jeudi 22 mars 2012

La question posée par le groupe Femu a Corsica à l'Assemblée de la Corse


QUESTION ORALE POSÉE par Madame Nadine Nivaggioni
Au nom du Groupe « Femu a Corsica »
OBJET : Juridictions dʼexception.

Monsieur le Président de l’Exécutif,
Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse,

Contrairement à l’idée que l’on pourrait se faire de la démocratie, il est des pays qui confèrent une partie conséquente de leur pouvoir judiciaire à des juridictions d’exception. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, elles condamneront à la peine de mort les collaborateurs vichystes ou, plus près de nous, des militants du FLN algérien ou des membres de l’OAS. À partir des années soixante-dix, elles s'occuperont des « terroristes » qui portent atteinte à la Sureté de l’Etat et emprisonneront ainsi des centaines de corses.

En effet, au pays des droits de l'homme, la répression s’abattra très généreusement sur les nationalistes. La Cour spéciale du moment ne jugera pas en droit mais en raison d’Etat, pour circonscrire les ferments de la contestation. Un des premiers gestes symboliques forts de François Mitterrand, au lendemain du 10 mai 1981, fut d’ailleurs de supprimer les juridictions d’exception. La juridiction antiterroriste succèdera à ce haut tribunal.

Ses errements la conduiront à être dénoncée par de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, parmi lesquelles la Ligue des Droits de l’Homme et la Fédération internationale des Droits de l’Homme.

La dernière née, la JIRS, spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière, rejoint, par ses pratiques et son fonctionnement, les juridictions d’exception au service de la raison d’Etat.

Cette juridiction n'a rien à envier à ces aînées; elle suscite des vagues de plus en plus grandes de protestation. Si je prends la précaution de ne pas développer ni qualifier ces pratiques, je peux témoigner de ce qu'elle peut déclencher : des actes de désespoir.

Cette fois-ci, c’est un élu de la Corse, des citoyens, un journaliste qui iront au bout du bout. La société corse s’enkyste dans une spirale mortifère. La justice est-elle encore la justice? Pour bon nombre de citoyens, l’Etat est absent et ne laisse aux hommes que des réactions ultimes, gravissimes, des hommes qui font le choix de mettre leur vie en péril pour que justice soit faite.

Les avocats épuisent tous les recours juridiques pour obtenir une défense loyale et une instruction équitable. Leur impuissance ne peut qu'encourager malheureusement des décisions extrêmes, qui ont pour but de dénoncer publiquement l’insupportable.

Ce bras de fer, Messieurs les Présidents, entre une justice de l’arbitraire et des familles broyées par une machine infernale qui nous font douter des principes et des valeurs universelles humanistes, ne peut nous satisfaire. Nous, élus de ce pays, cherchons pourtant un chemin d'espoir pour toute une jeunesse désemparée dans une société à la dérive.

Des centaines d’ouvertures d’informations, de perquisitions, de mises en examen, des dizaines d’incarcérations provisoires, pour en arriver à des taux d'élucidation ridicules. Pas l’ombre d’une piste de résolution d’enquête. Face aux statistiques falsifiées de la Préfecture, parfait mensonge de prétendue santé et efficacité de l'institution, qui pourra bien contredire mon témoignage ?

Ma parole ce matin ne pourra au grand jamais être assimilée à un appel à la répression. Elle est un appel solennel et digne, un de plus, à une justice équitable pour tous. Tout simplement.

Aussi, Messieurs les Présidents de l’Assemblée et de l’Exécutif, les élus du groupe FEMU A CORSICA, vous demandent de prendre publiquement position, ici, sur les méthodes et les agissements de la JIRS et plus encore que s’interroger sur les raisons qui poussent 4 hommes à se laisser mourir dans l’indifférence, de vous faire entendre au plus niveau haut de l’Etat et du pouvoir judiciaire pour éviter le pire.
Je vous remercie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire