mercredi 14 mars 2012

Tout le monde dort…

Huit heures du matin… Le printemps s'est installé. Cela fait maintenant une heure que je suis réveillé. L'habitude de l'école pour les enfants. Je leur téléphone tous les jours. Mais le quotidien des uns et des autres n'est pas très racontable. "Tu as bien travaillé?""Vous êtes gentils avec Maman?" etc. etc. Même avec Marianne, mon absence pèse lourd sur les dialogues. Je lui ai dit avant d'entamer cette grève que j'aurais besoin de toutes mes forces et qu'elle ne devait me parler que de ce dont je pourrais réellement m'occuper. Ce diktat diminue évidemment les sujets à partager. Elle est enrhumée. Elle est fatiguée. À la limite, c'est moi qui ai le beau rôle. Je me retrouve à Veru en villégiature.

Parce que pour l'instant, mon état physique est très étonnant. Je ne cesse de maigrir. Je sens qu'il se passe des "événements" à l'intérieur de mon corps. Mais l'esprit est étonnamment clair, la détermination intacte. Parfois de petits coups de fatigue mais une fatigue lumineuse. Elle ne ressemble nullement à celle qui vous saisit lorsque vous avez trop mangé ou bien lors des petites hypoglycémie que nous connaissons tous vers les dix heures du matin ou vers quatre heures de l'après-midi. Là le corps est en recherche constante de sucres. Il va puiser dans les graisses (de ce côté-là j'ai été beaucoup plus fourmi que cigale) puis il les balance dans l'organisme en les transformant en sucre.

Je me souviens lorsque Nadine, ma compagne durant vingt deux ans, est décédée dans un accident, mon esprit s'est mis en état de supporter le chagrin. J'avais mal mais je savais qu'il fallait dépasser ce chagrin pour notre fille d'abord (qui était adolescente) et parce que tout simplement j'avais envie de vivre et de vivre heureux. Là encore très paradoxalement, j'ai le souvenir de moments d'une intensité jamais connue jusque là. L'amitié, le sport, les grandes bouffes, tout prenait un relief particulier. Là encore je perdais du poids malgré les excès alimentaires (j'étais tombé à 76 kilos contre 110 au début de l'actuelle grève de la faim). Mais je me sentais léger et surtout très combattif. Je retrouve tout cela aujourd'hui. J'ai envie que nous gagnons. Non pas sur la justice. Au contraire. Lorsque je lis dans le journal l'arrestation de voyous, je me réjouis. Puis je m'inquiète des conditions de ces mises en examen. Nous entrons dans une période dangereuse pour la démocratie. La crise économique, la perte de repères, la misère prédisposent les hommes à de l'aigreur, à rechercher des boucs émissaires. Il ne s'agit pas du sort de quelques voyous. Ces gens-là sont entre eux leurs pires voyous et ils n'ont pas besoin de magistrats pour se punir. Non il s'agit de nous tous, de nos enfants.

Dans une brochure que j'avais écrit pour le comité vérité justice j'avais publié le poème d'un pasteur allemand, Martin Niemöller précisant qu'il ne s'agissait évidemment pas de comparer les périodes mais les logiques de glissements progressifs vers une période tyrannique. Martin Niemöller, pasteur et théologien allemand était né le 14 janvier 1892 et mort le 6 mars 1984). Admirateur du régime nazi, il s’était ensuite dressé contre lui après les premières atteintes portées aux religions. Déchu de ses fonctions de pasteur par le régime d’Adolph Hitler, il fut interné au camp de concentration de Sachsenhausen puis à Dachau. Libéré en 1945, il témoignera sur la lente dégradation de la démocratie durant l'Allemagne de Weimar, sur les petites lâchetés qui menèrent à un immense désastre humain et sur la nécessité de rester vigilant à toutes les atteintes, fussent-elles minimes, aux libertés fondamentales.

Il écrira à ce propos un poème intitulé “Quand ils sont venus chercher les communistes”.

Quand ils sont venus chercher les communistes
Je n'ai rien dit :
Je n'étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes
Je n'ai rien dit :
Je n'étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs
Je n'ai pas protesté :
Je n'étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques
Je n'ai pas protesté :
Je n'étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait personne pour protester.

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