dimanche 25 mars 2012

Ce n'est pas de la nostalgie…

Je n'ai pas de nostalgie du temps passé mais certains moments me laissent des parfums particuliers dans l'âme. Je me souviens du jour précis où j'ai rencontré les femmes que j'ai aimées et que j'aime. Je me souviens de la naissance de chacun de mes enfants. Je me souviens de la mort de tous les êtres aimés qui ont disparu. Je me souviens d'instants de ma jeunesse sans pour autant la regretter. Je me souviens de ce que j'aurais pu être et que je n'ai pas été. Durant mon existence je me suis efforcé de devenir ce que je suis réellement et non ce qu'on voulait que je sois. La grève de la faim aiguise les perceptions. J'ai retrouvé de vieilles photos. Pas beaucoup car je ne suis pas un collectionneur du passé. Pourtant je ne peux pas tomber sur un portrait de mes grands-parents, de mon frère, de ma mère ou de Nadine sans éprouver un pincement au cœur. J'ai tellement à leur dire. Parfois, je leur parle et je suis certain qu'ils m'entendent. Tout au moins ai-je envie de le croire. Mais non… Ce n'est pas une coquetterie. Je crois à une vie après la mort. Je crois aux vies qui s'enchaînent comme autant d'expériences dont nous sommes en partie les capitaines. Le destin existe mais nous avons à tout moment la possibilité de le changer. Et quand nous le pouvons pas, il nous appartient d'y réfléchir et de comprendre ce qui nous arrive.

J'ai trouvé cette photo de moi à 20 ans. Je crois me souvenir que je travaillais avec Grand-Père à remonter une murette en pierres sèches. C'était l'année durant laquelle j'ai obtenu ma licence en histoire tout en travaillant pour me payer mes études. J'avais retrouvé mes grands-parents avec une joie infinie. Ce jour-là Nadine nous avait rejoints un appareil de photo à la main. Elle avait pris ce cliché. C'était rare. Nous vivions au présent. Nous étions des militants et la mémoire, mère de la nostalgie, n'appartenait pas à notre monde. Nous étions tournés vers l'avenir que nous espérions plus juste.

Puis nous avons fourré ce cliché dans une boîte. Je ne l'ai retrouvé que vingt ans plus tard quand Nadine est morte. Durant des mois j'ai fouillé chaque recoin de la maison pour posséder des souvenirs d'elle. Je ne vis pourtant pas dans la sacralisation du passé. J'ai de jeunes enfants qui m'obligent, si d'aventure je m'égarais dans les années de ma jeunesse, à les quitter pour revenir dans le présent.

Si cette grève de la faim me remet ces souvenirs en mémoire c'est bien pour m'en séparer. J'ai le sentiment que ce que je vis est destiné à rompre certaines amarres et à enfin devenir ce que je suis. C'est je crois la raison de mon manque total d'appréhension. Loin de considérer que je me détruis, je me sens me construire. Certainement pas en héros mais au contraire à l'image de ce que devraient être selon moi des êtres humains réellement incarnés dans le destin collectif du cosmos. Je suis porté par une idée : la pertinence de sa propre conscience est rattachée à l'évidence d'appartenir au grand tout. Je suis une partie d'un ensemble qui me dépasse mais je suis une partie qui sait être une partie et qui, à ce titre, peut remplir le rôle qui lui est dévolu.


J'offre donc sur ce blog ce qui ne m'appartient plus : ce que j'ai été ce qui me permet d'être ce que je suis réellement. La grève de la faim que j'ai entamée possède encore une fois une fonction primordiale : réclamer la vraie justice pour chacun d'entre nous qu'il soit innocent ou coupable. La justice vraie a pour fonction de rendre sa dignité à celui qui est accusé, lui permettre d'affronter ses responsabilités avec clarté et courage. Quand la justice se met à dérailler comme elle le fait dans le dossier Guy Orsoni elle devient un modèle de mensonge et de tyrannie. Elle est alors un ferment de violence au lieu de jouer un rôle pacificateur. J'avais 20 ans et je me battais pour un monde plus juste. J'ai 60 ans et je continue de le faire mais d'une autre manière et dans une autre dimension.

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