vendredi 2 mars 2012

De l'espérance mais aussi de l'angoisse

J'ai rendu visite aux grévistes de la faim. Pour l'heure, l'amaigrissement n'est réellement visible que chez Alain Orsoni. Il est très fatigué et dort souvent. Son organisme se demande ce qui se passe et réagit comme celui d'un ours à l'entrée de l'hiver. De plus, il en est à sa troisième grève de la faim. L'organisme se souvient. C'est pour lui que je m'inquiète le plus. Son moral est intact. Mais quelle vie!

Nous avons reparlé de notre rencontre avant son incarcération. Je ne le connaissais et j'avais écrit sur lui un article très négatif. Il a demandé à me rencontrer. J'y suis allé en me promettant de faire un scandale s'il me menaçait. J'ai trouvé un type charmant qui a répondu à toutes mes questions. Je lui alors fait valoir qu'il risquait gros en revenant. Parce qu'en Corse la mémoire assujettie aux rumeurs peut faire beaucoup de dégâts. Il a eu l'air de le prendre avec légereté.

Quelques jours plus tard on apprenait qu'il avait été victime d'une tentative d'assassinat et la machine infernale se mettait en marche. Incarcération… Enlèvement de sa fille… Son fils en cavale… C'est en coécrivant Un destin corse le premier volume de l'histoire de son existence que je me suis rendu compte que le personnage est un aventurier au sens ancien. Il s'ennuie dès que la vie devient répétitive. Il lui faut bouger, construire, vivre. Ce que je sais aussi c'est qu'il n'est certainement pas un voyou. Il n'en a tout simplement pas la tournure d'esprit. J'ai cotoyé suffisamment de voyou pour savoir comment ils réagissent, comment ils réfléchissent. C'est une somme de petites réactions (petites dans tous les sens du terme). Chez les voyous quels qu'ils soient (et je dis bien quels qu'ils soient), il n'y a rien qui prennent de la hauteur. Ils sont toujours en train de calculer les hommes, l'argent jamais les situations et surtout jamais en fonction des autres. C'est eux avant tout et avant tous. Certains sont extrêmement sympathiques, drôles. Mais on sent que ça peut être très éphémères et que vous pouvez être sacrifiés à tout instant dès lors que l'intérêt le commande.

Alain est exactement le contraire. Je crois qu'il a tellement le sens de l'amitié qu'une grande partie de ses ennuis viennent de là. De manière étonnante, il accorde parfois sa confiance à des personnages qui paraîtraient pour le moins bizarres à tout autre que lui.  Un jour on saura la vérité sur cette gigantesque embrouille qui met en scène Bernard Squarcini, des voyous, des sociétés de sécurité, des magistrats. Tout cela sur fond de fantasmes, de guerres de bandes et de déitement de l'état. Mais on s'apercevra que le nom d'Orsoni était le fusible parfait pour ne pas accepter la vérité très complexe et qui se traduit en bas de l'échelle par des cadavres et en haut par des promotions ou des risques d'échecs professionnels. Mais là encore rien de très grand. De la petite passion humaine ramenée à beaucoup d'orgueil et d'indifférence. On fourre en prison des types pour des années sans se poser la question des dégâts collatéraux et parfois même directs sur les individus.

La lettre de cachet c'était aussi cela: le droit offert à un individu d'embastiller un homme sans donner de raisons valables. Beaucoup de magistrats s'arroge un tel droit exorbitant. Et c'est insupportable.

Et quand c'est insupportable il ne faut pas supporter. C'est pourquoi les grévistes de la faim distillent beaucoup d'espérance mais aussi d'angoisse. Car la mort de l'un d'entre eux serait une véritable catastrophe. Or ce type de lutte peut toujours dégénérer. Il faut en être conscient.

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