vendredi 23 mars 2012

L'anniversaire de mon dernier né et grosse fatigue


La fatigue m'a réveillé plusieurs fois dans la nuit. Toujours cette sensation d'être arrivé à la fin du voyage. Je me retrouve dans le lit sans aucune force et pourtant sans crainte de ce que l'avenir nous prépare.

L'inhumanité du juge Choquet (comment peut-on prétendre faire régner la concorde et adopter ainsi des postures de tortionnaire ?) nous pousse à envisager le pire. C'est à quoi je me prépare quand, dans l'obscurité, je n'ai plus les pensées polluées par l'extérieur. J'appartiens à un groupe spiritualiste dont la présence m'aide infiniment. La méditation me permet de relativiser cette terrible marche vers l'imprévisible.

Je n'avais expérimenté ces lassitudes immenses qui laissent l'esprit libre de vagabonder. Le corps perd de sa densité, de sa pesanteur. Et pourtant malgré la tristesse que j'éprouve à l'idée qu'à mon âge tout peut s'arrêter soudainement, j'éprouve toujours cette joie lumineuse à agir en fonction de ma conscience et cette fierté à avoir réussi à faire passer mes principes et mon amitié par-delà les petits appels de l'instinct de conservation.

Et toutes les nuits me revient ce questionnement : comment les malheureux concentrationnaires faisaient-ils pour continuer à vivre malgré l'épuisement, le travail forcé, le désespoir et les coups ? Car tous ne mourraient pas. J'ai eu la chance de connaître dans ma jeunesse David Rousset l'inoubliable auteur des Jours de notre mort et de L'univers concentrationnaire. J'étais alors un jeune militant des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. Lui avait été trotskyste. Je me souviens d'une longue discussion où cet homme qui devait avoir dépassé la cinquantaine m'expliquait à moi, adolescent turbulent, les structures mentales qui avaient présidé à l'organisation de ce monde dantesque. Il avait travaillé dans le camp de Dora où se fabriquaient les fusées V2. Épuisé, il cherchait à chaque seconde le moyen de dormir pour ne pas mourir.

Nous sommes épuisés. Je suis aujourd'hui chez moi pour fêter le neuvième anniversaire de mon fils Aloys. Je n'ai pas de cadeau et je ne vais pas manger. Drôle d'anniversaire. En fait il est né le 26 mars c'est-à-dire lundi. Mais lundi je serai retourné à Veru pour une semaine déterminante.

Mon frère jumeau, Dominique, s'est suicidé à l'âge de 14 ans le 26 mars 1966. Je l'ai retrouvé le soir dans sa chambre et je l'ai dépendu avec mon père. Aloys a vu le jour à Ajaccio il y a neuf ans. Mon père et ma mère ont ressenti alors un mélange de douleur immense et de joie. Maman, sans le vouloir, appréhendait le printemps. Jamais le souvenir de cette soirée ne nous a quittés. Dominique… Aloys… Voilà signifiée la terrible parenthèse corse : le tombeau et le berceau. Dominique repose à côté de Nadine et de mes grands-parents dans le petit cimetière de Chera. Non loin de là se trouve la dernière demeure d'Antoine et de Julie, mes arrières grands-parents, les héros de La Terre des Seigneurs.

Telle est la Corse, une terre pétrie de drames, de douleurs mais aussi de ces petits bonheurs qui forment la vie. Nous en vivons un actuellement. Et en définitive, je plains le juge Choquet, le procureur Dallest, tous ces journalistes qui se seront tus par confort moral, par habitude, par arrogance aussi. La véritable histoire des peuples s'écrit avec les tripes et avec le cœur. Pas à coup de petits papiers sournois ou mesquins ! Les Justes sauvèrent des Juifs quand il était minuit dans le siècle parce qu'ils jetèrent aux orties les lois, les décisions judiciaires et n'écoutèrent que la petite voix qui indique la bonne voie.

Dans le livre 3 de l'Apocalypse, Saint-Jean écrit : Je connais tes œuvres : tu n'es ni froid ni chaud : plût à Dieu que tu fusses froid ou chaud !
Mais parce que tu es tiède, et ni froid ni chaud, je te vomirai de ma bouche.
Tu dis : Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien : et tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu."
"Seuls les violents s'emparent du royaume de Dieu" déclare Matthieu.
Cela signifie tout simplement que la radicalité de sa propre conscience est parfois nécessaire pour ouvrir des portes en l'occurrence celle de la Justice.

En ce beau Samedi ensoleille, ma détermination reste entière : nous ne devons rien lâcher tout simplement parce que nous avons raison. Hier, j'ai envoyé aux instances internationales qui défendent les droits de l'homme un résumé de notre affaire. J'ai reçu deux réponses de responsables qui ont promis d'interpeller la France.

Les journalistes continentaux que j'ai abreuvés de courriers électroniques, de leur côté frémissent. Espérons seulement que ce gros diesel qu'est l'information bougera avant qu'il ne soit trop tard. Je rappelle que nous ne demandons rien d'autre qu'un traitement objectif de notre situation : pas d'empathie, pas d'antipathie. Mais qu'au moins ces journalistes qui n'hésitent pas à descendre à Toulouse dans l'heure qui suit la lecture d'une dépêche viennent sur place pour enquêter.

Est-ce la mer à boire que d'exiger des professionnels qu'isl fassent correctement leur travail  ?

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