans ces moments-là je ne possède plus les barrières nécessaires pour rester lucide. Je ne pense même plus à manger. J'ai l'impression d'être en état de jeune depuis des années et il me semble que je pourrais continuer ainsi autant de temps malgré les vagues de fatigue qui se multiplient. Mais, je ne veux pas agir sous les effets combinés d'un affect à fleur de peau et une urgence sans cesse plus grande. Si nous voulons être efficaces nous devons garder la tête froide.


Je ne sais pas ce qui se passera lundi et mercredi. Nous espérons évidemment que les décisions du juge Choquet seront contredites par la Chambre de l'instruction et celle de l'accusation. Mais si tel n'est pas le cas, alors nous allons devoir réfléchir à la meilleure manière de continuer notre mouvement. 

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