mardi 27 mars 2012

Lettre d'un ami véritable


Cette grève de la faim m'aura permis de faire le tri entre les vrais amis et ceux qui ont pour moi des sentiments de surface. Je veux notamment parler de tous ces journalistes qui ont soudain eu peur de s'aventurer sur un terrain qu'ils jugeaient dangereux pour leurs relations, pour la suite de leur carrière.


Paul a toujours été à mes côtés par amitié mais aussi parce que nous partageons les mêmes idéaux. Je me souviens de lui début août 1992. J'enterrais celle qui avait été ma compagne depuis l'âge de 18 ans. Nous étions deux à trois cents dans le cimetière du Père Lachaise. La plupart des personnes appartenaient à la Ligue communiste. Le cercueil de Nadine était entouré de drapeaux rouges. Je me tenais devant avec les parents de Nadine assommé par le chagrin. Un homme et une femme sont venus m'embrasser. Il s'agissait de Paul et de Tania. Je n'ai jamais oublié. Et Paul est toujours là. Ca non plus je ne l'oublierai pas. Voici la lettre qu'il m'a envoyée et en adresse html jointe un passage de son ouvrage IFF édité par les éditions DCL.




 Gabriel

Quelques mots pour te donner mon sentiment sur les événements en cours. Je t’ai confessé dimanche à la fin de la manifestation de soutien dans les rues de Vero où nous étions quelques centaines à marcher en silence que j’avais l’impression de suivre un enterrement. Tu m’as fait remarquer que j’étais voici de nombreuses années, qui ne nous rajeunissent pas, à tes côtés pour celui de Nadine, impuissant devant ta douleur, et que tu espérais que celui-là n’était pas le tien.

Rassure-toi, nous ne laisserons pas faire si tant est que nos maigres voix puissent encore briser le silence qui vous entoure, nous nous battrons à vos côtés. J’espère surtout n’avoir jamais à témoigner un jour d’un drame rendu possible par la lâcheté et la corruption morale des hommes.

Non, ce que je voulais te dire c’est que cela ressemblait plutôt à l’enterrement de nos idéaux de justice et de liberté que j’aurais préféré suivre en musique et sur un air de fête, à l’italienne, heureux de voir que nous étions encore quelques fous à partager des combats impossibles et que donc tout espoir n’était pas perdu de pouvoir changer le monde par petites zones d’humanité retrouvée.

Je ne connaissais pas Alain Orsoni, encore moins son fils Guy. Ce que j’ai vu et entendu à Vero, cette dignité, cette détermination à aller jusqu’au bout, n’ont pu que confirmer mon engagement à vous accompagner dans cette lutte inégale. Mais comment faire comprendre qu’il n’est question ici ni de l’innocence ou de la culpabilité de quelqu’un mais tout simplement d’une exigence de justice à laquelle chacun de nous devrait avoir droit.

En signant l’appel de la LDH pour une justice sereine et équitable je savais que le combat serait difficile car ce monde dans lequel nous vivons n’est ni serein ni équitable. C’est un sale monde où triomphe la bêtise le cynisme et la vulgarité, l’avidité pour le pouvoir et l’argent et l’indifférence aux autres. Cela me fait penser à ce dialogue dans le roman de science-fiction de Norman Spinrad « Jack Baron et l’éternité » peuplé de belles crapules télévisuelles comme il en existe tant aujourd’hui « - C’est une sale histoire – Non, c’est un sale monde ! ». Oui, un sale monde où le silence ordinaire des uns et le silence coupable des autres se mêlent à l’ignominie des commentaires dans de grandes décharges à ciel ouvert où pourrissent notre dignité humaine et notre intelligence collective. Cela m’a fait penser également au seul roman que j’ai su produire, IFF, où le héros revenu en Corse décide de se battre seul pour son ami accusé par la justice antiterroriste. Je ne renie rien de ce que j’ai pu écrire. Je t’en livre le dernier chapitre, cela te fera un peu de lecture. Soyez forts.

Amicizia, Paul file:///Users/gabriel/Documents/iff%20passages.htm

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